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tes provençaux'. J'ai assez de fois démontré qu'il n'était pas en état d'entendre les textes les plus faciles pour que la preuve ne soit plus à faire. Quant à foras traduit par « paire de ciseaux », si un journal a jugé à propos d'en égayer ses lecteurs, tout ce que je puis dire, c'est que ce journal a été inspiré par un homme bien ignorant. Il s'agit d'un passage du poème de la croisade albigeoise (v. 506) où il y a forsa, non foras, et forsa signifie en effet une paire de grands ciseaux qu'on appelle encore forces. J'ai expliqué ce passage. sur lequel M. L. seul était capable de se méprendre, dans la Revue critique de 1868, t. II, p. 319. Enfin M. L. m'en veut de n'avoir pas fait ressortir la « découverte littéraire assez importante » qu'il aurait faite en prétendant que « le Dante » a puisé dans le Breviari d'amor l'idée de la Divine Comédie. Voilà du moins pour terminer, une amusante bévue. Je n'ai point vu dans l'assertion de M. L. une « découverte j'y ai vu ce qu'il y fallait voir, une idée absurde. M. L. l'avait déjà émise dans un précédent ouvrage, et, à cette occasion, M. Gabriel Azaïs (un savant du Midi, dont M. Lafon serait mal venu à contester l'autorité) en a surabondam. ment démontré l'inanité dans son introduction au Breviari d'amor, pp. LXV. Paul MEYER.

LXVI.

LETTRE DE M. СН. MOREL

Messieurs les Rédacteurs de la Revue critique,

Je viens vous remercier bien sincèrement des articles que vous avez consacrés à ma traduction de l'Etat romain de M. Madvig et qui étaient empreints de la plus grande bienveillance. Je suis particulièrement reconnaissant à M. Camille Jullian d'avoir pris la peine d'examiner toutes les petites notes que j'ai cru devoir ajouter; je ne puis voir qu'avec plaisir la Revue suivre ses traditions d'impartialité et critiquer en toute franchise, même un de ses fondateurs. C'est dire que je ne prétends point à l'indulgence et que j'accepte très volontiers les observations générales qui me sont faites par M. Jullian. Comme lui, je regrette de n'avoir pas eu le temps de rechercher dans le Corpus Inscriptionum les inscriptions citées dans l'ouvrage d'après Orelli et Wilmanns; quant aux passages où M. Madvig fait de la polémique avec Mommsen, Niebuhr, Huschke et d'autres, j'ai cru me conformer aux intentions de l'auteur en laissant à ses critiques leur caractère impersonnel.

Si, en deux endroits seulement, j'ai intercalé deux phrases dans le texte entre crochets et en prévenant le lecteur en note, je ne pense pas

1. Bibliothèque de l'École des Chartes, 5 série, t. II (1861), pp. 63 et 64; Flamenca (1865), PP. XLI-XLIII; Revue critique, 1868, article 179.

2. Combattre Niebuhr en le nommant, mais sans citer ses ouvrages, n'est point faire de la critique impersonnelle.

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qu'avec de telles précautions on puisse me reprocher, comme le fait M. J., d'avoir manqué à « l'inviolabilité du texte ».

Mais il est un autre genre d'observations que je ne puis laisser sans réponse; elles ont trait à quelques rares endroits où j'ai cru pouvoir relever a de légères erreurs de détail » ; je reconnais que ces endroits ne sont pas nombreux - il y en a quatre, à mon avis; mais je n'ai pas parlé dans mon avant-propos, comme semble me le faire dire M. J. d'une (seconde) catégorie de notes de ce genre, à quoi il ajoute or nous ne trouvons qu'une seule erreur mentionnée, etc. » Cela importe peu; mais ce qui me paraît exiger une réponse, c'est l'appréciation de M. J. d'après laquelle je condamne trop vite », je « rends des arrêts » et je relève des erreurs qui n'existent pas; il me semble que c'est un peu m'accuser d'outrecuidance et de légèreté. Voyons de quoi il s'agit.

