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21. Du nouvel Atride, v. 55. Cette comparaison, d'un homme tel que Domitien avec le superbe Agamemnon, qu'Homère appelle roi des rois, est bien mordante; cependant ils eurent un malheur commun; tous deux périrent par des embûches domestiques.

22. Consacrez ce jour à votre bon génie, v. 66. On croyait dans le paganisme que des esprits d'une nature très-subtile et très-déliée présidaient à la naissance des hommes, les accompagnaient dans le cours de leur vie, et veillaient à leur conduite jusqu'à l'instant de la mort. On se figurait qu'il y avait un bon et un mauvais génie attachés à chaque personne. Le bon génie était censé procurer toutes sortes de félicités; le mauvais, causer tous les malheurs. Ainsi, le sort de chacun dépendait de la supériorité de l'un de ces génies sur l'autre : c'est pourquoi le bon génie était fort honoré. Les Romains donnaient, dans leur langue, le nom de génies à ceux-là seulement qui gardaient les hommes; et le nom de Junons, aux génies gardiens des femmes. Il y avait les génies propres à chaque lieu; les génies des peuples, les génies des provinces, ceux des villes qu'on appelait les grands génies. On adorait encore le génie public, c'est-à-dire la divinité tutélaire de l'empire. Après `l'extinction de la république, la flatterie fit jurer par le génie de l'empereur, comme les esclaves juraient par celui du maître. Apaiser son génie, selon les poètes de ce temps, c'était se réjouir, boire et faire bonne chère. Chaque saison avait son génie, qui invitait à profiter du temps.

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23. Et sur le front pálissant desquels était empreinte la défiance, v. 74. BOILEAU, Art poétique, 11, v. 163:

Soit qu'il fasse au conseil courir les sénateurs,

D'un tyran soupçonneux pâles adulateurs.... J. P.

24. Le premier qui parut après que le Liburnien eut crié, Accourez, etc. v. 75. M. le chevalier de Jaucourt prétend qu'il ne

faut point traduire Liburnus par « crieur public; » il s'appuie d'un passage de Martial, et d'une loi de l'empereur Antonin, par laquelle il est évident que ce Liburnus était un huissier chargé d'appeler les causes qu'on devait plaider au barreau. Cet endroit de Juvénal montre aussi qu'il avait des fonctions dans le palais de l'empereur.

Ex Liburnia, dit M. Achaintre, servi proceræ staturæ mittebantur, qui quidem essent quoque sonora et valida voce. J. P.

25. Au grand étonnement des citoyens, v. 77. Dans une dissertation de Ch. de Valois (Hist. de l'Acad. des Inscript.; tome 1, p. 140 et suiv.), attonitæ est expliqué d'une autre manière : on croit que Juvénal veut relever par ce mot l'indolence et la lâcheté de Domitien, qui s'amusait à tenir conseil sur un incident ridicule, dans le temps que toute la ville était consternée de la fâcheuse nouvelle du soulèvement de Lucius Antonius dans la Germanie supérieure. Pour peu qu'on fasse attention à la place d'attonitæ, on se convaincra que ce sens ne peut être admis; car il ne se rapporte nullement à la circonstance positus modo villicus. J'aime mieux croire que Juvénal a voulu exprimer l'étonnement des Romains, lorsqu'ils virent un homme de mérite et de nom accepter cette charge de préfet de Rome, devenue si vile sous Domitien. J. P.

26. Venait ensuite Crispus, cet aimable vieillard, etc., v. 81. Quelqu'un demandait un jour à ce galant homme si l'empereur était seul ou en compagnie. Il n'a pas même une mouche auprès de lui, répondit-il. Remarquez qu'un des passe-temps de Domitien était d'enfiler des mouches avec une aiguille d'or. Quintilien (Liv. x.) donne à Crispus la même épithète que Juvénal: Vibius Crispus compositus, et jucundus, et delectationi natus; privatis tamen caussis, quam publicis, melior.

27. La méme politique soutint Acilius, etc., v. 93. J'ai fermé la phrase après solstitia, parce que his armis, que la plupart des éditeurs rapportent à Crispus, se rapporte évidemment à Acilius. En effet, Juvénal a soin, dans cette satire, de caractériser tous ses personnages: or, celui-ci le serait bien faiblement par le jeune

homme dont il était accompagné. Quelques-uns, pour rendre cette circonstance plus intéressante, supposent que ce jeune homme était son fils: mais tous les interprètes conviennent qu'on n'en saurait trouver la preuve dans les monumens historiques.

28. La victime était déjà réservée au glaive impérial, v. 96. La plupart des éditions ont Et domini gladiis tam festinata. L'édition de Junte, de 1513, l'une des plus anciennes que je connaisse, porte destinata. On a rejeté destinata, la seconde syllabe étant communément brève, comme dans le vers 45 de cette satire. Il se pourrait cependant que Juvénal ne se fût pas arrêté à l'usage. Plus d'un exemple prouve que les poètes ont varié sur la quantité d'un même mot. Au reste, il paraît que c'est Lubin qui le premier a substitué designata à destinata. C'était, en rejetant cette dernière leçon, ce qu'il y avait de mieux à faire, d'autant plus que designare et destinare ont souvent la même signification. Voyez QUINTECURCE, liv. XI, chap. 6.

