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imminent qui menaçait la vie non-seulement de tous les sénateurs, mais encore de tous les gens riches, voudra-t-on nous persuader que le sénat aurait osé rompre ouvertement avec l'empereur?

Je finis mes citations par Suétone qui s'exprime ainsi (page 1075 même ouvrage): « Deinde, vergente jam die >> ingressus senatum, positâque brevi ratione, quasi raptus » de publico et suscipere imperium vi coactus, gesturusque >> communi omnium arbitrio palatium petit. ( Même page et >> suivante) Sub idem vero tempus, Germaniciani exercitus >> in Vitellii verba juraverant, quod ut comperit, auctor >> senatui fuit mittendæ legationis quæ doceret electum jam principem, quietem et concordiam suaderet. »

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Les auteurs anciens, dont je viens de citer quelques passages, contredisent donc entièrement l'assertion de Chifflet, qui ne les a cités lui-même que pour prouver qu'Othon devait l'empire aux soldats, et que le sénat avait été absolument étranger à son élévation. Il a pris là, je crois, une peine inutile, car personne jusqu'à présent, n'a mis ce fait en doute. Ensuite il avance avec assurance qu'il ne fut décerné à ce prince ni honneurs, ni titres, ni monuments, Ni honneurs, ni titres ? mais l'auteur n'avait donc pas lu les fragments si formels rapportés plus haut. Je lui accorde le manque de monuments; et c'est là que la brièveté de son règne peut être légitimement invoquée; mais il faut entendre ici des monuments considérables, car pour des statues il est hors de doute qu'il lui en fut élevé (1).

Après avoir examiné le témoignage des anciens, je vais interroger les modernes. Voyons s'ils sont unanimes à réprouver les médailles de bronze d'Othon. Bien qu'un grand nombre, parmi lesquels se rencontrent des numismates du

(4) On peut voir la tête d'une de ces statues à la bibliothèque du Roi.

premier ordre, soit en faveur de Chifflet, j'en trouve cependant de fort instruits qui ont partagé mon opinion. Je vais donner des extraits de leurs écrits.

Vaillant dit avoir vu un Othon en bronze d'une antiquité incontestable dans un cabinet obscur d'Italie : Mezzabarba en reconnaît deux (voir Imperatorum Romanorum numismata, page 103, Mediolani 1730) : « Ex nummis Othonis æneis la>>tinis quos inspicere licuit duos tantùm indubitatæ fidei me >> vidisse testor, etc. » L'un deux est un moyen bronze restitué par Titus avec le titre de pater patriæ. Cette médaille est frappée d'interdit par Mionnet qui la qualifie de douteuse. Il aurait été à désirer que cet habile numismate, avec l'avis des sommités de la science, se prononçât formellement sur cette pièce, car déclarée bonne, la question serait tranchée, puisque l'on ne pourrait raisonnablement penser que Titus eût fait restituer une médaille qui n'aurait pas existé.

Louis Savot pense qu'il y a de véritables Othon de bronze et il dit qu'il ne lui a pas été possible de dépenser assez d'argent pour en acquérir. Le P. Jobert, dans sa Science des médailles, instruction I, page 24, instruction xi, page 267, 268 (in-12, Paris, 1692), croit à l'existence des Othon de bronze latin. Bimard de la Bastie, dans ses remarques sur l'ouvrage du P. Jobert, dit que l'on ne connaît encore aucune médaille de ce prince, mais il n'avance pas qu'il soit impossible d'en découvrir. Dans la note 132 de l'Histoire romaine éclaircie par les médailles, il est fait mention d'un Othon de bronze authentique du cabinet de Louis Schulz, professeur de philosophie à l'université de Halle. Il se trouvait encore en 1783 dans la collection de M. Cothenius, premier médecin du roi de Prusse. Voici comment s'expriment les auteurs de l'Histoire universelle, ouvrage en 126 volumes in-8 (Paris, 1781, tome 23, page 126, 127, 128, et 150): « A peine la nouvelle de la mort, de Galba fut-elle » divulguée que le sénat, les chevaliers Romains et le peuple

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gagnèrent le camp avec un empressement incroyable. Tous > sans exception condamnèrent la conduite de Galba, exal» tèrent le choix de la soldatesque et baisèrent les mains » d'Othon, redoublant d'autant plus leurs applaudissements, » qu'ils n'étaient pas sincères. Le sénat, comme s'il n'avait » pas été composé des mêmes hommes, dit Plutarque, ou » qu'il jurât par d'autres dieux, prêta à Othon le même » serment que ce dernier avait prêté peu de temps aupara» vant à Galba, et qu'il venait de violer. Othon faisait un >> accueil obligeant à tout le monde, modérant des yeux et » de la voix la fureur des soldats, qui ne respiraient que » sang et carnage, et demandaient le supplice de Marius » Celsus, consul désigné, dont tout le crime consistait à › avoir été fidèle à Galba jusqu'à la mort. Mais leur vérita– » ble but était le pillage des grandes maisons. Comme Othon » avait assez d'autorité pour commettre un meurtre et non » pour en empêcher un, il fit saisir Celsus, comme en » colère, et le sauva sous prétexte de le réserver à de plus » grands supplices. »