D'abord, j'ai contesté que Malaga fût un municipe romain, comme le disait M. Madvig, et j'ai ajouté qu'il y avait une seconde erreur dans le même passage, puisqu'il parlait de Latins au lieu de parler d'incolae. — M. J. me répond que « rien, absolument rien, dans la lex malacitana ne prouve la latinité de cette ville et qu'il « ne serait même pas difficile d'y relever des indices qui autorisent la conclusion de M. Madvig. » Or, pour prouver à M. J. qu'il s'agit bien d'une inadvertance de l'auteur et que j'ai eu raison de la relever, il me suffit de le renvoyer à M. Madvig lui-même, tome II de l'édition allemande, page 44, et surtout page 100 « In diesen eigentlich latinischen Städten'. » M. J. prétend ensuite que, si l'on admet que Malaga était un municipe romain, la seconde erreur tombe d'elle-même; or tel n'est point le cas, et, pour s'en assurer, il suffit de lire l'article LIII de la Lex malacitana, cité par M. Madvig, qui est intitulé: In qua curia INCOLAE suffragium ferant et qui prescrit que pour les élections: ex curiis sorte ducito unam, in qua incolae qui CIVES ROMANI LATINIVE CIVES erunt suffragium ferant. Ce sont donc les incolae, c'est-à-dire les habitants non originaires de Malaga, tant latins que romains, qui votent dans une curie unique, tandis que les citoyens romains ou latins originaires de la ville sont répartis dans plusieurs curies 2.

Ailleurs j'ai dit que le texte définitif du passage de Gaius, I, 96, tel qu'il a été rétabli d'après le palimpseste de Milan par M. Studemund avait échappé aux deux principaux savants qui se sont occupés de la

1. M. Madvig regardait, dans son premier volume, Malaga comme un municipe romain: il en parle, dans son second, comme d'une cité latine. L'une et l'autre opinion peuvent se soutenir aucune ne constitue une erreur. Le second volume de l'Etat romain paraissait à peine à Leipzig quand le compte-rendu des premiers chapitres traduits par M. Morel s'imprimait à Paris.

2. L'auteur parlait du droit que pouvaient avoir des latins de voter dans une assemblée romaine; il citait à ce propos ce texte de la loi de Malaga, où les incolæ latins, aussi bien que les incolæ romains, étaient admis à voter dans les assemblées de la ville municipe romain. Quelle erreur y a-t-il là?

question, M. Marquardt et M. Madvig. Je suis fort heureux d'apprendre que, dans sa seconde édition, M. Marquardt a corrigé ce qu'il avait mis dans la première (tome I, p. 57); cette seconde édition a paru en 1881, et je ne l'ai pas eue sous les yeux; peut-être le compte-rendu que j'ai publié sur la première édition dans la Revue critique n'est-il pas étranger à cette rectification. Quant à M. Madvig, je dois avouer que, dans le comble de mon outrecuidance, j'ai voulu atténuer ses torts t violé quelque peu le texte original. En effet, je me suis permis de substituer le texte authentique de Gaius à la note suivante de l'auteur :

<< Nous n'avons pas à tenir compte de la distinction entre un Latium « majus et un Latium minus que, par une FAUSSE CONJECTURE, Niebuhr a <<< voulu introduire dans le texte de Gaius, 1, 96, nous pouvons aussi passer << sous silence toutes les déductions qu'il prétendait en tirer. Dans ce << passage de Gaius, il est question de l'accès au droit de cité qui est moins « facile (minus latum) à obtenir en revêtant une magistrature dans une « ville latine que par d'autres moyens dont disposaient les Latini Ju« niani. »

Evidemment, si M. Madvig avait eu connaissance du texte authentique qui corroborait la correction de Niebuhr au moins sur le point du minus Latium, et s'il n'avait pas voulu en tenir compte, il aurait dit ses raisons; il n'aurait pas parlé d'une fausse conjecture. Evidemment encore, si M. J. s'était reporté au texte allemand de M. Madvig, il n'aurait pas dit que ce dernier « omet de citer le passage de Gaius » et se serait évité de dire « Il n'est nullement prouvé que M. Madvig ait ignoré ce texte et ne l'ait pas négligé à dessein '. »

Je crois qu'en voilà assez. Je ne veux pas allonger cette lettre, bien que j'eusse encore quelques observations à faire au sujet du conubium et du commercium des cives sine suffragio.

Quant à la différence que fait M. Jullian entre une conclusion erronée et une erreur, je ne puis la comprendre qu'en ce sens qu'une erreur n'est pas toujours une conclusion, mais qu'une conclusion erronée contient toujours une erreur. Dès lors, je ne vois pas bien à quoi peut servir une distinction de ce genre.

Veuillez, Messieurs, agréer l'expression de mon entier dévouement. Genève, 26 octobre 1882.

Ch. MOREL.

