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mien Marcellin rapporte que les jardins des Romains, dans le temps de leur opulence, étaient, pour me servir de ses expressions, instar villarum, quibus vivaria includi solebant. On prisait, entre autres, pour leur magnificence, les jardins de Pompée, de Luculle et de Mécène. Ils n'offraient pas seulement en spectacle au milieu de Rome des terres labourables, des viviers, des vergers, des potagers, des parterres, mais de superbes palais et de grands lieux de plaisance, ou maisons champêtres faites pour s'y reposer agréablement du tumulte des affaires. Jam quidem (dit Pline, liv. xxix, chap. 4) hortorum nomine, in ipsa urbe, delicias, agros villasque possident.

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4. Une prétresse de Vesta, destinée à descendre bientôt toute vivante dans les entrailles de la terre, v. 10. Dusaulx a traduit : Une vestale couronnée de bandelettes, malheureuse prétresse qu'il exposait à descendre, etc. Le latin fait entendre qu'elle n'échappera pas au supplice, subitura, et l'opposition en a bien plus de force. J. P. Les Romains punissaient l'incontinence des vestales en les faisant inhumer toutes vives. L'origine de ce supplice remonte jusqu'à Tarquin.

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Le jour de l'exécution, les affaires tant publiques que particulières étaient interrompues : la ville était dans le trouble et dans la consternation. Le grand-prêtre, suivi des autres pontifes, se rendait au temple de Vesta, où il dépouillait la vestale coupable de ses ornemens sacrés.

Ultima virgineis tum flens dedit oscula vittis.

Ensuite il lui présentait des vêtemens conformes à son malheur. Bientôt le convoi se mettait en marche : après un trajet assez long, on arrivait à la porte Colline, auprès de laquelle était une butte ou éminence destinée à ces sortes d'exécutions. Alors l'exécuteur tirait la vestale de la litière dans laquelle on l'avait transportée ; il la déliait et la remettait au grand-prêtre. Celui-ci adressait quelques prières au dieu, et conduisait l'infortunée au caveau fatal, dont on bouchait l'entrée dès qu'elle y était, descendue (PLUTARQUE, Vie de Numa). Voyez encore l'Essai sur le feu sacré et sur les vestales, par l'auteur de la Vestale, tragédie dont la représentation n'est tolérée que dans nos provinces, où elle a le plus grand succès.

5. Je vais parler de moindres délits, v. 11. Dusaulx a certaine-、 ment fait un contre-sens à cet endroit : il a traduit: Ce ne sont là que ses moindres délits. Il est évident que factis levioribus se rapporte au trait que Juvénal va citer, au surmulet payé six mille sesterces. J. P.

6. Il subirait les rigueurs de la censure, v. 12. M. Achaintre pense que Juvénal fait allusion à Domitien, qui avait usurpé le titre de juge des mœurs, afin de faire périr ceux qui lui déplaisaient. J'ai suivi le sentiment d'autres commentateurs, dont l'interprétation m'a paru plus naturelle et plus simple. J. P.

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7. Surmulet, etc. v. 15. Ce que les Romains appelaient mullus, était un poisson de mer dont ils étaient si friands, qu'ils allaient le pêcher dans les pays les plus lointains; ils faisaient cas surtout de la tête et du foie. Tibère, selon Suétone, se plaignit de ce qu'on lui en avait servi un d'un prix exorbitant. Voici quelques circonstances rapportées par Sénèque ( Quæst. natur. lib. III, ch. 17) : « Un surmulet, dit-il, ne paraît pas frais s'il ne meurt dans les mains des convives. On l'expose à la vue dans des vases de verre on observe les différentes couleurs par lesquelles une agonie lente et douloureuse le fait passer successivement. Ils en tuent d'autres dans la sauce, et les font confire tout vivans, etc. » Trad. de Lagrange. Pline (liv. 1x, chap. 17) attribue ce dernier raffinement au fameux Apicius.

