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Le 30 juin 1919, a été bénit, à Saint-Cloud, le mariage de M. Paul Cartault, pilote aviateur, croix de guerre, fils de Paul Cartault, ingénieur, avec Mlle Marie-Joséphine Goureau, fille de M. Albert Goureau et de Madame née Huvet.

Le juillet 1919, Mlle Lucie Chapsal, fille de M. Paul Chapsal, vice-président du tribunal de la Seine, chevalier de la Légion d'honneur, a épousé M. Guy Devezeaux de Lavergne, capitaineaviateur détaché à l'ambassade de France à Washington, chevalier de la Légion d'honneur, croix de guerre, fils de M. Devezeaux de Lavergne, notaire à Usson-du-Poitou.

VARIÉTÉS

I

LE COUTUMIER DE L'ILE D'OLERON

M. Ch. Bémont, directeur d'études à l'École pratique des Hautes Études, nous a autorisé avec beaucoup de bonne grâce à insérer dans notre revue la préface qu'il a écrite en tête de l'édition des Bons usages et les bonnes costumes et les jugemenz de la commune d'Oleron imprimée dans le Bulletin philologique et historique de 1917 (paru tout récemment). Qu'il trouve ici, avec nos remerciments, l'expression de notre sincère reconnaissance. Nous ne pouvions espérer un commentateur plus compétent et plus averti d'un document sinon ignoré, du moins peu connu de tous les Saintongeais. M. Denys Joly d'Aussy se disposait à publier ce Coutumier, quand la mort l'a surpris. C'est donc une bonne fortune pour nous de posséder une édition nouvelle d'un texte dùment commenté très intéressant pour notre histoire locale. Malheureusement nous ne pouvons penser à reproduire dans notre revue les cent-sept paragraphes divisés en 178 articles qui le composent (47 pages). La préface de M. Bémont indiquera tout au moins les principales dispositions juridiques. Ceux de nos confrères qui désireront en prendre une plus ample notion se reporteront soit au Bulletin soit (et mieux) au tirage à part que l'auteur a fait faire de son travail.

N. D. L. R.

Le texte dont j'entreprends la publication n'est pas inédit, puisqu'il a été intégralement édité par Sir Travers Twiss dans le Black book of the Admiralty (1). Cependant, malgré son intérêt à la fois juridique, historique et philologique, il est demeuré pour ainsi

(1) Collection du Maître des rôles, n° 55 (1873), tome II, p. 254-396.

dire ignoré. Parmi les historiens du droit français au moyen âge, seul, à ma connaissance, Glasson l'a mentionné (1) en note et, sans doute de seconde main, car il n'y a rien pris; Godefroy ne lui a rien emprunté, non plus que Delboulle, si curieux cependant de relever les omissions et les erreurs du Dictionnaire de l'ancienne langue française. Giry, dans ses Établissements de Rouen, ne lui a donné qu'une mention discrète (2) et n'en a pas tiré tout le parti nécessaire. Un très estimable érudit saintongeais, Denys D'Aussy, en avait signalé l'importance et s'était proposé d'en préparer une nouvelle édition (3); il est mort avant d'avoir pu réaliser ce projet. Je le reprends aujourd'hui.

Dans la présente introduction, après avoir parlé du manuscrit et des travaux dont il a été l'objet, j'essayerai de déterminer à quelle époque il a été rédigé, les caractères de la langue dans laquelle le Coutumier nous est parvenu, quel intérêt il présente pour l'histoire des institutions et du droit, quelle place il occupe dans l'histoire de l'île d'Oleron.

I. LE MANUSCRIT ET LES ÉDITIONS.

Le Coutumier nous est connu par un manuscrit unique conservé à Oxford, bibliothèque Bodléienne, Douce n° 227. C'est un petit in-4° de 80 feuillets qui contient, outre le Coutumier (p. 1-77), un tarif des droits que devaient acquitter les marchandises passant par le « coureau » ou chenal d'Oleron. Le texte se termine par l'annotation suivante : « Iste est liber mag. Johannis Ramberti, cui detur Paradisus ; et fuit completus a. D. m°o. cccxl. quarto scilicet decima die mensis Februarii » (10 février 1345 n. st.) Le manuscrit est certainement de provenance française et d'une main du xiv° siècle ; mais Francis Douce n'a pas indiqué comment il était parvenu entre ses mains. Il a été signalé par Alexandre Luders, ami de Douce, à Pardessus, qui en a tiré quatorze articles insérés dans sa Collection de lois maritimes antérieures au XVIIIe siècle (4). La présence de ces articles, apparentés de fort près à ceux qui constituent les

(1) Histoire du droit et des institutions de la France, tome IV, p. 272, note 1. (2) Tome I, p. 9.

