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faisaient partie; parmi les dirigeants se trouvait le maire du palais, ancien comte de Saintes (244).

Le cortège parvenu à Poitiers, le duc Gamard Babon, fils de Mummolin de Soissons, et oncle paternel de saint Arnoul, qui avait reçu la mission d'être le paranymphe, ou « père de noces » de la princesse, rebroussa chemin avec sa femme; et ses gens, le long de la route, pillèrent les fermes des paysans, ravagèrent les vignobles, coupant les raisins avec leurs sarments. C'était à la veille de la récolte; et comme il s'agit d'une région en-deçà de la Loire, il faut admettre qu'on se trouvait au commencement d'octobre. Grégoire dit qu'avec ce retour coïncida le départ de Chilpéric quittant Paris pour aller s'établir à Chelles, et s'y livrer au plaisir de la chasse.

C'est durant cette villégiature qu'il fut assassiné. La saison était avancée, car il faisait nuit noire à l'heure où il revenait de la chasse pour souper, et cette circonstance permit au meurtrier de disparaître avant d'avoir été reconnu. Aussi est-il tout indiqué d'attribuer à cet événement tragique le quantième du 5 novembre, jour funèbre d'un roi, que Dom Racine a cru à tort être Chilpéric II et que l'ancien nécrologe Dionysien commémorait (245).

Contre l'authenticité de la source utilisée par l'auteur du Nécrologe manuscrit de Saint-Denis, W. Levison a, dans une revue allemande, présenté des arguments dont le principal consiste à battre

(244) Ce comte de Saintes est nommé Gaudon (Waddo). C'est l'abréviation de Gaudri (Waldericus). Sous le nom de Waldericus, ce comte paraît avoir été cité dans les récits angoumoisins concernant Cybar. Il fit don du domaine de Mont-sur-Charente, pour le repos de son âme, au monastère du Saint reclus. Mais ayant laissé le pouvoir à son gendre Chrotier, celui-ci s'efforça de reprendre ce bien malgré les prières de l'abbé Rusticus, il en accapara les produits : plus tard, atteint d'une fièvre maligne, il les restitua avant de mourir.

Le donateur est ainsi désigné dans le texte édité par les Monumenta Germaniæ historica: « Waldericus Sanctonicæ civitatis vir perspicuus. » (Scriptores rerum Merovingicarum, III, Passiones, I, 563.) « Perspicuus », qui signifie : «< transparent, manifeste », est une lecture fautive, pour : « prospicuus » qui veut dire « remarquable ». La première épithète est du domaine de la clarté ; la seconde ressort de la distinction, et convient à des individualités de premier plan.

M. Krusch aurait bien dû signaler cette méprise d'un copiste interprétant le sigle du préfixe.

(145) Depoin, Essai d'une chronologie des Rois mérovingiens de Paris, p. 7: Bulletin historique et philologique, 1905, p. 209.

L'obscurité complète de la nuit suppose l'absence du clair de lune, circonstance qui convient à la date du 5 novembre 584, puisque la nouvelle lune tombait le 10 de ce mois. En septembre le dernier jour du mois coïncide avec la pleine lune. Cette remarque vient encore à l'appui de notre conclusion.

en brèche la conclusion qui vient d'être formulée. Il se persuade que tous les événements relatés dans les derniers chapitres du livre VI de son Histoire par Grégoire de Tours, se sont accumulés dans le mois de septembre. On voit par les remarques précédentes avec quelle légèreté il a lu le texte. Il convient d'ajouter que le nécrologe antérieur à celui copié par Mabillon, document dont le critique allemand a nié l'existence, a laissé l'un de ses feuillets mutilés dans le manuscrit latin 17177 de la Bibliothèque nationale.

En supposant donc, comme c'est probable, que la chancellerie de Clotaire II ait fait partir le début de son règne du jour où périt Chilpéric, le 28 septembre de la 43° année de Clotaire se rapporte à l'année 627.

(C) Macout, évêque coadjuteur (628-630).

C'est vers ce temps que saint Macout, évêque d'Alet, chassé de son siège par un tyranneau breton, émigra sur une nef de cabotage, et ayant appris aux rivages de l'Aunis qu'il rencontrerait en tournée pastorale le saint évêque Léonce de Saintes, se fit débarquer et conduire au prélat. Léonce lui assura l'hospitalité et sollicita son concours pour le suppléer dans ses visites diocésaines. Macout accepta volontiers, et soulagea par son assistance le pasteur fatigué. Cependant les habitants d'Alet firent, redemander leur évêque, et Macout, se rendant à leurs prières, quitta la Saintonge. Un autre coadjuteur le remplaça.

(D) Deutier, évêque-coadjuteur (630-632).