Il y a quelques imperfections de détail dans le livre de M. Madvig. Mais elles s'expliquent parce que l'ouvrage remonte en partie à plusieurs années, parce que les chapitres en ont été composés à des dates différentes, surtout, parce que l'auteur malheureusement pas toujours pu en faire lui-même la révision : « Si j'ai ignoré telle

1. Cette note ayant disparu dans la traduction, et rien n'en avertissant le lecteur, il ne pouvait s'aviser de recourir au texte. Elle prouve d'ailleurs, jusqu'à l'évidence. qu'à l'époque où M. Madvig rédigea ce chapitre, il n'avait pas encore eu connaissance de la découverte faite par M. Studemund (1868).

ou telle inscription, dit-il, dans la préface de son second volume, cela tient aux conditions dans lesquelles je travaille depuis six années. »

Il est donc dur de lui reprocher des erreurs formelles; M. Morel se sert, dans sa lettre, du mot d'inadvertance: il suffit quand il s'agit de l'immense érudition et du nom vénéré de M. Madvig.

CHRONIQUE

Camille JULLIAN.

ALLEMAGNE.

Deux nouvelles éditions de Kudrun vont paraître; l'une par les soins de M. SYMONS (Ve vol. de l'« Altdeutsche Texbibliothek »); l'autre, par les soins de M. E. MARTIN.

-M. Richard MAHRENHOLTZ va publier à la librairie Henninger, de Heilbronn, une nouvelle édition, mais considérablement diminuée, de son MOLIÈRE (prix, 4 mark). AUTRICHE. Il vient de paraître à Vienne une petite étude de 16 pages sur Madame Ackermann; l'auteur de cette « literarhistorische Skizze » est M. Karl MERWART. On dit que l'étude de M. Merwart était d'abord plus étendue, mais que l'exposition du système philosophique de Me Ackermann ayant déplu au gouvernement autrichien, M. Merwart a dû supprimer nombre de passages.

HOLLANDE.

M. S. A. WIJNNE, professeur à l'Université d'Utrecht, a publié le ler vol. des Négociations du comte d'Avaux, ambassadeur extraordinaire à la cour de Suède pendant les années 1693, 1697 et 1698 (Utrecht, Kemink; 23 numéro des volumes nouv. série, publiés par la « historisch genootschap », d'Utrecht.) Les documents que publie M. Wijnne sont tirés d'un manuscrit de la bibliothèque de l'Arsenal; chacun d'eux est précédé d'un résumé; résumés et notes, ainsi que l'introduction du volume, sont écrits en français. Nous souhaitons à cette publication intéressante et soignée prompte continuation et grand succès.

ITALIE. Le 22 octobre est mort à Bozzolo, à l'âge de 37 ans, Napoléon CAIX, dont l'on connaît les importants ouvrages de philologie romane, entre autres, Studi di etimologia italiana e romanza (1868), Le origini della lingua poetica italiana (1880), etc.

ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES

Séance publique annuelle du 17 novembre 1882.

M. Jules Girard, président, prononce un discours dans lequel il annonce les prix décernés en 1882 et rend compte des travaux des membres des écoles françaises d'Athènes et de Rome. Il termine par un hommage rendu à la mémoire des académiciens qui sont morts depuis un an, MM. Dulaurier, de Longpérier, Thurot et Guessard. M. Wallon, secrétaire perpétuel, lit une Notice historique sur la vie et les travaux de M. Paulin Paris, membre de l'Académie.

M. Léon Heuzey, membre de l'Académie, lit une Introduction au Catalogue des figurines de terre cuite du musée du Louvre. Cette introduction est intitulée : Sur les origines de l'industrie des terres cuites.

JUGEMENT DES CONCOURS

PRIX ORDINAIRE. L'Académie avait proposé la question suivante: Faire connaître les versions de la Bible en langue d'oil, totales ou partielles, antérieures à la mort de Charles V. Etudier les rapports de ces versions entre elles et avec le texte latin. Indiquer toutes les circonstances qui se rattachent à l'histoire de ces versions (le temps, le pars, le nom de l'auteur, la destination de l'ouvrage, etc.). L'Académie décerne le prix à M. Samuel Berger, secrétaire de la faculté de théologie protestante de Paris, auteur du mémoire inscrit sous le n° 3. Elle accorde, en outre, une récompense de mille francs à M. Jean Bonnard, auteur du mémoire inscrit sous le n° 2.

