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et dont le résultat dément totalement les inculpations portées contre lui.

Minute

Après cette lettre l'affaire fut terminée et le dossier fut classé sous la cote B. P. 1029.

III

UN MARIAGE A SAINT-JEAN-D'ANGELY, EN 1808

Dans la Revue du 1er mars 1906 (XXVI, pp. 89 et suiv.) nous avons parlé de « Quatre mariages saintais, dotés par l'État en 1810 »>, en vertu d'un décret de Napoléon Ier, daté du 25 mars de la même année à l'occasion de son mariage avec Marie-Louise d'Autriche,

Un intéressant document, que nous avons eu la bonne fortune de nous procurer, nous rappelle d'autres actes d'indulgence et de bienfaisance par lesquels l'ex-Premier Consul Bonaparte voulut signaler son avènement au trône lorsque la dignité impériale lui fut conférée par le sénatus-consulte du 28 floréal an XII (18 mai 1804).

Par un décret du 13 prairial suivant (2 juin 1804), il ordonna, en effet 1° la mise en liberté des individus condamnés correctionnellement et qui n'étaient détenus que pour le recouvrement des amendes ou des frais; 2° la décharge de la contrainte par corps des débiteurs de l'Etat ; 3° le paiement par le trésorier de la liste civile des mois de nourrice des habitants de Paris et de la banlieue qui seraient jugés en situation de ne pas pouvoir les acquitter euxmêmes; 4° et l'amnistie à tous sous-officiers et soldats déserteurs des troupes de terre et de mer.

De plus, ce même décret constitua des dots à des filles à marier dans son titre IV, sous les articles 7, 8 et 9, ainsi conçus :

« Art. 7. Il est accordé pour chacune des municipalités de Paris, Lyon, Marseille, Bordeaux, et pour chaque arrondissement communal de l'Empire, une somme de 600 francs destinée à la dotation d'une fille pauvre et de bonne conduite.

« Art. 8. La désignation en sera faite à Paris, Lyon, Marseille, Bordeaux, et dans les arrondissements de chef-lieu des préfectures par le préfet, dans les autres arrondissements par le sous-préfet.

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«Art. 9. le couronnement de l'empereur (1) ».

Les mariages se célébreront au jour qui sera fixé pour

Ce décret, on le voit, n'imposait pas à la future épouse, comme celui du 25 mars 1810, le choix pour conjoint d'un «< homme ayant fait la guerre », cependant il est probable que, vu les mœurs du temps, l'élu, dans la pratique, était presque toujours un militaire, retraité ou en activité de service.

En exécution de ce décret, eut lieu à Saintes le 4 décembre 1808 le mariage de Jacques Gillardeau, âgé de 26 ans, couvreur, ex-militaire retraité, demeurant en ladite ville, et de Marguerite Hervé, âgée de 22 ans, fille de Pierre Hervé, jardinier à Saintes, et de Marie Piochaud, en présence des témoins ci-après, tous personnages marquants: 1o Jacques Garnier, l'ancien conventionnel, alors président de la Cour de Justice criminelle du département de la CharenteInférieure, membre de la Légion d'honneur; 2° Pierre-Éléonore Vassal, directeur de la régie des domaines et de l'enregistrement à Saintes; 3o Pierre-Cosme Senné, avoué près le tribunal civil de Saintes et conseiller municipal de ladite ville; 4° Jean-FrançoisLouis De Lorme, capitaine de gendarmerie impériale, commandant de la place de Saintes, membre de la Légion d'honneur (2).

En cette même année 1808, la plus sage des filles de Saint-Jeand'Angély à marier s'appelait Marie-Marguerite Noir, et celui avec lequel elle devait s'unir en justes noces vers la fin de l'année était un ancien militaire du nom de Begusseau.

Leur fête matrimoniale eut lieu avec une solennité toute particulière. En voici la raison.

Le 28 novembre 1808, le comte Regnaud de Saint-Jean-d'Angély, l'ancien député du tiers aux Etats généraux de 1789 pour la séné chaussée de cette ville, alors ministre d'Etat, arrivait à Saint-Jeand'Angély, venant dans le département de la Charente-Inférieure pour y présider le collège électoral. - Ce même jour la Compagnie des avocats de Saint-Jean-d'Angély, ayant en tête Mes Loustallot (3),

(1) Le Sacre de Napoléon I" par le pape Pie VII eut lieu, on le sait, dans l'église de Notre-Dame de Paris, le 11 frimaire an XIII (2 décembre 1804).

(2) Registres de l'état civil de la ville de Saintes. Aux années antérieures nous n'avons pas trouvé de mariage, semblant avoir été célébré par application du décret du 13 prairial an XII.

