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ques-uns des meilleurs travailleurs de la Belgique, présidée par un éminent érudit tel que M. Gachard et ayant pour secrétaire un homme dont le zèle, l'activité, les connaissances si vastes et si variées sont des plus remarquables, M. Ruelens. La plus importante des communications faites jusqu'à ce jour au Bulletin est due à ce dernier : c'est l'étude sur Adrien de Vries, laquelle se compose d'une intéressante notice et d'intéressants documents inédits.

La notice, je me hâte de le dire, n'est pas complète, définitive. M. R. a rappelé ce que l'on savait du peintre flamand; il a introduit dans la biographie de ce peintre un grand nombre de faits nouveaux. Mais, malgré toutes ses recherches, l'obscurité, l'incertitude subsistent encore sur quelques points, et ce qui rend les difficultés, sinon invincibles, du moins fort considérables, c'est l'existence de plusieurs artistes du même nom, Abraham de Vries, Vredeman de Vries, Jean Renier de Vries. On a attribué aux quatre homonymes les œuvres des uns et des autres : dans les recueils biographiques, comme dans les catalogues des musées, règne un confus chassé-croisé. M. R. a diminué, autant qu'il était possible, un imbroglio si compliqué. Il a, d'une main sûre, planté des jalons qui guideront les futurs chercheurs, et s'il n'a pas, du premier coup, trouvé toute la vérité, on peut dire qu'il a, du moins, très bien préparé la voie. pour ceux qui s'efforceront de le dépasser.

Les documents dont la notice est accompagnée sont au nombre de dixhuit. Il y a là une lettre adressée par de Vries à Peiresc dans les derniers jours de l'année 1630', tirée de la Bibliothèque nationale (F. F. 9542), et dix-sept lettres adressées par Peiresc à de Vries, du 13 mai 1625 au 18 janvier 1630, tirées de la bibliothèque de Carpentras. Dans ces dix-sept lettres, le savant magistrat provençal s'occupe surtout des portraits de divers personnages célèbres dont il serait heureux d'enrichir sa belle collection et qu'il demandait à l'habile pinceau du compatriote de Rubens. Tantôt il réclame le portrait de Guillaume de Catel, conseiller au parlement de Toulouse, l'auteur de l'Histoire des comtes de Toulouse et des Mémoires sur l'histoire du Languedoc; tantôt il réclame le portrait de François Ranchin, « professeur en médecine » à Montpellier, l'auteur du Traité de la peste 2. Ailleurs, il charge son protégé de peindre le cardinal de Sourdis, archevêque de Bordeaux, dont il veut loger le portrait « auprès de celui de N. S. P. le Pape [Ur

1. Cette lettre ne porte pas de date, mais comme de Vries y annonce à Peiresc que M. Rubens s'est remarié avec une fille, dit-on, de dix-sept ans », et comme le second mariage du grand peintre fut célébré le 6 décembre 1630, on voit qu'elle a dû être écrite quelques jours après l'événement.

2. C'est, dit Peiresc (p. 49), « le plus curieux personnage qui soit en ce païs-là. J'ay esté si malheureux de ne l'avoir jamais rencontré d'une infinité de foys que je suis allé pour le voir, que je le désire en portraict pour l'amour que je porte à sa vertu et à son mérite ». Le portrait de Ranchin fut envoyé à Peiresc l'année suivante (p. 49). Ce dernier ajoute (p. 5o) que « chacun le tient en chef-d'œuvre ».

bain VIII] et de ceux des cardinaux Barberini et de Sainte-Suzanne » '. Ailleurs encore sont mentionnés, entre autres desiderata du fervent collectionneur, les portraits du cardinal de Richelieu, de Claude de Saumaise appelé (p. 24) « un des plus doctes hommes de l'Europe », du P. Sirmond, du secrétaire d'Etat, Henri-Auguste de Loménie, seigneur de la Ville-aux-Clercs, d'un autre secrétaire d'Etat, Charles de Beauclerc, que ses contemporains ont souvent appelé le Beauclerc, de Nicolas Rigault, etc. Signalons dans la correspondance de Peiresc avec de Vries divers curieux détails sur Rubens 2, Van Dyck, Finsonius, Simon Vouet; sur divers autres peintres moins illustres, tels que le sieur Chalette, qu'il faut sans doute identifier avec l'artiste auquel M. Roschach a consacré une monographie intitulée : Jean Chalette de Troyes. peintre de l'hôtel-de-ville de Toulouse (Troyes, 1868, in-8°), Faveau, Vignon; sur la veuve du peintre Bunel; sur un amateur dont s'est occupé feu M. Clément de Ris dans le Bulletin du Bibliophile de janvier 1875, Claude Maugis, abbé de Saint-Ambroise, aumônier de Marie de Médicis; sur M. de Lorme, trésorier de France à Bordeaux, un des correspondants de Balzac, qui lui donne aussi le titre de médecin ordinaire du Roy 5, sur l'archéologue d'Aix, Boniface Borrilly, qui, jaloux de la beauté de la copie faite par Rubens du camée dont nous avons déjà

