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49. The Authorship of the fourth Gospel. External evidences, by E. ABBOT D. D. Boston, G. H. Ellis 101 Milk Street. 1880, 1 vol. in-8°, 104 pages.

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L'intérêt de cette dissertation est surtout dans le fait qu'elle nous vient des Etats-Unis et montre les progrès que la critique historique moderne appliquée aux livres bibliques y a faits depuis quelques années dans les cercles les plus conservateurs. L'originalité n'y est pas très grande; l'auteur n'apporte rien de nouveau dans le débat de l'obscur problème des origines du quatrième évangile. Mais il connait très bien. tout ce qui s'est fait de plus sérieux en Europe jusqu'au moment où il écrit et il le résume assez bien.

M. Abbot ne s'occupe que de ce que l'on appelle les « preuves externes », c'est-à-dire les témoignages historiques du second siècle en faveur de l'authenticité de l'Evangile selon saint Jean, de laquelle il ne doute pas. Sa dissertation est un plaidoyer calme, consciencieux, bien informé. Il s'est arrêté aux quatre points suivants : 1o Cet Evangile était accepté généralement comme authentique dans l'Eglise chrétienne au dernier quart du second siècle; 2o il était compris parmi les « mémoires apostoliques » que mentionne et que cite Justin martyr; 3° il était connu et exploité par les chefs des principales sectes gnostiques, Basilide, Valentin, Marcion, etc; 4° il porte, dans ses derniers versets, une attestation historique de son authenticité presque contemporaine de sa première apparition. Sur les deux premiers points, la discussion de M. Abbot est à peu près satisfaisante et nous ne sommes pas éloigné de lui donner raison, sauf sur quelques points de détail comme la date de la Peschito, ou plutôt ce qui est la chose importante pour nous, du texte actuel que nous en avons. Il est plus que douteux que celui-ci remonte à la seconde moitié du second siècle (p. 23). Mais les deux derniers points sont à peine effleurés. On dirait que l'auteur ne se doute pas des difficultés qui s'y rencontrent. Peut-être y a-t-il une explication plus juste de cette brièveté. Il semble qu'il avait le sentiment de s'être trop étendu sur Justin Martyr. Il a fait comme ces prédicateurs qui ont mis une heure à développer les deux premiers points de leur sermon et sacrifient le troisième pour ne pas retenir trop longtemps leurs auditeurs. A. SABATIER.

50.

Zur Rechtsgeschichte der ræmischen und germanischen Urkunde, von Dr Heinrich BRUNNER. Berlin, Weidmannsche Buchhandlung. 1880.

Dans les nouvelles recherches sur l'histoire du droit, l'importance des sources devient toujours plus grande, » dit M. Brunner dans sa préface. Cette idée n'est plus à démontrer ni à discuter; mais elle a encore besoin d'être mise en pratique; et on ne saurait trop faire remarquer combien, en France, nous sommes en retard au point de vue de la connais

sance et de la critique des sources juridiques. L'ouvrage de M. B. est une suite des travaux qu'il a entrepris sur le droit germanique, et il vient combler une lacune auparavant fort appréciable.

Nous avons, en effet, à notre disposition, des matériaux considérables, réunis par Pardessus, de Rozière et autres; mais les éditeurs de ces recueils avaient négligé la partie critique des sources qu'ils publiaient ou s'étaient bornés à faire ressortir l'importance de ces textes pour le droit public et politique.

Le but de M. B. est tout autre. Il a voulu faire l'histoire des documents de droit (privaturkunde), des carta, notitia, breve, memoratorium, etc., que nous désignons sous les noms divers de charte, diplôme, titre, etc.

Le tome I, que nous annonçons, se compose de trois monographies: 1o sur les sources lombardo-italiennes; 2o sur les sources anglo-saxonnes; 3° sur les sources franques. Chacune de ces parties est traitée d'après un plan presque uniforme et contient la classification des différents types de documents en usage dans chaque législation et la description de leur rédaction matérielle et de leur contenu. Ainsi, pour l'Italie, les sources privées, qui dérivent toutes des anciens types romains (pp. 4, 44), doivent se classer d'après leur objet, en cartæ et notitiæ; d'après le lieu de rédaction, en titres romains et en titres lombards. Ainsi, dans la Gaule franque, la classification, quant à l'objet, est la même, et, quant au territoire, on divise les sources en franques, alamanes, rhétiques et bavaroises.

La division relative à l'objet de la pièce, domine toutes les autres; aussi importe-t-il de la bien noter. La notitia était un titre qui servait à prouver un acte juridique, mais ne servait pas à sa perfection; elle en était indépendante, c'était uniquement un mode de preuve. La carta pouvait également servir à prouver une opération juridique, mais son rôle était surtout de parfaire l'acte juridique lui-même et d'en fixer les conditions (p. 16).

