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Tel est le récit de l'Art de vérifier les Dales, préférable à tout autre pour son exactitude, son laconisme et sa clarté (289).

Anthème pouvait avoir des motifs de compter sur son influence pour évangéliser les Sarrazins. Attaqué du côté des montagnes par Abder-Rahman, Munuza, émir de Celtibérie, venait de faire alliance avec Yon de Gascogne dont il épousa la fille. Il est fort possible qu'à ce moment il y ait eu, de la part de certains Maures, des conversions plus intéressées que sincères, qui auraient induit en erreur l'évêque de Poitiers sur leurs dispositions.

Une dernière remarque: il ne faut pas confondre l'évêque Anthemius mort «< in Xanctonibus » avec un personnage d'époque inconnue dont le nom ressemble fort au sien et qui appartient aussi à la Saintonge. Du Saussay (290) le cite au 6 juin en termes assez énigmatiques : « In Santonibus, sancti Arthemii confessoris qui ex versuta vulpe factus agnus simplex, miræ pietatis et sanctimonia editis testimoniis, ac mandatorum Dei via fideliter excussa, suæ justificationis quæ fide et opere consummata est, præmium a Deo recepit. >>

Les Acta sanctorum mentionnent bien au 6 juin un Arthemius, mais c'est un martyr et non un confesseur, il est romain et non saintongeais; ce fut l'une des victimes de la persécution de Dioclétien (291). Louis Audiat soupçonne ici quelque grosse confusion. Cet érudit consciencieux a réuni sur Anthème quelques-unes des données que nous venons de résumer. Il n'en a point fait la critique et ne les a pas rattachées à l'histoire des martyrs du lac de Saintes.

(C) Séverin, évêque canonisé (VIII° siècle)

Saint Séverin de Cologne et saint Seurin de Bordeaux ont été confondus par la tradition. Les bréviaires de Saintes affirment qu'ils ne font qu'un. Soit qu'on l'admette, soit qu'on veuille les distinguer, une chose est sûre leur vie appartient à une époque héroïque du christianisme. Nous ne pensons pas qu'aucun d'eux

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C'est à cette invasion que se rattache et le massacre, par les Sarrazins, d'in

(289) Art de vérifier les Dates, I, 249. la destruction du palais d'Yon à Guitres nombrables chrétiens réfugiés dans une fle voisine, événements relatés par

l'auteur de la Chronique de Guitres.

(290) Mariyrologium Gallicanum, p. 339.

(291) Acta Sanctorum Junii (6), 1, 624.

ait eu un droit quelconque à figurer sur les diptyques de l'Église santone. Puisqu'elle a inscrit un Séverin en le plaçant après Liguaire et Dizence dans son catalogue, en l'honorant du titre de saint, et que, de toute façon, il doit se distinguer de ses deux homonymes, rien ne s'oppose à ce que nous le considérions comme ayant occupé, après la retraite de Dizence, le siège de Saintes. Cette ville avait été ruinée par les Sarrazins, mais s'était complètement relevée au temps du duc Hunaud, d'après la légende, et très certainement elle l'était lors de la victoire de Pépin sur le duc Gaifre. Séverin a probablement concouru au rétablissement de l'organisation catholique, et c'est ce qui l'aura fait inscrire au martyrologe.

On peut tirer une induction semblable des litanies de l'Église de Saintes, insérées au bréviaire B, du XIIIe siècle, et qui lui sont apparemment fort antérieures. Elles ne nous sont pas parvenues dans leur état primitif : des noms furent grattés pour introduire à la place de deux saints dédaignés, et voués désormais à l'oubli, saint Léonard et saint Louis; ces deux interpolations sont d'une main du début du XIVe siècle.

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Saint Eutrope dans ces litanies est rangé parmi les martyrs; puis, après les docteurs Grégoire, Ambroise, Jérôme, Augustin, Léon le Grand, viennent sept invocations consécutives : « Sancte Viviane sancte Seuerine sancte Macuthe sancte Aniane sancte Troyane sancte Pallidi (sic) — sancte Leonci », dont la première et les dernières honorent quatre évêques de Saintes et la troisième un coadjuteur de cette église : il est visible que Séverin et Aignan, placés au milieu d'eux, sont considérés comme ayant administré aussi le diocèse. Aucun ordre chronologique n'est d'ailleurs suivi dans l'énumération de ces pasteurs. Cependant le martyrologe ne mentionne que saint Seurin de Bordeaux et saint Aignan d'Orléans. Il s'agit en tous cas d'évêques, car la suite des invocations s'adresse à Sulpice de Bourges, Maurille d'Angers, Brice de Tours, Front de Périgueux. Comme cela s'est fait souvent, la commémoration d'homonymes s'est concentrée sur un même quantième; mais les deux prélats intercalés parmi les chefs de l'Église santone l'ont effectivement régie: Aignan probablement au début du VIIe siècle et Séverin au cours du VIII.