1. Voici la suscription de cette lettre (8 juin 1626): « A Monsieur de Vris, exce lent peintre flamand, à Bordeaux ». On y lit un magnifique éloge (p. 51) de la cops faite par Rubens du fameux camée, dit de la Sainte-Chapelle, aujourd'hui ornemen incomparable du Cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale. Peiresc déclare que cette peinture « est merveilleusement bien digne de son auteur », et digne aussi << de la plus belle pierre précieuse qui ait jamais esté au monde ». Sur le portrait cardinal de Sourdis, que Peiresc trouva « tres bien faict », voir la lettre du 26 aoû 1627 (p. 12).

2. Peiresc félicite de Vries (p. 16) du plaisir qu'il aura, en un voyage projeté à Asvers, « de voir le travail de M. Rubens et de ces autres grands hommes de vostre vocation qui y sont et qui y naissent journellement ». Pouvait-on mieux célébrer l'inépuisable fécondité de la ville d'Anvers considérée comme la patrie de tant d'admirables peintres ?

3. Ce fut moy, dit Peiresc (p. 29), « qui addressay feu M. Finsonius à feu M de Vic ».

4. Le nom de ce peintre, auquel Peiresc écrivit, le 8 mai 1627, une lettre que j sous les yeux (A M. de Chalette, peintre du Roy, à Tholose), a été (p. 50) changé e celui de Challet. M. R. a bien raison de dire (p. 11) que les minutes des lettres Peiresc à de Vries « sont en petite écriture, assez difficile à déchiffrer ». Aucun ceux qui ont vu les hiéroglyphes tracés par tels et tels des secrétaires de Peiresc t reprochera quelques fautes de lecture au savant conservateur des manuscrits de a bibliothèque royale de Bruxelles (par exemple, p. 12, M. le Bernolier pour M.« Beauclerc, et « vous y estes desja attendu en bonne direction », pour « vous y estes desja attendu en bonne devotion »). En voyant un paléographe aussi expérimente a aussi renommé commettre ces petites fautes, je me persuade qu'on sera d'autant pl indulgent pour les fautes plus graves que ne manquera pas de commettre le futur éditeur de la correspondance de Peiresc.

5. Euvres, 1665, in-fo, p. 367.

parlé, vouloit jeter tout son cabinet par la fenestre, de dépit de n'avoir rien de comparable à cela > '.

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Il ne me reste plus qu'à reproduire quelques passages d'une lettre inédite de Peiresc, laquelle complète soit ce que ce grand homme a dit du mystérieux peintre flamand, en le recommandant avec une si chaude cordialité aux frères Du Puy 2, soit ce qu'il lui a si aimablement dit à lui-même dans les documents publiés par M. Ruelens. Voici' comment, le 13 mai 1625, Peiresc vantait le talent et le caractère d'Adrien de Vries à M. de Maran, conseiller au parlement de Toulouse : « Monsieur, vous recepvrez ceste lettre par les mains de M. Vris qui est paintre de sa profession, mais excellent et d'ailleurs bien dotté et de la plus grande connoissance qui se puisse voir. Il a demeuré quelque temps en ceste ville [Aix] où il a laissé une trez bonne odeur et une infinité d'amiz et n'a pas voulu faire sa retraicte sans aller voir la celebre ville de Thoulouse. Je vous supplie de l'aymer pour l'amour de moy et luy despartir vostre favorable adsistance pour le faire cognoistre par voz amis. Certainement M. Vris excelle à faire des pourtraictz au naturel heureusement ressemblantz et artistement elabourez, son dessein [sic] estant grandement hardi, son relief fort apparent et son coloris des plus beaux et non subject à aulcun changement. Il réussit encores trez bien cez grands tableaux à grandz personnages, qui est ce qu'on estime le plus en sa profession, et a si bien estudié et dressé son humeur qu'il est grande. ment recommandable et digne d'estre aymé, comme je m'assure que vous ferez. >>

T. DE L.

249.- Petite bibliothèque oratorienne. II. Le père Joseph Bougerel, prêtre de l'Oratoire. Notice biographique et bibliographique, d'après des documents inédits. Paris, 1882, imprimerie Téqui, in-18 de 161 p. Tiré à 50 exemplaires numérotés.

