<«< QUE ferais-je à Rome? je ne sais pas mentir 16: quand un livre est mauvais, je ne sais ni l'approuver, <«< ni demander à en prendre copie 17. Je ne sais point lire « dans les astres : je ne puis ni ne veux promettre au fils impatient le trépas de son père. On ne me vit jamais «< chercher des poisons dans les entrailles d'un reptile. Que d'autres portent à une épouse les présens et les << lettres de son amant; pour moi, je ne favoriserai ja<«< mais l'adultère 18. Aussi je pars tout seul, comme un manchot, un perclus 19, inutile au reste des humains. Qui maintenant caresse-t-on, si ce n'est le confident <«< d'un crime clandestin, tourmenté par le secret qu'il << cache et qu'il doit taire à jamais? Quiconque te fit part <«< d'un projet honnête, croit ne te rien devoir; n'en at<< tends rien de plus. Celui qui peut à chaque instant dé<< poser contre Verrès, sera cher à Verrès. Quand l'on << t'offrirait tout l'or que le Tage roule au sein de l'Océan, << ne reçois pas ces confidences coupables 20; elles t'ôte<«< raient le sommeil 21 : et que te donneraient-elles en échange? un ami puissant qui te craindrait sans cesse, <«< des richesses que tu n'accepterais pas sans remords et <<< dont tu serais bientôt dépouillé. << JE vais, en peu de mots et sans réserve, te peindre <«< ceux qui sont aujourd'hui le plus agréables à nos riches, « et que, moi, je fuis plus que tout le reste. Romains, je ne puis souffrir une ville remplie de Grecs. Que dis-je ? <«< cette lie Achéenne 22 n'est que la moindre partie des étrangers qui fondent ici de toutes parts. Ce n'est pas d'aujourd'hui que l'Oronte Syrien a transmis au Tibre Obliquas, nec non gentilia tympana secum RUSTICUS ille tuus sumit trechedipna, Quirine, Hic alta Sicyone, ast hic Amydone relicta, Hic Andro, ille Samo, hic Trallibus aut Alabandis, Ad summam, non Maurus erat, nec Sarmata, nec Thrax, HORUM ego non fugiam conchylia? me prior ille Hausit Aventini bacca nutrita Sabina? «<le langage, les mœurs et les instrumens du climat qu'il <«<< arrose, ainsi que les courtisanes dévouées à la prosti« tution aux environs du cirque : accourez à elles, vous <<< dont les yeux sont fascinés par la mitre peinte dont «<leurs têtes sont ornées. ་ « CEPENDANT, Romulus, tu souffres que tes rustiques « enfans suspendent à leur cou frotté de l'huile des <<< athlètes les futiles témoignages de leurs victoires 23. Cependant les Grecs partis en foule, les uns de Sicyone « et d'Amydon, les autres d'Andros, de Samos, de Tralles « ou d'Alabande, viennent se poster d'abord sur les Esquilies ou sur le mont Viminal, afin de s'introduire << dans les maisons des grands dont ils méditent la conquête leur génie est ardent, leur audace effrénée, « leur débit précipité et plus rapide encore que celui <«< d'Isæus 24. Savez-vous ce que c'est qu'un Grec? Quand « l'un d'eux nous arrive, il apporte avec lui les talens <<< et les vices de tous les autres hommes : il est grammairien, rhéteur 25, géomètre, peintre, baigneur, augure, « danseur de corde, médecin et magicien que n'est-il point? un Grec affamé monterait au ciel si tu le lui « ordonnais. Enfin, celui qui s'attacha des ailes 26 n'était << ni Thrace, ni Maure, ni Sarmate; il était Athénien. << Er je ne fuirais pas leur pourpre insolente! un Grec signerait avant moi! un misérable, qui débarqua dans << Rome avec des ballots de figues et de pruneaux, serait « dans un festin couché plus honorablement que moi! << N'est-ce donc rien que d'avoir en naissant respiré l'air Quid, quod adulandi gens prudentissima laudat HÆC eadem licet et nobis laudare; sed illis Cultam palliolo? mulier nempe ipsa videtur, Non persona loqui: vacua et plana omnia dicas Infra ventriculum, et tenui distantia rima. Nec tamen Antiochus, nec erit mirabilis illic NON sumus ergo pares: melior, qui semper et omni Si bene ructavit, si rectum minxit amicus, <«< du climat Aventin, que d'avoir été nourri des fruits du <«< Latium? Ajoutez que, flatteurs intrépides, un sot opu<«<lent est sûr de leurs éloges; qu'à leurs regards serviles «< la laideur se transforme en beauté, la faiblesse en vi<«< gueur : un malade efflanqué est un Hercule; c'est Her« cule lui-même, étouffant le redoutable Antée, qu'il te<< nait éloigné des secours de sa mère 27. Ils se pâment de plaisir au son d'une voix plus aigre que le chant du << amoureux, prêt à pincer la crête de sa femelle. coq « COMME eux nous pouvons flatter, mais le Grec seul persuade. Où trouver son égal, soit qu'il joue le rôle de Thaïs, soit qu'il représente une matrone vénérable, << ou Doris toute nue sortant du sein des ondes? L'acteur disparaît; c'est la voix d'une femme qui frappe mon oreille, et je crois distinguer les marques de son sexe. << Ce talent merveilleux néanmoins n'appartient pas exclu<< sivement 28 à Antiochus, à Démétrius, à Stratoclès « et au lascif Hamus; c'est le talent de la nation. Le <«< Grec naît comédien. Tu ris, il éclate. Pleures-tu, ses << larmes coulent sans effort et sans douleur. Si tu fais << allumer un peu de feu dans l'arrière-saison, il endosse << un manteau. J'ai chaud, dis-tu? mon homme sue. « << N'AYANT pas leur souplesse, cédons à qui peut nuit << et jour composer son visage 29, envoyer des baisers, «< et applaudir même aux fonctions animales d'un patron grossier 30. D'ailleurs, rien n'est sacré pour eux, rien << n'est à couvert de leur lubricité; ni la mère, ni la fille << encore vierge, ni l'époux encore jeune, ni le fils intact |