En 630 l'évêque Léonce, par suite apparemment d'une maladie prolongée, avait dû cesser d'administrer le diocèse. La gestion en fut confiée à Deutier, prêtre auxerrois. L'Eglise d'Auxerre avait alors pour pasteur un Pallais, qu'on peut supposer sans témérité proche parent de Pallais II de Saintes. Sa première lettre à Didier, qui venait d'être placé sur le siège de Cahors, nous fait connaître la délégation donnée à Deutier.

Dümmler résume ainsi l'épître de Pallais d'Auxerre à Didier :

« Palladius Antissiodorensis episcopus Desiderio hospitiola sua in civitate Cadurcensi sita, Bagidonem (cum Chromatia) cujus presbiter jam episcopus Santonensis sit, Pastoriacum, Bassiacum, Alevernacum commendat. >>

L'analyse, comme on va le voir, est par trop libre. Nous la reproduisons seulement pour appuyer, de l'autorité du savant éditeur, l'interprétation, analogue à la sienne, mais appuyée par un recoupement, que nous croyons devoir donner du texte de cette épître. Voici notre traduction (246).

« A son seigneur l'évêque Didier, Pallais évêque.

<«La foi nous mouvant, pour affirmer l'union entre les prélats et leurs églises partout où elles s'étendent, nous espérons confier à votre piété, sauf le droit de notre église, tout ce que celle-ci possède en Cahorsin, Bégous, Pasturat, Boussac, Alvignac (247) avec toutes les propriétés,.serfs et terres, qui dépendent de son domaine. Et comme à Bégous habite Chromaise sur un bien d'église, à titre précaire, parce que son frère, le prêtre Deutier, dirige maintenant les affaires ecclésiastiques à Saintes, nous vous prierons de la prendre, avec tout son avoir, sous votre protection. Dieu vous en récompensera et nous vous saurons gré d'agréer notre supplique. Ainsi nous vous demandons qu'à tous nos hommes résidant en votre ville, en y comprenant ladite Chromaise, vous assuriez votre paternel appui. >>

Cette lettre doit avoir été écrite peu après l'intronisation de Didier au siège de Cahors; il l'occupa de 630 à 655 (248).

(246) En voici le texte original, fourmillant de solécismes : « Domno suo Desiderio episcopo Palladius episcopus.

« Pro intuitu fidei et unitate sacerdotum quam ecclesiarum ubique deffusarum, spero ad Pietatem vestram ut hospitiola quascumque in Cadurco Ecclesia nostra videtur haberae, hoc est Bagidone, Pastoriaco, Bassiaco et Alvernaco, vobis cum omnem rem, mancipiis vel terris, aud quicquid ad jure nostro pertenit, salvo jure ecclesiae nostrae, vobis in omnibus commendamus... Similiter ubi Chromatia in re ecclesiae Bagidone commanet, quia frater suus Deotherius presbiter actos ecclesiae Sanctonicae egit, et nunc ipsa Cromatia qui ibidem, per beneficium precaturiae, manerae videtur, sic eam cum homni re sua jubeas defensare, quomodo re de Deum mercidem habeas, et nos vobis gratia subplicationis agamus. Et... rogo... ut omnes juris nostri homines, qui in urbe vestra commanent, una cum antefala Cromatia, pia vestri protectione in omnibus mereantur promereri.

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(Dümmler, Epistolæ ævi Merovingici, I, 213.)

(217) Bégous, commune de Cahors. Bagido, où réside Chromatia, est dans la ville puisque Chromaise est associée aux autres hommes de l'église domiciliés in urbe. Pasturat, éc. Arcambal, cant. Cahors. Boussac, ca. Livernon, arr. Figeac. Alvignac, ca. Gramat, arr. Gourdon, voisin de Rocamadour.

(248) La vie de saint Didier, évêque de Cahors, publiée d'après les manuscrits de Copenhague par R. Poupardin (Coll. de textes pour servir à l'enseignement de l'histoire, Paris, Picard).

Au moment ou Pallais d'Auxerre recommande Chromaise, sœur du prêtre de Cahors Deutier, celui-ci est déjà appelé à administrer l'Église de Saintes. Il est donc « prêtre nommé » pour occuper l'épiscopat, mais non encore consacré. Il le fut peu de temps après.

L'observation de Krusch permet, en opérant une légère rectification qui s'impose, de préciser la personnalité d'un prélat dont le siège demeurait jusqu'à présent ignoré.

L'état de Léonce se prolongeant ou ayant empiré, Deutier fut promu à l'épiscopat, sans titre de diocèse. Nous le voyons ainsi assister, le 27 novembre 632, à l'acte testamentaire fait par saint Eloi en présence de sept autres chefs des diocèses suivants: Beauvais, Laon, Limoges, Mâcon, Nantes, Sens et Tours.