L'influence des ducs d'Aquitaine, attachés à Bordeaux par des liens étroits d'intérêt et de politique, a dû contribuer, lorsqu'elle a prévalu en Saintonge, à l'absorption par le prélat girondin de l'auréole de son homonyme saintongeais. C'est en l'honneur de saint Scurin que le duc Guillaume VIII fonda en 1068, près de Loulay, un monastère d'hommes qui devint le prieuré de Saint-Sauveur de

Loulay lorsque l'abbaye eut été ruinée par les Protestants (292). Une autre fondation religieuse, Saint-Seurin de la Double (arrondissement de Ribérac), dépendait du prieuré de la Madeleine de Puy-Dudon qui appartenait à l'abbaye de la Sauve et au diocèse de Bordeaux. Elle lui fut concédée au XIe siècle par Itier Ier de Barbezieux (293), l'un des vassaux de Guillaume IX.

(A suivre.)

J. DEPOIN.

IV

SAINTONGEAIS A SAINT-DOMINGUE

Le 11 novembre 1824, par acte de Pierre Guédon huissier à Saintes, Charles-Borromée Dufaux, propriétaire à la Nouvelle-Orléans, Louisiane, agissant comme tuteur de François-Augustin-Léonard Viavant, fils mineur de feus François-Augustin Viavant et de Suzanne-Françoise-Julie Couturier son épouse, assignait FrançoisPhilippe-Ciprien Couturier prêtre demeurant commune de Geay, Sophie Couturier épouse Constantin, ce dernier, tant comme mari d'icelle que comme père de Victoire-Hélène Constantin sa fille mineure, Pierre-François-Léon-Jean Rogé propriétaire, Marie-Thérèse-Esther-Olive Jean Rogé, Thérèse-Elizabeth-Pauline Constantin, Jacques-Philippe-Thérèze-Maximilien Couturier propriétaire, tous demeurant au Port d'Envaux, devant le tribunal civil de Saintes pour, avec les époux Desgraviers, être condamnés à payer au requérant toutes les jouissances, fruits et revenus qu'ils ont perçus appartenant audit mineur revenant soit de son chef, soit comme héritier de ladite dame Couturier sa mère, depuis l'époque du départ de celle-ci pour les colonies », rendre compte des successions des sieur et dame Couturier, etc.

L'affaire se termina amiablement avec Léonard Viavant lui-même qui, majeur, vint la régler et repartit pour l'Amérique.

(292) Briand, Histoire de l'Église santone, I, 369.

(293) Dès 1108 les droits provenant de la donation d'Itier à Gérard sont mentionnés dans un accord fait par l'archevêque Arnaud entre les abbayes de la Sauve et de Guitres. La terre de Baïces demeure à Saint-Seurin de la Double, sous réserve d'un cens de trois sols (Cirot, Origines chrétiennes du diocèse de Bordeaux, p. 270).

Les pièces visées par l'assignation constataient que le 24 pluviôse an IX devant Miromont, notaire au département du Nord de SaintDomingue, avait été passé le contrat du mariage du sieur AugustinFrançois Viavant, natif de La Rochelle, capitaine de port aux Gonaïves, île de Saint-Domingue, avec demoiselle Suzanne-Françoise-Julie Couturier veuve en premières noces du sieur Marie Drevon de Saint-Hilaire « natiffe de Saintes ».

Un extrait délivré par Coulon, commissaire de l'état civil du canton du Port Républicain à Saint-Domingue, constatait la naissance aux Gonaïves, le 4 nivôse an X, d'un fils, Honoré Viavant, lequel décéda à environ un an suivant autre extrait signé Grossard du 2 pluviôse an XI délivré par le commissaire d'état civil pour la ville et commune de Saint-Marc, même île de Saint-Domingue. Une pétition du 8 décembre 1805, à Saint-Yago de Cuba, par la dame Viavant qui s'y était réfugiée avec son mari « pendant la malheu. reuse et dernière révolution de Saint-Domingue, adressée aux âmes compatissantes, exposait qu'elle venait de perdre subitement son époux et restait sur le point d'accoucher, malade, hors d'état de travailler, sans subsistances »; une apostille du consul français l'engageait à lui présenter un mémoire pour obtenir la pension des veuves et enfants de marins.