Comme le dit (p. 5) l'auteur de l'excellent petit volume sur lequel je viens appeler l'attention, « parmi les littérateurs qui, aux siècles passés, ont illustré la congrégation de l'Oratoire, le père Joseph Bougerel mé

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1. Peiresc (Ibid.) donne cet autre pittoresque éloge à « la peinture de M. Rubens »

J'ay esté constrainct de la mettre en un lieu où elle est toute seule, car elle tuo tout ce qui en approchoit ».

2. Les trois lettres écrites par Peiresc en faveur de son ami de Vries ont été publiées par M. Ludovic Lalanne, le 30 juin 1861, dans le Journal des Beaux-Arts dirigé par M. Ad. Siret. M. R., qui les cite (pp. 6-7) d'après ce recueil, mentionne aussi (p. 8) un article sur ces mêmes lettres, inséré dans le même recueil (no du 15 décembre) et communiqué par M. Julius Hübner, le conservateur du musée de Dresde.

3. Bibliothèque de Carpentras, registre des minutes S-X, fo 751.

rite une place d'honneur, peut-être moins à cause des ouvrages qu'il publia de son vivant, que par le nombre et l'importance des manuscrits qu'il a laissés. » Ces manuscrits, qui ont été précieusement conservés, ont été communiqués à l'auteur. Le plus curieux de tous est une autobiographie dont les extraits remplissent les 45 premières pages du volume. On trouve là, avec les plus minutieux détails sur la jeunesse de Bougerel (son récit s'arrête malheureusement à l'année 1720) 2, d'intéressants renseignements sur le cardinal Jérôme Grimaldi, archevêque d'Aix (p. 7), sur Daniel de Cosnac, d'abord évêque de Valence, puis archevêque d'Aix (p. 9), sur divers jésuites et oratoriens plus ou moins célèbres (p. 12 et suivantes), sur l'évêque de Grasse M. de Mesgrigny, qui est le héros d'une fort piquante historiette (pp. 31-33), sur le futur cardinal de Fleury (p. 37), sur la peste de Marseille (pp. 40-41), etc.

Les mémoires de Bougerel sont suivis de quelques-unes de ses lettres aux pères Lebrun et Desmolets (pp. 46-62), au président Bouhier pp. 63-103). Mille sujets y sont traités. Dans la lettre au savant bibliothécaire de l'Oratoire, le p. Desmolets, lettre qui appartient au marquis de Clapiers, il est question surtout de deux archéologues provençaux dont la gloire a singulièrement pâli, Claude Terrin, qui prouva le premier que la statue d'Arles était une Vénus, et Laurens Gravier, de Marseille, « personnage aussi estimable par sa droiture et sa probité que par sa grande connaissance de l'antiquité et par son goût exquis pour les beaux-arts.» Les lettres à Bouhier, tirées, moins une, communiquée par M. de Clapiers, de la collection qui, à la Bibliothèque nationale, portait autrefois le nom de l'illustre érudit bourguignon, abondent en indications sur le jurisconsulte Luc de Penna, sur le maréchal de France J. B. d'Ornano, sur le chevalier Perrin, l'infidèle éditeur des lettres de Mme de Sévigné, sur Mathieu Marais, sur le président de Mazaugues, sur Barthélemy de Chasseneuz, etc. A côté de ces indications, signalons les nombreuses nouvelles littéraires dont Bougerel entretient son docte correspondant, nouvelles relatives aux écrits de la Motte, de Voltaire, de Pope, de Boulainvilliers, de Villefore, de Gibert, de l'abbé

1. La première partie de l'autobiographie (cahier de 16 feuilles in fo appartient à Mme de Mainvielle, née de Bougerel. La seconde partie (cahier de 11 feuillets in-4°) appartient au marquis de Clapiers.

2. Nous ignorons, dit (p. 47) le biographe de Bougerel, si l'autobiographie fut jamais continuée, ou bien, dans le cas où il y aurait eu une suite, ce qu'elle a pu devenir.