Le texte publié porte la souscription suivante :

Deotemus peccator, rogatus a suprascripto [Eligio] subscripsi (249).

Mais on ne saurait hésiter sur la correction « Deoterius » qui s'impose.« Deotemus» est une corruption évidente, ce ne saurait être un prénom de l'époque mérovingienne.

Cependant Léonce ayant pu reprendre sa charge, au plus tard en 633, Deutier disparaît, soit qu'il ait cessé de vivre, soit qu'il ait reçu une autre mission. C'est à ce moment que saint Macout, après avoir été revoir ses ouailles d'Aleth, lassé de leur ingratitude, revint en Saintonge où il mourut le 15 novembre 634.

Léonce, qui avait recouvré la santé, lui ménagea des obsèques solennelles et fit bâtir une église pour recevoir sa dépouille.

A propos de cette correspondance entre Didier de Cahors et Pallaís d'Auxerre, il est intéressant de dire un mot du prédécesseur de Pallais, qui se nommait aussi Didier (Desiderius). Il était Aquitain (250), et deux textes qui le concernent le disent, l'un, « nepos Brunechildis reginæ », l'autre, « consanguineus Brunechildis et filiorum ejus ». Le terme « nepos » n'a pas eu d'autres valeurs avant le Xe siècle, que celles de la bonne latinité, « petit-fils » ou bien fils d'un frère ou d'une sœur ». « Le terme de « consanguineus >> exige une origine commune provenant d'un même couple (251). Brunehaud, mère du roi Childebert II, était fille du roi

(249) Scriptores rerum Merovingicarum, IV, Passiones vitæque Sanctorum, II, 749. L'éditeur ajoute en renvoi : « Episcopus ignotæ sedis >>.

(250) Acta Sanctorum Octobris, XII, 351.

(251) Depoin, Les relations de famille au Moyen-Age (tir. à part du tom. XXXII des Mémoires de la Société historique du Vexin).

Athanagilde et de la reine Galsuinte. Il s'ensuit que Didier avait pour mère une sœur consanguine de deux reines de France, Brunehaud unie à Sigebert Ier, et Galsuinte II femme de Chilpéric. Cette généalogie justifie la présence, aux mains de Didier, d'un missel provenant du roi goth Thorismond (missarium argenteum cum nomine Thorsmodi) du poids de 36 livres, qu'il offrit à sa cathédrale, tandis que Brunehaud dotait le trésor de Saint-Etienne d'un calice d'une admirable beauté, en onyx décoré d'or pur. Mais ce qui nous intéresse, ce sont les propriétés que Didier légua à son église. « Item dedit in pago Sanctonico villas Saturiacum et Vrsionem cum edificiis, servis, mansis, ac universo apparatu earum ». Ainsi Didier possédait Virson et Sautré (252): « Necnon et areas cum domibus supra positis, tam in Metullo quam in urbe Senonica (corr. Sanctonica), quas de Viligunde matrona dato pretio comparavit. » Il avait aussi des terrains bâtis à Melle et à Saintes acquis par lui d'une mère de famille, Viligonde. Toutes ces propriétés, Didier les donna à l'Église d'Auxerre par les mains de Pallais, son archidiacre et futur successeur, certainement son très proche parent.

(E) Aiou, évêque de Saintes (637).

L'abbé Th. Grasilier a signalé le premier ce prélat (253).

La souscription « Ailphus, Sanctonica sedis episcopus » se rencontre au bas de la charte d'établissement du monastère de Rebais, telle que l'évêque Burgundofaro (saint Faron) la notifie à ses comprovinciaux (254). Cette pièce est ainsi datée : « Actum Clipiaco [Clichy], sub die kalendarum Martii anno XV regnante [corr. regni] Domini et filii nostri Dagoberti gloriosi regis. » La date inscrite correspond au 1er mars 637. Dagobert Ier, d'après la formule employée, avait été tenu sur les fonts du baptême par l'évêque de Meaux.

L'original de la charte ne subsiste plus; son authenticité a été mise en doute; cependant il ne nous semble pas qu'on puisse contester l'existence simultanée des prélats dont les noms s'y trouvent

Sau

(252) Virson, canton d'Aigrefeuille-d'Aunis, arr. Rochefort (N.-D. de Virson dans l'archiprêtré de Surgères dépendit plus tard du prieuré de Soubise). tré, commune de Genouillé, canton de Tonnay-Charente, arr. Rochefort. (253) Recueil de la Commission des Arts et Monuments de la Charente, t. III (1877), p. 185. (254) Patrologia latina, LXXXVII, 1131-1138.

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