(3) Elisée Loustallot (et non Loustalot), seigneur de Chambrelan, était inscrit au barreau de Saint-Jean-d'Angély depuis 1759. De son mariage avec MarieMarguerite-Louise Caffin, célébré à Saint-Jean-d'Angély en 1758, il eut Elysée

son doyen, et de Bonnegens d'Aumon, son syndic, s'empressait d'aller rendre visite au comte Regnaud qui avait été membre de leur barreau avant son entrée dans la vie politique (1).

Le 10 décembre suivant, ce haut personnage faisait l'honneur à la corporation d'assister à la prestation de serment d'avocat de François-Louis-Joseph de Bonnegens, fils du président du tribunal civil de Saint-Jean-d'Angély. Pour cette circonstance M. Lemaistre (2), ancien avocat du roi, premier juge audit siège, âgé de 83 ans, présida l'audience et reçut le serment du récipiendaire (3).

Le lendemain avait lieu la célébration du mariage du sieur Begusseau et de la demoiselle Noir que Regnaud honora de sa présence, ainsi qu'il appert de la relation, que nous transcrivons, extraite du registre des avocats de Saint-Jean-d'Angély, figurant à une délibération du corps, portée à la page 94 (4) :

« Le 11 décembre 1808, sur une lettre de Monsieur le Maire (5), adressée au doyen de la Compagnie, elle s'est réunie au tribunal à deux heures, de là nous sommes allés à la municipalité, et tous les corps réunis, ont été prendre M. le comte Regnaud de Saint-Jeand'Angély à son hôtel, rue des Cordelliers, de là nous sommes venus avec lui à la salle des mariages où a été célébré celui de Begusseau, ancien militaire, avec demoiselle Marie-Marguerite Noir qui a été dotée de la somme de 600 francs par ordre du gouvernement et de l'Empereur en souvenir de son couronnement.

« Les témoins au mariage ont été M. le comte Regnaud, M. le Préfet Richard (6), M. le sous-préfet Maillard, M. le président

Loustallot, baptisé en cette ville le 25 décembre 1761, mort à Paris le 17 septembre 1790, qui fut l'un des rédacteurs des Révolutions de Paris, journal fondé le 14 juillet 1789 par l'éditeur Prud'homme. (Voir sur lui l'ouvrage de M. Marcellin Pellet, député du Gard de 1876 à 1885, Elysée Loustallot et les Révolutions de Paris. Paris, Armand le Chevalier, 1872.)

(1) Délibération de l'ordre des avocats de Saint-Jean-d'Angély.

(2) Josué Lemaistre, père, seigneur du Pousat, lieutenant criminel en la sénéchaussée et siège royal de Saint-Jean-d'Angély, avait été nommé le 24 floréal an VIII juge au tribunal de cette ville, fonction qu'il remplit jusqu'à sa mort en 1812.

(3) Memes délibérations.

(4) Nous devons la copie de ce document à M Morillon, avocat à Saint-Jeand'Angély, à qui nous adressons ici nos bien sincères remerciements.

(5) Depuis le 15 prairial an VIII (4 juin 1800) le maire de Saint-Jean-d'Angély était Jean-Baptiste Griffon, à qui la ville doit d'importantes améliorations.

(6) Joseph-Etienne Richard, né à la Flèche le 28 septembre 1761, décédé à Saintes, rue de la Comédie, le 17 août 1834, ancien député de la Sarthe à la Convention, était, depuis le 12 juillet 1806, préfet de la Charente-Inférieure, où il

Debònnegent (1), et de là, nous sommes allés au tedeum, chanté en l'église paroissiale où Madame la Comtesse Regnaud (2), accompagnée par M. le Préfet, a quêté pour les pauvres. >>

Edmond-Jean GUÉRIN-BISSEUIL.

LIVRES ET REVUES

Bulletin archéologique du Comité, année 1917, p. cxix. A la séance du 12 novembre, M. Lefèvre-Pontalis a lu un rapport sur l'étude de M. Dangibeaud sur les façades romanes saintongeaises et leur prétendue influence parue dans les Mémoires de la Société historique et archéologique de la Charente (1916). A noter la phrase suivante « J'approuve pleinement ses critiques sur l'exagération des influences qu'on invoque trop souvent pour établir une filiation entre des monuments très éloignés les uns des autres, sous prétexte qu'on y observe le même système de voûtes ou le même parti déco

avait remplacé un autre conventionnel, Guillemardet, envoyé à Moulins pour administrer le département de l'Allier.