Nous ne pouvons entrer dans les détails si précieux et si nourris par lesquels M. B. prouve et appuie les deux classifications qu'il a faites. Nous ne pouvons insister sur les caractères diplomatiques des cartæ et des notitiæ, ni suivre l'auteur dans ses recherches sur la question de savoir quel était le rédacteur de ces actes dans les sources toscano-lombardes, dans les sources bénéventines, dans les sources anglo-saxonnes et franques. Bien qu'il résulte de ces discussions des différences fort tran

1. Brunner: 1o Zeugen und Inquisitionsbeweis der karolingischen Zeit. Wien, 1866, 8°. Sitzungsber. der W. Ak. Bd. 51;

20 Wort und Form im altfranzæsischen Processe, Wien, 1868, 8°. Sitzungsber, der W. Ak. Bd. 57;

3o Carta und Notitia, pour la fête de Mommsen, 1877;

4o Das Gerichtszeugniss und die frænkische Königsurkunde, pour la fête d'Heffter, 1873.

chées entre les cartæ et les notitiæ (p. 17), nous pensons que ces résultats, pour être bien saisis, demanderaient à être suivis les textes en main, ce qui n'est point possible.

Nous voulons d'ailleurs, à côté de l'intérêt diplomatique de l'ouvrage de M. B., faire ressortir l'intérêt juridique et historique qu'il présente. Une fois déterminés les éléments qui composent une carta, il s'agit de démontrer à quoi peut servir ce titre et comment il joue un rôle dans la vie pratique et juridique. C'est la question de la traditio carta, de l'aliénation du Bocland (p. 169) et de l'investiture franque (p. 272). Nous n'insistons que sur le droit franc. Voici l'opinion de M. Brunner. La tradition de la carta forme un élément essentiel de la confection d'un titre juridique (Urkundungsact) et cette confection dans le droit franc, anglo-saxon et lombard, est une opération orale et formelle. L'effet de la traditio cartæ est de transférer la propriété. M. B. reconnaît avec raison que l'aliénation d'un immeuble ne peut avoir lieu, comme en droit romain, par la simple prise de possession avec permission du tradens; il croit que la présence réelle des deux contractants est nécessaire et que l'acte est un contrat formel. Les formes seraient de deux sortes et l'investiture aurait lieu soit par la remise d'objets matériels, soit par une tradition symbolique: une traditio carte ou un débat simulé en justice. Ces différentes formes se seraient ensuite confondues entre elles aux ixe et x° siècles.

Ces questions sont trop délicates pour pouvoir être tranchées ici. Nous n'avons même fait qu'exposer en quelques mots trop insuffisants l'intérêt scientifique du livre de M. Brunner. Les ouvrages faits avec cette sûreté de méthode et cette profonde connaissance des textes n'ont d'ailleurs pas besoin d'être loués, rarement d'être critiqués; ils demandent seulement à être lus.

M. F.

51.

Corneille

Les Sciences et les Arts occultes au XVIe siècle. Agrippa, sa vie et ses œuvres, par M. Aug. PROST. Tome premier. Paris, Champion, 1881. In-8° de 2 ff., xxxix et 401 pp., plus un portrait.

Peu d'hommes, même à cette époque si agitée de la Renaissance, ont eu une existence aussi tourmentée que Corneille Agrippa. Né à Cologne en 1486, il habita successivement la France, l'Allemagne, l'Espagne, l'Angleterre, l'Italie, la Suisse et les Pays-Bas, tantôt professeur, tantôt médecin, en relation avec les principaux savants et les plus illustres personnages de son siècle. Au nom d'Agrippa se rattachent, en outre, des légendes qui nous le représentent comme un fervent adepte de la magie. Il n'est donc pas surprenant que sa vie ait fixé l'attention des critiques. L'étude que M. Prost lui consacre aujourd'hui ne comportera pas moins de deux volumes. C'est un ouvrage sérieux et intéressant qui sera lu avec

fruit. On y remarque toutefois d'assez grands défauts que nous avons cru devoir signaler à l'auteur avant d'attendre la publication de son second volume.

M. P. nous semble n'avoir eu recours qu'à deux sources différentes; il a consulté: 1o la correspondance d'Agrippa, qu'il a consciencieusement dépouillée et dont il a tiré le meilleur parti possible; 2o les documents conservés aux archives de Metz. Il dit (p. 12) n'avoir négligé volontairement aucun des travaux antérieurs relatifs au même sujet; mais, par suite de circonstances assez fâcheuses, il se trouve qu'il n'a pu mettre à profit que les articles des dictionnaires biographiques et deux publications toutes spéciales de M. Daguetet de M. Charvet. Il n'a eu sous les yeux ni la vie anonyme d'Agrippa, imprimée en 1722 3, ni l'ouvrage de Ravius', ni, ce qui est plus grave, l'importante monographie de M. Morley 5. On s'explique mal que M. P. ait pu se résigner à ne pas consulter un ouvrage en deux volumes qu'il savait avoir été publié vingt-cinq ans aupa ravant par un érudit spécialement versé dans la litétrature du xvr° siècle. Si M. Morley n'a pas interrogé les archives de Metz, qui ne pouvaient, du reste, lui fournir de renseignements que sur une courte période de la vie d'Agrippa, il a étudié la correspondance du célèbre philosophe avec tout autant de soin que M. P. et il a réussi à élucider une foule de questions que son successeur n'a pas abordées.