:

3. L'auteur du volume, dans une note sur Jean Bouhier (p. 63) nous donne cette bonne nouvelle « Outre les lettres de Bougerel, sa correspondance (Bibl. nat., FF. 24, 409 et suiv.) contient plusieurs autres lettres d'oratoriens que nous nous proposons de publier un jour, »

4. L'auteur, dans sa note sur ce personnage, a oublié de citer la remarquable monographie de M. Henri Pignot: Un jurisconsulte au xvi siècle. Barthélemy de Chassencuz. premier commentateur de la coutume de Bourgogne et président da parlement de Provence, sa vie et ses œuvres. Paris, L. Larose 1880, in-8°.

Duguet, de Fénelon, de Dom Rivet, de Titon de Tillet, de Le Sage, de l'abbé Le Beuf, de l'abbé Sallier, de l'abbé Terrasson, de l'abbé de Lavarde, etc.

Le soigneux biographe, après avoir consacré un chapitre spécial aux ouvrages imprimés du P. Bougerel, étudie les manuscrits du savant oratorien, et surtout le plus considérable de ses manuscrits, son œuvre. capitale, à laquelle il travailla sans interruption pendant plus de quarante ans, le recueil des Vies des hommes illustres de Provence (pp. 111121). La description de ce recueil que possède la famille de Bougerel, et dont une copie est entre les mains de M. de Clapiers, est tellement séduisante, que tous les amis de l'érudition répèteront avec le biographe (p. 120) Il serait bien à désirer que quelque savant pût mettre en œuvre ces précieux manuscrits et en tirer les trésors de choses ignorées qu'ils doivent contenir. ' »

Les autres manuscrits énumérés sont les suivants : Faits concernant la Provence et les Provençaux (en 5 vol. in-4°), sorte de journal des événements arrivés en Provence que le P. Bougerel notait, en y joignant des extraits de toutes les publications ayant trait à son pays natal (pp. 121-222); Vie du P. Joseph Marrot (in-12 de 378 p.), vie à laquelle le biographe a emprunté des citations qui aident à mieux connaître l'histoire religieuse de la France au XVIe siècle (pp. 223-138); Bibliothèque des écrivains de l'Oratoire (en 2 vol., in-4°), ouvrage malheureusement perdu, mais dont l'auteur du volume a retrouvé quelques feuilles sur lesquelles il nous fournit de curieuses particularités (pp. 138-145); le Parnasse provençal, manuscrit conservé à la Bibliothèque d'Aix, d'où le même auteur extrait une lettre d'Antoine Godeau, évêque de Vence, adressée, le 1er septembre 1669, à MM. G. Venel et de Chazelles qui l'avaient choisi pour arbitre dans une discussion sur quelques expressions d'un sonnet (pp. 145-152).

Le petit volume, qui, comme on le voit, est si plein de choses, et de choses nouvelles, se termine par l'éloge du P. Bougerel, tiré du manuscrit du P. Bicaïs 2. L'auteur ne s'étant pas nommé, je ne crois pas de

1. L'ouvrage comprend en tout 461 vies et 3623 pages. Aux notices biographiques il faut ajouter divers morceaux comme le discours préliminaire, qui renferme l'histoire de Marseille, une dissertation sur la patrie de Pétrone, une autre sur la patrie du poète Gallus, une troisième sur la patrie de Cassien, une autre encore sur la patrie de J. B. d'Ornano, une enfin, très importante, de 62 pages, qui a pour titre : Justification de Jean Meynier baron d'Oppede... où l'on trouvera l'existence des Vaudois de Cabrières et de Mirandol et la vraie cause de la mort funeste de l'avocat général Guérin, inconnue jusqu'à présent. Mentionnons. de plus, une Histoire de l'Académie d'Arles (en 50 pages).

2. Indiquons, à l'Appendice, une Table alphabétique des principaux noms cilés. A propos de ces noms, disons que quelques-uns ont été défigurés dans le volume par des fautes d'impression. Ainsi (p. 59) l'académicien Moreau de Mautour devient Moreau de Nantour, et (p. 115) le gentilhomme d'Aix Galaup de Chasteuil devient Galoup de Lasteuil. Citons, au sujet des fautes d'impression, cette phrase d'une lettre de Bougerel à Bouhier, phrase que presque tous, que moi surtout, nous pouvons

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