Un extrait de baptême du 18 mars 1806 constatait celui de François-Augustin-Léonard Viavant né à Saint-Yago de Cuba le 3 janvier dudit an, fils légitime et posthume dudit feu Viavant décédé en décembre 1805, officier de marine, pensionné de l'Etat, capitaine de port aux Gonaïves, et de ladite Couturier; parrain Durg, marraine demoiselle Marie Briou; signatures de la dame Cadon, Durg témoins, Y.-B.-J.-H. Lemaire, curé de Saint-Marc.

Le tout était accompagné de lettres du père de la dame Viavant demeurant à Saintes, et de sa famille à elle et son fils Couturier alors à Saint-Domingue. Le rédacteur de l'inventaire mentionne que le contrat de mariage de la pétitionnaire constate les prétentions qu'elle avait à une fortune considérable à Saint-Domingue et assurait à ladite dame, de la part de ses oncle et tante (le sieur Grandin et la dame son épouse née Gallocheau), des biens en France. Cinquante-neuf lettres écrites à feu Viavant par les généraux et autres chefs de l'armée de Saint-Domingue et des chefs civils concernant son service d'officier de marine et de capitaine de port complétaient un dossier de pièces recueillies par Pierre-François Missonnet, un des juges de paix de la ville et paroisse de la Nouvelle-Orléans, le 24 avril de l'an de Notre-Seigneur 1810 auquel le commissaire de

police général Achille Rivery accompagné de François Benoît du faubourg de la Course « conduisant à la main un enfant blanc en très bas âge, objet de leurs soins actuels et de leur transport en mon office », avaient déclaré sous serment « que dans le grand nombre des malheureux Français chassés il y a déjà plusieurs mois de l'île de Cuba par le gouvernement espagnol et qui se sont réfugiés en ce territoire d'Orléans, était une dame excessivement infortunée, débarquée en cette susdite ville sous le nom de dame veuve Viavant » avec l'enfant présenté, dénuée du nécessaire et même de vêtements. Benoit les logea par humanité, Rivery pourvut aux plus pressants besoins, aidé du comité de bienfaisance. Minée par le chagrin, elle était morte la veille. Rivery venait de la faire inhumer avec les cérémonies catholiques et présentait les linges et papiers de la défunte, demandait qu'on les inventoriât pour bien constater l'état civil de l'enfant et sauvegarder ses droits, et qu'on nommât un tuteur.

Comparut le 30 avril, Léonard Durg, ancien habitant, propriétaire et médecin en l'île française de Saint-Domingue, résidant à la Nouvelle-Orléans : il confirma sous serment les faits sus-relatés. Les malheurs de Saint-Domingue l'ayant forcé d'abandonner cette colonie, il s'était réfugié en 1802 dans l'île espagnole de Cuba. A SaintYago de cette dernière île il y a connu très particulièrement M. Augustin-François Viavant et la dame son épouse née Couturier,... il est à sa connaissance que le mari mourut subitement en décembre 1805, laissant sa femme enceinte très avancée : elle accoucha en janvier et lui-même fut parrain de l'enfant. 'Il n'a cessé depuis de voir cette dame et son fils François-Augustin-Léonard, âgé d'environ quatre ans, ici comme à Cuba.

Sur requête dé Rivery du 30 avril, et une ordonnance de Louis Moreau Lislet, juge de la cour de ville d'Orléans (sic) et des preuves, du 2 mai 1810, une assemblée d'amis à défaut de parents, tenue le 19 mai, composée de Etienne Mazureau, Pierre-Jean Raboteau, Léonard Durg, Louis Beltrémieux, Charles-Borromée Dufau, Emmanuel-François Gigaud, Christian Milten Berger, Jean-Baptiste Blanchard et Henri Smilt, tous demeurant à la Nouvelle-Orléans (souvent désignée dans les pièces sous le nom de ville d'Orléans), déféra la tutelle à Dufau, qui délivra récépissé de l'affidavit du juge de paix et des papiers intéressant le mineur, et de ses hardes.

La copie de cette procédure était légalisée par le consul intérimaire de France Pozée le 1er octobre 1810. Le tuteur présenté, Dufau, fut nommé le 17 mai par le juge Moreau Lislet; la signature

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