Un autre grand ouvrage que l'auteur du volume qui vient de paraitre eût dû avoir constamment sous les yeux et qui lui eût fourni les moyens de rectifier et de compléter, sur bien des points, son devancier, même peut-être en ce qui touche les détails de l'histoire messine, c'est la Correspondance des Réformateurs, publiée par M. Herminjard. Nous voyons mal dans le livre de M. P. quelle part prit Agrippa au mouvement général des idées dans les premiers temps de la Réforme; au lieu de nous apparaître isolé, ou en relations seulement avec quelques amis, il doit être rapproché de tous les érudits, de tous les novateurs qui, au commencement du xvr® siècle, s'efforcèrent de conquérir la liberté de la pensée.

Nous ne contestons pas les mérites de M. P. et nous ne nous donnerons pas le facile plaisir de lui opposer le travail de M. Morley; mais nous devons relever quelques points de détails qui justifient notre ap

1. Agrippa chez les Suisses, 1856.

2. Correspondance d'Eustache Chapuys et de Henri Corneille Agrippa, 1874. 3. Agrippaeana, oder H. C. Agrippa's merkwürdiges Leben und Schriften. O. J. 1722. In-8°.

4. Dissertatio de H. C. Agrippae eruditione, portentis, vita, fatis et scriptis.Wittenberg, 1726. In-8°.

5. Cornelius Agrippa. The Life of Henry Cornelius Agrippa von Nettesheim, Doctor and Knight, commonly known as a Magician. By Henry Morley, author of « Palissy, the Potter », « Jerome Cardan », etc. London, Chapman and Hall, 1856, 2 vol. in-8°. Biblioth nat., M. 2096.

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préciation et qui, peut-être, ne seront pas sans intérêt pour la suite de l'ouvrage.

P. 27. A propos du mémoire adressé par Agrippa au conseil de Malines en faveur de Jehan Thibault, nous recommandons à M. P. les cartes déjà parues de la Bibliotheca belgica de M. F. vander Haeghen. Il y verra décrite, pour la première fois, une pièce qui se rapporte étroitement au sujet.

P. 48. Sur les 451 lettres attribuées à Agrippa dans ses œuvres, M. P. croit pouvoir en éliminer une, qu'il dit ne pas être de lui (Agrippae Opera, Lugduni, per Beringos fratres, s. a., in-8; Epist., III, 82). La méme remarque a été faite par M. Herminjard (I, 316), qui a restitué cette lettre, avec beaucoup de raison, à François Lambert. La liste des correspondants du philosophe de Cologne se trouve ainsi enrichie d'un

nom nouveau.

P. 131. M. P. traduit ainsi la fin de la lettre d'Agrippa à Landolfo, datée de Cologne, le 23 mai 1507 : « Salue, de ma part, Dom Germanus, Ganeus et Carolus Focardus, Dom de Molinflor, Janotus Bascus et Dom de Charona. » Il faut lire, non pas Germanus et Ganeus, mais Germain de Ganay. Ce personnage, qui était parent du chancelier Jehan de Ganay, devint évêque de Cahors, en 1510, puis d'Orléans, en 1514. M. Morley (I, 29) est tombé dans la même erreur en ce qui concerne Germain de Ganay, mais il a fort bien restitué le nom de Juanetin Bascara, seigneur de Gerona. Quant aux deux autres noms, ils se rapportent peut-être à une seule personne : Charles Foucard, ou Focardo, seigneur de Molinflor. On conçoit sans peine que la correspondance d'un homme tel qu'Agrippa perd tout son intérêt si l'on ne s'efforce d'identifier les noms d'hommes et de lieux qui s'y rencontrent.

Le nom de l'Italien Landolfo est resté jusqu'ici énigmatique. N'est-ce pas celui de Caesar Landulphus, auteur d'un traité De febribus, imprimé, avec d'autres opuscules, à Lyon, par Simon Bevilacqua, en 1505, in-4 (Panzer, Annales, VII, 286), et réimprimé à Venise en 1516, infol. (ibid., VIII, 437), à Lyon, par Jacques Moulen, en 1525, in-8 ibid., IX, 520) et à Lyon, par Benoist Bonnyn, en 1532, in-4 (ibid., VII, 353)?

P. 136. M. P. ne cherche pas à identifier le palatium Grangiae. Il en fait, avec raison, croyons-nous, un palais espagnol (peut-être La Granja, où il existait sans doute un château avant que Philippe V y construisît un nouveau Versailles). M. Morley (I, 33) voit, au contraire, dans La Grange, une localité située en France sur les confins de la FrancheComté. Le même auteur est disposé à reconnaître Clermont, en Auvergne, sous la dénomination d'Arx vetus.

Les localités espagnoles auxquelles Agrippa donne des noms de fantaisie Charona, Vallis rotunda, etc., n'ont fait l'objet d'aucune étude de la part de M. P.; il est vrai qu'il nous promet (p. 149) quelques observations qui trouveront place dans un appendice. L'historien anglais

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