<< Le lendemain, le préteur de la ville assembla le sénat, » qui décerna à Othon la puissance du tribunat avec le titre » d'Auguste et le reste des honneurs de l'empire............ »

<< Othon honoré par le sénat du titre de César Auguste, se » chargea du consulat; il eut pour collègue son frère Salvius >> Titianus; mais il résigna les faisceaux, le premier mars, » à Virginius Rufus, et son frère Poppaus Vopiscus..... >>

<< (Et page 141, même ouvrage) Cependant Othon, comme >> s'il s'était trouvé en pleine paix, entrait dans le plus » grand détail des affaires du gouvernement. Il fit dans le » sénat plusieurs harangues populaires et obligeantes, » éleva des sénateurs, qui avaient déjà rempli quelques » grands postes, aux dignités de pontifes et d'augures, et » après avoir rappelé d'exil divers jeunes patriciens, il les

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possédées. »

Ces citations empruntées à un ouvrage composé par une réunion de gens instruits, et qui ne sont que la reproduction des faits rapportés par les historiens que j'ai cités, me semblent une réfutation assez bonne des principales assertions de Chifflet. L'auteur termine son chapitre ш par une conjecture assez singulière. Quoique je ne veuille pas entreprendre de la réfuter, je vais cependant la donner en entier. << Othon avait de la répugnance pour la monnaie de > cuivre, à raison de la malpropreté qu'elle causait aux > mains qui la touchaient, attendu qu'il était de la propreté » la plus recherchée; et qu'il pouvait avoir aussi un éloi» gnement pour ce métal. » Je trouve au chapitre Iv la description de deux médailles d'Othon, que Chifflet donne pour être du Padouan. La première dont la tête est tournée à droite, a pour revers l'empereur donnant la main sur un autel à un tribun militaire entouré de soldats portant des enseignes avec la légende securitas p. r. ; la seconde, dont la tête est entourée à gauche, présente au revers une femme tournée aussi à gauche portant une haste et une couronne, avec la même légende. Je crois que l'auteur commet une erreur relativement à cette dernière médaille, car le P. du Molinet qui a fait graver avec soin dans le Cabinet de sainte Geneviève (Paris, in-folio, 1692, page 98) les médailles fabriquées par cet artiste sur les coins mêmes dont il s'était servi, et qui sont encore à la bibliothèque, en donne deux en grand bronze; la première est entièrement semblable à celle rapportée par Chifflet, mais la seconde est bien différente. La tête tournée à droite a pour revers l'empereur debout, haranguant des soldats, et pour légende spes Augusta. L'auteur cite de nouveau un grand nombre d'antiquaires qui n'ont vu que des médailles fausses d'Othon. Le cinquième chapitre roule entièrement sur le même sujet : il

rapporte la demande que fit le prince Guillaume à l'empereur Ferdinand III son frère de lui envoyer des médailles de bronze d'Othon, afin de se livrer à leur examen. L'empereur lui en envoya successivement quatre. La première fut reconnue fabriquée avec une médaille antique de Galba, la seconde avec un Antonin Pie, la troisième avec un Hadrien; enfin la quatrième avec un Auguste. Puisque l'auteur donne à tout propos ce genre de preuves je me vois forcé par cela même à des répétitions qui devront paraître fastidieuses; mais pour le réfuter convenablement je dois le suivre sur le terrain où il s'est placé. Jusqu'à la découverte de l'Annia Faustina en argent par l'abbé de Rothelin, cette médaille était regardée comme introuvable et l'on a sans doute avancé de bonnes raisons pour prouver qu'il n'en avait point été fabriqué pour cette princesse, en ce métal. Il en est sans doute de même pour celles en or de Pescennius Niger; Pauline, femme de Maximin; Maxime, son fils, et les deux Gordien d'Afrique dont, jusqu'à présent, il n'y a que de fausses.

Quelles bonnes raisons donnera-t-on pour nous persuader que les empereurs, si jaloux de faire mettre sur la monnaie leur effigie, celles de leurs femmes et de leurs fils, auraient, par un motif qu'il faudrait préciser, négligé cette démonstration de la souveraine puissance. Je pense qu'il ne sera pas facile de le faire d'une manière satisfaisante.

J'ai souvent cherché pourquoi tant de savants du premier ordre ont adopté l'opinion contraire à l'existence des Othon de bronze; je n'ai rien trouvé de plus plausible que la supposition suivante : voyant les faussaires inonder les cabinets du produit de leur coupable industrie, ils auront voulu y mettre un terme en déclarant fausses sans restriction, et d'avance, toutes les pièces d'Othon de ce métal, sauf à revenir de ce jugement en faveur de médailles d'une authenticité incontestable.

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