(3) Revue de Saintonge et d'Aunis, tome XII (1892), p. 244; Registre de l'échevinage de Saint-Jean-d'Angély, 1322-1396, dans les Archives historiques de la Saintonge et de l'Aunis, tome XXIV (1895), p. 23.

(4) Ces quatorze articles correspondent dans l'édition de Twiss aux chapitres suivants : xxxiv, lv, lxiii, Ixiiij (paragr. 1, 2 et 3), lxv, Ixxxii, lxxxiii, lxxxvi, lxxxviij, lxxxvij, xciv, cxv.

Rôles d'Oleron, a paru à Sir Travers Twiss une raison suffisante pour ajouter le Coutumier aux autres textes, d'une nature toute différente, que lui avait fournis le Livre noir de l'Amirauté.

Le travail de Twiss est des plus méritoires. Il nous donne pour la première fois le texte complet du Coutumier. Il reproduit fidèlement (1) le texte du manuscrit qui d'ailleurs est le plus souvent facile à déchiffrer; ses fautes de lecture proviennent de mots mal compris (2). D'autre part, il pousse le scrupule au point de conserver la ponctuation peu rationnelle de l'original et les fantaisies d'un copiste qui ne suivait aucune règle, soit pour agglutiner les mots, soit pour en détacher les parties (3). Ce système présente le grave inconvénient de rendre plus difficile la lecture d'un document dont l'intelligence est déjà souvent malaisée. Ce défaut est, il est vrai, en grande partie atténué par la traduction anglaise que Twiss a fait imprimer en regard du texte français. Cette traduction sera toujours utile à consulter, bien qu'elle soit parfois si littérale qu'elle n'éclaire pas toutes les obscurités de l'original. Il faut bien ajouter que Twiss semble n'avoir pas été très familier avec l'ancien français (4), et que son interprétation n'est pas toujours très sûre. Son édition se trouve ainsi déparée par des défauts qu'un nouvel effort doit tendre à faire disparaître.

II. DATE DE LA RÉDACTION

A quelle époque le Coutumier a-t-il été composé? Une seule chose est certaine : le manuscrit a été terminé en février 1345. Twiss pense que la rédaction ne saurait être antérieure au règne d'Édouard Ier. Ses arguments doivent être examinés de près. D'abord, dit-il, le Coutumier mentionne un changement apporté aux règles concernant les successions en matière d'immeubles par Élie de Fors, évêque de Saintes, de 1265 à 1275. Mais la Gallia christiana, qu'il

(1) Plus fidèlement que Pardessus qui, d'ailleurs, ne connaissait le ms. Douce que par une copie.

(2) Page 274, art. 23; Marie Chevalere Fahne, où il faut lire fahue, c.-à.-d. feue Marie Chevalere; page 278, art. 27 li uns aura de la chose au mort; lire li vius, c.-à-d. le survivant aura..., etc.

(3) P. 358 Si ma iut des et les saintz ewangiles, où il faut lire : Si m'aiut Des (que Dieu m'aide !). P. 254, préambule : Oblamendement, au lieu de Ob l'amendement.

(4) Il n'a pas reconnu la particule honorable Ne, pour Na (= domina), p. 274, note 4. De même il ignore le sens des mots neis (même), dialuns (lundi), art. 11, p. 374, note 5, etc.

allègue plus loin (p. 279, note 2), et qui d'ailleurs est ici mal informée et incomplète, hésite en réalité sur la date. Les données fournies plus haut sont fausses en 1268, en effet, siégeait encore Pons III (ou II) et, en 1275, le siège, vacant en 1273, était occupé par Pons IV (ou III). Denys d'Aussy a émis l'opinion (1) qu'il fallait identifier Élie de Fors avec un autre Élie (sans surnom), évêque de Saintes en 1223 (2). Je crois qu'il a raison et qu'il faut reconnaître notre personnage dans des chartes où il est qualifié d'archiprêtre en 1212 (3), puis d'écolâtre (1220) (4). Nous savons d'ailleurs qu'il appartenait à une famille noble de la province (5) et qu'un de ses parents a joué en Angleterre, avec le titre de comte d'Aumale, un important rôle militaire et politique (6). Élie était encore évêque en 1231; mais son successeur Pierre IV est nommé depuis 1234 et. c'est seulement après sa mort que le Coutumier a pu être rédigé (7). Twiss signale ensuite (8) une lettre patente d'Édouard Ier, où il est dit que certains marchands anglais et gascons obligeaient les équipages de leurs navires à contribuer aux pertes subies lorsque, dans une tempête, il avait fallu jeter par-dessus bord une partie de la cargaison. A la pétition que lui avaient adressée à ce sujet « les barons des Cinq Ports et autres marins du royaume », le roi répondit (25 mai 1285) par cette lettre patente, maintes fois rééditée ou analysée (9), disant qu'à l'avenir le navire, ses agrès, les ustensiles et les vivres de l'équipage, l'anneau et le gobelet à boire du capitaine n'entreront pas en ligne de compte pour contribuer au jet. « Cette pétition, dit Twiss, a fait présumer que la loi romaine de

((

(1) Revue de Saintonge et d'Aunis, tome VIII, p. 364-368.

