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très-ordinaires dans les ouvrages d'esprit; nous l'avons dit.

MOLIER E.

Jean-Baptiste Poquelin, si célebre sous le nom de Moliere, tâcha de réunir les caracteres de Térence et de Plaute, et il y a réussi en beaucoup d'endroits. Observant continuellement la nature, et rapportant à son art toutes les attitudes et toutes les expressions qui caractérisent les passions, il copioit le geste, le ton, le langage de tous les sentimens dont l'homme est susceptible, dans toutes les conditions et dans tous les états. Guidé d'ailleurs par l'exemple des Anciens et par leur maniere de mettre en œuvre, il a peint la cour et la ville, la nature et les moeurs, les vices et les ridicules, avec toutes les graces de Térence, et tout le feu de Plaute. Dans ses comédies de caracteres, comme le Misantrope, le Tartufe, la Femme savante, c'est un Philosophe et un peintre admirable. Dans ses comédies d'intrigues, il y a une souplesse, une flexibilité, une fécondité de génie dont peu d'Anciens lui ont donné l'exemple.

Il a su allier le piquant avec le naïf, le singulier avec le naturel; ce qui est le plus haut point de perfection dans tout genre. Car il est bien plus difficile de

faire des tableaux d'après nature, c'està-dire, où on ne s'écarte jamais des idées du commun des hommes, que de s'abandonner à des caprices, où le pinceau joue en liberté, et donné comme fait à dessein, ce qui n'est souvent que l'effet du hasard, quelquefois même de l'inhabileté, ou de quelque fougue de l'imagination, enfin d'une sorte de libertinage de génie qui a secoué le joug.

Aristophane, admirable par son élocution vive et par ses traits, s'est donné carriere dans ce qui regarde les choses: et, si on peut parler avec franchise, souvent ses intentions sont folles, bizarres, et telles qu'elles ne réussiroient pas assurément parmi nous. Je ne veux pas dire pour cela que les Athéniens aient eu tort de l'admirer. Mais quand on le quitte pour aller à Moliere, on change pour ainsi dire d'élément. Dans celui-ci nous entendons à chaque vers la voix de la nature qui approuve et qui se reconnoît. Dans le Poëte grec, ce sont toujours des incidens bizarres, mêlés de merveilleux, de bouffonneries, de satyres, même d'ordures. C'est proprement le brigandage de la Muse comique: elle est sans retenue, sans regles, et mêle tous les genres. Or, s'il est vrai que l'observation des regles coûté des efforts et demande

?

de grands sacrifices; un homme que rien ne retient, qui met tout à profit, et abandonne les beautés qui résultent de l'ordre et de la liaison, doit briller du côté du génie et de l'invention.

Il semble que Moliere ait choisi dans les maîtres leurs qualités éminentes pour s'en former un talent particulier. Il a pris d'Aristophane le comique, de Plaute le feu et l'activité, et de Térence la peinture des moeurs. Plus naturel que le premier, plus resserré et plus décent que le second, plus agissant et plus animé que le troisieme aussi fécond en ressorts, aussi vif dans l'expression, aussi moral qu'aucun des trois. Peut-être que la Comédie n'est nulle part aussi parfaite que chez lui. Aristophane songeoit principalement à attaquer : c'est une sorte de satyre perpétuelle. Plaute tendoit sur-tout à faire rire il se plaisoit à amuser et à jouer le petit peuple. Térence admirable par son élocution, sa douceur, sa délicatesse, n'est nullement comique ; et d'ailleurs il n'a point peint les moeurs des Romains pour qui il travailloit. Moliere fait rire les plus austeres : il instruit tout le monde, ne fâche personne. Il peint non seulement les moeurs du siecle mais celles de tout les états et de toutes les conditions. Il joue la cour, le peuple

et la noblesse, les ridicules et les vices, sans que personne ait droit de s'en offenser. Enfin s'il s'agissoit de se faire l'idée d'une comédie parfaite, il me semble qu'aucun des Comiques anciens ne fourniroit autant de traits que Moliere. Il a ses défauts, j'en conviens par exemple, il n'est pas souvent heureux dans ses dénouemens; mais la perfection de cette partie est-elle aussi essentielle à l'action comique, sur-tout quand c'est une piece de caractere, qu'elle l'est à l'action tragique ? Dans la Tragédie le dénouement a un effet qui reflue sur toute la piece: s'il n'est point parfait, la Tragédie est manquée. Mais qu'Harpagon avare cede sa maîtresse pour ravoir sa cassette; ce n'est qu'un trait d'avarice de plus, sans lequel toute la comédie ne laisseroit pas de subsister. L'action comique intéresse tout au plus par sa singularité; la tragique intéresse outre cela par son importance, son atrocité. C'est le corps même du spectacle, la machine qui frappe; au lieu que la comique n'est qu'un canevas, une toile pour porter des objets dessinés, et des couleurs.

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Ce que c'est que la Poésie Lyrique.

LA Poésie lyrique, en général, est

destinée à être mise en chant. C'est pour cela qu'on l'a appelée lyrique; et parce qu'autrefois, quand on la chantoit, la lyre accompagnoit la voix. Le mot ode a la même origine : il signifie chant chanson, hymne, cantique.

Il suit de là que la Poésie lyrique et la Musique doivent avoir entr'elles un rap

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