8. En litière fermée, v. 21. Les Romains suppleaient au verre qui leur manquaient avec la pierre spéculaire, composée de feuilles brillantes comme celles du talc. Latis specularibus, que je n'ai point traduit, signifie que la litière en question avait des panneaux de pierre spéculaire, etc. Sur les différentes sortes de litières, voyez Satire 3, not. sur le vers 240.

9. Au frugal Apicius. v. 23. Apicius, nom de trois Romains fameux par leur gourmandise. Le premier vécut avant l'extinction de la république; le second sous Auguste et Tibère, et le troisième sous Trajan. Le plus célèbre est le second, qui inventa une espèce de pâtisserie appelée de son nom. Il tint à Rome une école

publique de gourmandise, dépensa des sommes immenses pour satisfaire la sienne, et composa un traité dans lequel il enseignait la manière d'aiguiser l'appétit : De gulæ irritamentis. On dit que n'ayant plus qu'une fortune ordinaire, il s'empoisonna de désespoir. Pline l'appelle nepotum omnium altissimus gurges. Le troisième, qui vivait sous Trajan, se piquait d'avoir un secret admirable pour conserver les huîtres dans leur fraîcheur : il en régala l'empereur dans le pays des Parthes, à plusieurs journées de la mer. Il est probable que Juvénal parle ici du second.

10. Toi que l'on vit autrefois revêtu de grosse toile d'Égypte, v. 24. Le papyrus s'employait à plusieurs usages. De sa tige, entrelacée en façon de tissu, les Egyptiens construisaient des barques; et de l'écorce intérieure ou liber, ils faisaient des voiles, des habillemens, des couvertures de lits et des cordes.

11. En criant des poissons à vendre en détail, v. 33. On lui faisait une remise sur chaque poisson: voilà ce que signifie pacta mercede; ce sens est clair. On trouve dans le vieux scoliaste, fracta de merce; je n'entends point ce latin-là, et je le crois inintelligible. Saumaise lisait pharia de merce; cela ne vaut guère mieux. J'ai suivi la leçon de Grævius.

12. Le dernier des Flaviens déchirait l'univers expirant : Rome gémissait sous le joug de ce Néron à téte chauve, v. 37. La famille des Flaviens fournit trois empereurs à Rome; savoir: Vespasien, son fils Titus, et Domitien, frère de Titus.-Ce Néron à téte chauve, signifie que Domitien était un second Néron, et qu'il ne différait du premier qu'en ce qu'il était chauve. Il fut le premier des empereurs, dit Eutrope, qui se fit appeler maître et dieu : c'est pourquoi Juvénal emploie le mot serviret. Maître, se disait des esclaves; empereur, des soldats; et prince, des citoyens.

13. Le maitre de la barque et du filet, étonné de sa proie, la destine au souverain pontife, etc. v. 46; c'est-à-dire à Domitien. Les Césars eurent soin de joindre cette importante dignité à la puissance impériale. Cette qualification rappelle que Domitien avait fondé dans la ville d'Albe un collège de prêtres qui lui étaient consacrés:

peut-être aussi qu'elle fait allusion aux festins des pontifes, pontificum cœnas, qui étaient passés en proverbe.

la mer

14. Consultez Palfurius et Armillatus ; ils vous diront que n'a rien de beau et de rare, dans aucun de ses parages, qui n'appartienne au fisc, v. 53. Palfurius et Armillatus, fameux jurisconsultes qui se laissèrent corrompre, et vendirent le peuple au tyran. Démosthène disait, en parlant de leurs semblables: Ce sont de ces hommes sur le front desquels on croit lire en gros caractères : a louer, a vendre. De fals. leg.—Qui n'appartienne au fisc. Sous les premiers empereurs romains on appelait ærarium les revenus publics, ceux de l'épargne destinés aux besoins et aux charges de l'état ; et on nommait fiscus ceux qui ne regardaient que l'entretien du prince en particulier : mais, bientôt après, ces deux mots furent confondus chez les Romains, excepté sous les bons empereurs. Trajan, disait Pline le Jeune, voit des biens dont il n'a point la propriété; et son domaine est aujourd'hui moins étendu que son empire.