(2) Gallia Christiana, tome II, col. 1073.

(3) « Acta sunt hec apud Castrum Oleronis in domo domini Helie de Fors, archipresbyteri. » Archives historiques de la Saintonge et de l'Aunis, tome VII (1880), p. 73-74.

(4) « Hel. de Forz, magister scholarum Xanct. » (GRASILIER, Cartulaire de Saintonge, tome II, p. 178.)

(5) Un Jean de Fors, chevalier d'Oleron, est mentionné en 1212 avec Élie de Fors, archiprêtre (ut supra). L'évêque Elie confirme en 1225 Guillaume de Fors comme abbé à Maillezais (Gallia Christ., ut supra).

(6) Dictionnary of national biography, v° William de Fors.

(7) Art. 27, 3° paragraphe : li devant dit Helies de Fors qui fut evesque de Xainctes.

(8) Page xxxiii.

(9) RYMER, à la date; PARDESSUS, Lois maritimes, tome IV, p. 204: Liber albus, dans les Munimenta Gildhallae Londoniensis, publ. p. II. Th. RILEY, tome I (Rolls series, n° 12, 1859), p. 491: Calendar of the patent rolls, 1281-1292, p. 168.

contribution (1) avait été appliquée dans les ports d'Aquitaine contre les propriétaires de navires marchands en cas de jet d'une partie des objets chargés sur ces navires. Or, si l'on se reporte au chapi, tre lxxxvij du Coutumier (2), on voit qu'il y est fait allusion à un jugement prononcé par la cour du maire d'Oleron dans un cas pareil et qui est en conformité avec l'ordonnance d'Édouard Ier; il est donc probable que ce jugement est postérieur et conforme à cette ordonnance. » Reportons-nous donc à cet article du Coutumier : il y est question d'un jugement rendu (peut-être en effet par la cour du maire d'Oleron, mais le texte ne le dit pas) dans un procès entre deux Bretons « lesquels eurent beaucoup de différends en Oleron au sujet d'associations commerciales et autres semblables ». Mais l'article se rapporte à des litiges qui peuvent naître dans le cas où, plusieurs personnes s'étant associées pour affréter une nef en commun, l'un des partenaires veut vendre sa part. Pour trouver dans le Coutumier une disposition sur le jet, il faut consulter l'article 175 qu'on peut traduire ainsi : « en cas de jet, ne contribue en rien le corps du navire avec ses apparaux et ses approvisionnements: ni le lit, ni les huches, ni en somme les choses qui sont installées d'avance pour approvisionner la nef et les matelots. S'il s'y trouve des huches et autres objets qui soient transportés comme marchandises, ils contribuent tous au jet ». Cette disposition et l'ordonnance d'Édouard Ier sont, il est vrai, conçues dans le même esprit; mais, outre que les termes en sont notablement différents, rien ne permet de dire lequel de ces deux textes est antérieur à l'autre ou s'est inspiré de lui. On pourrait tout aussi bien penser que le roi d'Angleterre n'a fait que donner force de loi à une coutume depuis longtemps en vigueur (puisqu'elle remontait à l'antiquité), mais que certains intéressés contestaient.

Troisième argument présenté par Twiss. Il s'appuie sur le chapitre lxxv (art. 154 de notre édition), que l'on peut entendre ainsi : << Tout Juif ou Juive ne résidant pas en Oleron doit, chaque fois qu'il y vient, payer au roi 4 deniers de péage; si la Juive est enceinte, elle doit payer 8 deniers pour elle et pour l'enfant qu'elle

(1) « Paulus ad edictum ». Renvoi à un fragment de Paul sur l'édit du prêteur, dans le Digeste, édit. Mommsen, tome I, p. 419: « De lege Rodia de jactu. >>

(2) Art. 167 de notre édition : « Un parçonner en une nef poet vendre sa partie... E cist jugement fut rendu à Guillaume Daniau, d'une part, et à David Lo Corre, d'autre, Bretons, liquau Bretons ogurent mult de contens en Oleron sur compaignies et sur autres choses. >>

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