(1) Jean-Joseph de Bonnegens, scigneur des Hermitans, né et mort à SaintJean-d'Angély, (24 juin 1750, 29 novembre 1817), était d'une ancienne famille de robe. Après avoir été avocat en cette ville, on le trouve, en 1781, conseiller du roi, président, lieutenant général de la sénéchaussée de Saintonge établie en la ville de Saint-Jean-d'Angély, succédant, dans cette fonction, à Joseph de Bonnegens, seigneur des baronnies et terres du Cluzeau, Bignay et la Madelaine, que nous pensons être son père. Le 21 mars 1789, il présida l'assemblée du tiers de ce ressort, réuni en l'église des Jacobins, et fut élu député de cet ordre aux Etats généraux, où il siégea parmi les modérés et, quoique magistrat instruit, il y eut un rôle très effacé. Le gouvernement consulaire l'appela aux fonctions de président du tribunal civil de Saint-Jean-d'Angély, par un décret du 24 floréal an VIII (14 mai 1800), signé en l'absence du 1" consul par Cambacérès, a' consul, et contre-signé par H. B. Maret, secrétaire d'Etat. Le 20 mars 1816, la Restauration le confirma dans ce poste qu'il occupa jusqu'à son décès. Il avait été anobli par Louis XVIII. Quant à Bonnegens d'Aumon, susnommé, il fut, suivant décret en date à Rambouillet du 9 mai 1811, nommé avocat général à la Cour de Poitiers, devient président de chambre à la même cour vers 1814, et le resta jusqu'en 1825.

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(2) La comtesse Regnaud de Saint-Jean-d'Angély, née Laure Guesnon de Bonneuil, avait un renom de galanterie très mérité, paraît-il, si l'on ajoute foi aux affirmations du général Thiébaud, Mémoires t. III, p. 311 (Paris, E. Plon-Nourrit et Cie, 1894).

ratif. Mais M. Lefèvre-Pontalis nie que l'église de Saint-Eutrope à Saintes soit l'oeuvre d'un architecte auvergnat en partie. C'est une théorie contre laquelle M. Dangibeaud s'était élevé à propos de l'article de M. Besnard sur saint Eutrope dans le volume de Congrès d'Angoulême (1912).

Dans une dernière phrase, M. Lefèvre-Pontalis repousse la proposition de M. Dangibeaud de supprimer l'épithète « saintongeaise » appliquée aux façades à arcatures, et de grouper toutes ces façades, qu'elles soient en Saintonge, Poitou, Angoumois, Guyenne, Berry ou Normandie, dans une même famille. La raison donnée de ce refus n'est pas irréfutable. Il ne s'agit pas de méconnaître la multiplicité de ce genre de décoration dans les environs d'Angoulême, de Saintes et de Bordeaux, mais de faire disparaître une erreur, une attribution injustifiable. « L'usage des arcatures, écrit M. LefèvrePontalis, se répandit au XIIe siècle dans un grand nombre de provinces, comme l'emploi des contreforts colonnes. Mais l'école du Sud-Ouest n'en a pas moins des caractères originaux qu'il s'agit de distinguer pour élargir son domaine entre la Loire et la Garonne, au lieu de le diviser en quatre groupes qui correspondraient au Poitou, à l'Angoumois, à la Saintonge et au Périgord, comme certains archéologues l'ont proposé », c'est-à-dire que nous n'entendrions plus rattacher au seul Poitou des régions qui ont leur originalité propre. Il y a des Poitevins (Bulletin des Antiquaires de l'Ouest, 1918, p. 330) dont le « patriotisme local » va être vivement choqué.

Le Clairon de Saintonge, dans son no du 24 août 1919. publie une lettre de Louis XIII, sur le siège de Royan en 1622, adressée à François de Matignon, lieutenant-général en Basse-Normandie, que M. Labande, conservateur des archives du prince de Monaco, a extraite des archives du Palais de Monaco (anc. cote J' fol. 92):

« Je vous ay desja donné advis de la résolution que j'avois prise d'assieger Royan. Maintenant je vous diray que j'ay mis mon camp devant depuis quatre jours, ayant faict advancer les tranchées en si grande dilligence en divers endroictz sur les contrescarpes, je fis hier attaquer deux bastions de dehors, l'un du costé de Champagne, l'autre du costé du regiment des Gardes et de Navarre. Ce qui succéda, de sorte qu'ilz furent emportez de force et les miens s'i logèrent fort advantageusement, mais comme ceulx de ma noblesse voulurent participer à la gloire de ceste action, aucuns d'eulx se meslèrent de plus avant au combat, de façon qu'il en demeura quatre ou cinq d'entre eulx sur la place avec quelques soldatz. Il y en eut aussy aulcuns blessés tant de la mine que les assiegez firent jouer soubz un des bastions que des coups de pierre qu'ilz jettèrent. Mais graces à Dieu, les blessures sont si légeres que j'espere qu'ilz seront dans trois jours gueris et en estat de reprendre les armes et que le commancement de ce siege sera suivy d'une prompte et heureuse yssue... »

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