15. Pour ne pas le perdre tout-à-fait, v. 56. C'est le sens de pereat, et Dusaulx a traduit à tort de crainte qu'on ne l'arrache. Cicéron a dit dans le même sens (ad Attic. 11, 17): Ne et oleum et opera philologiæ nostræ perierit. Et Sénèque le tragique (Herc. OEt. v. 1175): Herculis vestri placet mortem perire? J. P.

16. Avec son souffle empoisonné, v. 56. La traduction de Dusaulx, en trépas si féconde, n'est pas d'accord avec le sens du passage. Juvénal veut dire que dans l'automne tout se corrompt plus promptement. J. P.

17. Déjà les malades attendaient la fièvre quarte, v. 57. Les commentateurs ne s'accordent point sur la valeur intrinsèque de sperantibus. Comme sperare, dans les bons auteurs, signifie tantôt espérer, et tantôt craindre, quelques-uns préfèrent la seconde signification, disant que la fièvre quarte, qui durait quelquefois plus de sept ans avant la découverte du quinquina, ne pouvait pas être un sujet d'espérance. Il s'agit ici, non du fait, mais de l'opinion qu'en avaient les anciens. Or, voici ce que Cicéron écrivait

à Tiron: « Votre maladie m'afflige; cependant, puisqu'elle s'est changée en fièvre quarte, comme je l'apprends de Curius, j'espère qu'avec un peu de soin vous n'en serez que plus fort après votre guérison. » Quum in quartanum conversa vis est morbi ( sic enim scribit Curius) spero te, diligentia adhibita, etiam firmiorem fore. (Epist. Famil. lib. xv1, epist. 11.) Il est possible que Juvénal n'ait parlé que des maladies dangereuses; dans ce cas, sperantibus signifierait «< espéraient. » En attendant que je sois plus décidé, je me sers d'un terme relatif à l'espérance et à la crainte.

18. Il a déjà franchi le lac voisin d'Albe, etc., v. 6o. Toutes les éditions portent utque lacus suberant. Marckland ( Stace, page 8) corrige utque lacus superat. Premièrement il faut un singulier. Juvénal en parlant du pêcheur, dit : Hic properat, etc.; obstitit intranti, etc. Secondement, subire lacum, mare, portum, se dit de ceux qui voyagent par eau: mais celui qui fait route par terre, et qui laisse derrière lui un lac, non subit, sed superat lacum. Cela paraît évident, mais ce n'est qu'une correction idéale.

19. Dans cette ville presque détruite, etc., v. 60. Ascagne, fils d'Énée, avait fondé la ville d'Albe: elle fut détruite de fond en comble, excepté les temples des dieux, par Tullus Hostilius, troisième roi de Rome. Egressis urbe Albanis, Romanus passim publica privataque omnia tecta adæquat solo; unaque die quadringentorum opus annorum, quibus Alba steterat, excidio ac ruinis dedit. Templis tamen deum, ita enim edictum a rege fuerat, temperatum est. (Voyez Tite-Live, lib. 1.) Le culte de Vesta et du feu y avait été apporté de Phrygie par Énée et par les Troyens qui abordèrent. en Italie. Il paraît, par quelques vers d'Horace et d'Ovide, que Vesta avait plusieurs temples dans Rome. Le plus célèbre fut celui qu'avait construit Numa.

20. Les portes du salon impérial, v. 63. Il faut savoir, pour l'intelligence de ces trois ou quatre derniers vers, que Domitien avait sa maison de campagne près d'Albe (SUETON. in Domit. § 19): Centenas vari generis feras sæpe in Albano recessu conficientem spectavere plerique. Voyez la description que Stace a faite de cette maison de campagne, Silv. IV, 2, 18 et seq. J. P.

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