29. La fureur des lions de Numidie, v. 99. Ursus, quand il est seul, veut dire un ours; mais ursus Numidicus signifie un lion, comme l'a très-bien prouvé Juste Lipse, tome i de ses œuvres, page 303 de l'édition in-folio. Suétone dit que Domitien perçait quelquefois jusqu'à cent lions, ursas numidas. Les naturalistes prétendent qu'il n'y a point d'ours dans la Numidie ni dans la Libye, quoiqu'on lise dans Virgile pelle Libystidis ursæ. Les Romains avaient improprement donné le nom d'ours aux premiers lions qui leur étaient arrivés d'Afrique. Voyez Pline, liv. VIII, chap. 6.

30. Qui serait, ó Brutus, la dupe de ton vieux stratagème, v. 102. Lucius Junius Brutus, fils de M. J. Brutus, et d'une sœur de Tarquin-le-Superbe, contrefit l'insensé, afin de pouvoir un jour venger son père et son frère que Tarquin avait fait mourir, ne doutant point qu'un pareil sort ne l'attendît lui-même, si ce prince cruel remarquait en lui du nerf et du courage.

31. Rubrius n'arrivait pas avec plus d'assurance, v. 104. On ne sait pas au juste ce que Domitien pouvait lui reprocher : quelques

commentateurs présument que l'impératrice lui avait accordé ses faveurs.

32. Il avait l'effronterie d'un débauché écrivant contre les mœurs du siècle, v. 106. Faut-il supposer, comme Dusaulx l'a pensé, que Juvénal veut parler de Néron, qui osa composer une satire contre Quintianus, et lui donner les noms de mou et d'efféminé? Cette allusion me semblerait bien forcée. J'aime mieux croire que l'expression latine est générale et peut-être proverbiale. Voici, au reste, la traduction de Dusaulx : Et cependant, tel que ce monstre qui, tout souillé d'ordures, osait encore composer des satires, il n'en était que plus mordant. Qui reconnaîtrait le texte dans cette version? J. P.

33. L'artificieux Véienton accompagnait l'assassin Catullus, etc., v. 113. Pline le Jeune (liv. iv, épître 22) traite fort mal le premier, et parle ainsi du second: « La conversation tomba sur Catullus Messalinus, qui, cruel naturellement, avait, en perdant la vue, achevé de perdre tout sentiment d'humanité : il ne connaissait ni l'honneur, ni la honte, ni la pitié. Il était entre les mains de Domitien, comme un trait toujours prêt à être lancé contre les plus gens de bien. »

Martial raille ainsi les amours d'un nommé Asper, qui était aveugle comme Catullus :

Formosam plane, sed cæcus, diligit Asper.

Plus ergo, ut res est, quam videt Asper amat.

MART., lib. VIII. epig. 49.

34. Et ne méritait que de poursuivre en suppliant, etc., v. 117. Jactare basia signifie ici porter d'abord la main à la bouche, et l'étendre ensuite d'un air suppliant vers ceux que l'on sollicite. Juvénal ajoute : « Les chars qui descendent la colline d'Aricie. » Martial parle aussi de cette colline, sur laquelle il paraît qu'il y avait beaucoup de mendians.

Debet Aricino conviva recumbere clivo,

Quem tua felicem, Zoile, cœna facit.

MART., lib. II, epig. 19.

35. Il l'admire à gauche, v. 120. Si l'on traduit, comme Du

saulx, il se tourne à gauche pour en faire l'éloge, il me semble qu'on pourra prendre le change, et ne pas comprendre l'intention de Juvénal. J. P.

36. C'est ainsi qu'il jugeait... du jeu des machines, quand elles soulevaient les enfants jusqu'aux voiles du théâtre, v. 122. Les Romains avaient plusieurs sortes de machines à l'usage de leurs théâtres. Outre celles qui étaient sous les portes des retours, pour introduire d'un côté les dieux des bois et des campagnes, et de l'autre les divinités de la mer, il y en avait d'autres au dessus de la scène pour les dieux célestes, et des troisièmes sous le théâtre pour les Ombres, les Furies et les autres divinités infernales. Ces dernières machines étaient à peu près semblables à celles dont nous nous servons; elles consistaient en des espèces de trapes qui élevaient les acteurs jusqu'au niveau de la scène, et souvent bien plus haut, et qui redescendaient ensuite sous le théâtre par le relâchement des forces qui les avaient fait monter. Sur la machine appelée pegma, voyez Juste Lipse, tome 11 de ses œuvres, page 581.

37. Voyez-vous de quels dards son dos est hérissé? v. 127. Ce qui annonçait, selon Véienton, que les ennemis de Domitien seraient percés de flèches.

38. Montanus se souvenait de l'intempérance des premiers empereurs, etc., v. 136. Vers la fin de la république, le plaisir de manger fut tel, que les riches se faisaient vomir avant et après le repas. Ils prennent un vomitif, dit Sénèque, afin de mieux manger, et ils mangent afin de prendre un vomitif. Cicéron nous apprend que César pratiquait souvent cette sale coutume.

39. Quand les derniers artisans de Rome, v. 153. C'est le vrai sens de cerdo, qui signifie un ouvrier obscur et pauvre, vivant de son travail (xép♪oç, lucrum). Je n'ai pas cru nécessaire de traduire ce mot par cordonnier, comme Dusaulx l'a rendu. J. P.

40. Voilà ce qui purgéa la terre d'un monstre couvert du sang des Lamia, v. 154. Domitien se préparait à de nouvelles cruautés,

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