ANTIQUITÉS DE LA FRANCE. L'Académie décerne trois médailles : La 1" à M. I. Guiffrey, pour son Histoire générale de la tapisserie (Paris, 1878, in-fo avec planches); la 2e à MM. Héron de Villefosse et Thédenat, pour leurs Notes sur quelques cachets d'oculistes romains (Paris, 1882, in-89); la 3 à M. Kohler, pour son Etud critique sur le texte de la Vie latine de sainte Geneviève de Paris (Paris, 188, 48 fascicule de la Bibliothèque de l'école des hautes études). L'Académie accorde, en outre, six mentions honorables; la rà M. Héron, pour sa publication des Œuvres de Henri d'Andeli, trouvère normand du XIIIe siècle (Paris, 1881, in-89); la 2' ¿ M. Charles Molinier, pour son ouvrage : l'Inquisition dans le midi de la France a XIII et au XIV siecle (Paris, 1881, in-8°; la 3° à M. Perroud, pour ses Origines da premier duché d'Aquitaine (in-8o); la 4a à M. de la Chauvelays, pour son Etude sur les armées des trois premiers ducs de Bourgogne (Paris, 1881, in-8°); la 5o à M. Ch. Fierville, pour ses Documents inédits sur Philippe de Commynes (Paris, 1881, in-8 ; la 6 à M. Pagart d'Hermansart, pour son Etude sur les anciennes communautés d'arts et métiers à Saint-Omer (Saint-Omer, 1879, 1881, in-8°)..

3

PRIX DE NUMISMATIQUE. Le prix biennal fondé par Me veuve Duchalais et destiné au meilleur ouvrage de numismatique du moyen âge a été décerné cette année i M. Stanley Lane Poole, pour le cinquième volume de son catalogue, intitulé: Cot of the Moors of Africa and Spain in the British Museum (Londres, in-8°).

PRIX GOBERT, pour le travail le plus savant et le plus profond sur l'histoire de France et les études qui s'y rattachent. Le premier prix a été décerné à M. Pad Viollet, pour son édition des Etablissements de saint Louis (Paris, 1881, 2 vol. in-8); le second prix à M. Frédéric Godefroy, pour son Dictionnaire de l'ancienne langu française et de tous ses dialectes du 1x au xv siècle, tome Ier (Paris, 1881, in-4o). PRIX BORDIN. L'Académie avait proposé la question suivante : Etudier les documents géographiques et les relations de voyage publiés par les Arabes du ura VII siècle de l'hégire inclusivement; faire ressortir leur utilité au point de vue de la géographie comparée au moyen âge. L'Académie ne décerne pas le prix, mais elle accorde, à titre d'encouragement, une récompense de 1,500 fr. à l'auteur de l'uniqu mémoire envoyé au concours, M. Marcel Devic, professeur d'arabe à la faculté des lettres de Montpellier.

PRIX BRUNET, pour un ouvrage de bibliographie savante. L'Académie avait proposé le sujet suivant: Bibliographie aristotélique ou bibliographie descriptive, d autant que possible, critique, des éditions, soit générales, soit spéciales, de tous les ouvrages qui nous sont parvenus sous le nom d'Aristote; des traductions qui en out eté faites avant ou après la découverte de l'imprimerie, des biographies anciennes e modernes d'Aristote, des commentaires et dissertations dont les divers écrits qu' lui attribue ont été l'objet depuis l'antiquité jusqu'à nos jours, etc. Le prix est décerné à M. Moïse Schwab, employé à la Bibliothèque nationale.

PRIX STANISLAS JULIEN, pour le meilleur ouvrage relatif à la Chine. L'Académie partage le prix entre M. Léon de Rosny (les Peuples orientaux connus des anciens Chinois) et M. Imbault-Huart (Recueil de documents sur l'Asie centrale).

PRIX DELALANDE-GUÉRINEAU, pour l'ouvrage jugé le meilleur par l'Académie. L'Académie avait décidé qu'en 1882 elle décernerait le prix, s'il y avait lieu, à des travaux sur la philologie antique, comprenant l'étude des monuments écrits de toe nature. Le prix est décerné à M. Louis Havet, pour son ouvrage : De saturnio Latnorum versu (Paris, 1880, in-8°).

ANNONCE DES CONCOURS DONT LES TERMES EXPIRENT EN 1883, 1884 et 1885. PRIX ORDINAIRE DE L'ACADÉMIE. L'Académie avait prorogé à l'année 1882 le st jet suivant, qui avait été d'abord proposé pour 1879: Etude sur les institutions pélitiques, administratives et judiciaires du règne de Charles V. Un seul mémoire a été envoyé au concours. L'Académie ne décerne pas le prix; elle retire la question et la remplace par le sujet suivant: Exposer la méthode d'après laquelle doit être étudié, préparé pour l'impression et commente un ancien obituaire. Appliquer les ri

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