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textes traduits du grec et des compositions religieuses; de plus, elle échappe par sa date à toute suspicion d'influence arabe. Malgré ses nombreuses incorrections, elle offrait un nouveau champ pour l'étude de la langue syriaque. Ces incorrections, signalées en partie par M. l'abbé Martin, apparaissaient au premier abord, soit comme des singularités d'un style peu châtié ou d'une orthographe négligée, soit comme des fautes de copiste imputables à l'auteur du manuscrit. Il appartenait à M. W. de soupçonner que la plupart d'entre elles étaient étrangères au manuscrit et qu'elles provenaient des difficultés de lecture que présente ce dernier, un palimpseste pour la majeure partie. C'est dans cette pensée qu'il prià M. le professeur Ignazio Guidi de Rome de collationner le texte imprimé sur l'original. Les résultats ont dù dépasser son attente; il n'est guère de page, où une ou plusieurs leçons fautives ne soient corrigées, où un mot omis ne soit rétabli à sa place; des lignes entières même avaient été sautées, comme dans les passages suivants : p. 25, 1. 3, p. 50, 1. 2, p. 89, i. 9, qui restituent : l'un, deux lignes; le second, une ligne; et le dernier, trois lignes. Rendons hommage à la bienveillante intention de M. W. qui s'est abstenu de relever ces défauts de la première édition. Dans ces conditions, au lieu d'une liste d'errata, il devenait plus pratique de faire une seconde édition du livre; ce procédé avait encore l'avantage de laisser toute latitude au critique pour expliquer par une nouvelle traduction et dans des notes les passages qui prêtaient à une autre interprétation.

Quoique la collation de M. Guidi ait confirmé la plupart des conjectures proposées par divers savants et notamment par M. Noldeke dans l'étude mentionnée ci-dessus, il reste encore quelques leçons douteuses appartenant réellement au manuscrit : telle est celle de la page 22, 1. 15, qui, selon M. Noeldeke, devrait être lue be schouqé élâyê « dans les marchés supérieurs. » M. W., tout en acceptant cette interprétation, remarque qu'il serait conforme au texte de lire b schouq *allâthâ « dans le marché aux grains », mais il ne s'arrète pas à cette hypothèse, "allátá a partout, en effet, dans Josué le Stylite le sens de récoltes et non de grains, et il est toujours écrit avec deux lâmad. On pourrait plutôt lire: b° schouq látha « dans la place de l'Autel », c'est-à-dire, dans la place située au milieu d'Edesse et où se trouvait le grand autel consacré aux idoles de la ville, v. The doctrine of Addai the apostle, pp. 26 et 34 da texte syriaque et pp. 26 et 32 de la traduction. Alors même que cet autel n'eût plus existé au temps de Josué, la place où il s'élevait aurait pu ea garder le souvenir.

Les nuances qui distinguent le parfait du participe soit seul, soit composé avec (h)wâ, sont bien faibles dans Josué, quand l'action peut-être envisagée en même temps comme un fait accompli et comme un état. Que l'on compare, par exemple, mèn dafrah « après avoir volé, » 33,7 avec mèn dampîs « après avoir sollicité, 76, 22; voy. aussi : sâîrán (h)wai, 72, 17, râqdîn (h)wau et dâaká (h)wất1, 75, 1 et 2, mpis (t)wd,

76, 20. Est-il alors bien nécessaire de chercher des parfaits dans des passages analogues, en supposant des formes de la 3° pers. fém. plur. terminées par le suffixe ein dont le youd aurait été laissé de côté? Ainsi M. W. ponctue dafqa°èn, p. 28, note 5, wabadhèn, p. 35, note 7, dmîthèn, p. 37, note 2. Si dmiten a pour lui l'analogie du masc. dmîth qui se rencontre quatre lignes plus bas, le participe fém. dmîthân se justifie par des exemples du participe masc. dmît1în, 70, 6 et 73, 6.

La conjecture yárouré « chacals », p. 37, note 1, ne vaut pas celle de schardoudé « squelettes », proposée par M. l'abbé Martin; comme terme de comparaison pour des corps amaigris par la faim, cette dernière expression est assurément typique Kad mfarschiáẩn, 37, 16, est mieux traduit par « tout nus » dans l'édition de M. l'abbé Martin, que par « exposed » dans celle de M. W.- p. 66, 12, pât1ourê dbhourkthâ des tables du pain d'autel » donnerait un sens acceptable, comp. B. O. III, I, 248 b, lig. 6, où il s'agit des tables sur lesquelles on préparait le pain azyme pour le sacrifice de la messe.

Il existe un certain nombre de cas, où un waw final est ajouté au radical verbal de la 3e pers. masc. sing. du parfait, M. l'abbé Martin, conserservant cette écriture,. l'explique par la particule intensive (h)ou contractée avec le verbe. M. Wright, au contraire, regarde ce waw comme oisif et le fait disparaître du texte, tout en donnant en note la leçon du manuscrit. M. l'abbé Martin a cependant raison, il y a là un fait grammatical qui ne doit pas être supprimé ; le point inférieur dont ce waw est quelquefois marqué, indique qu'il était articulé. En dehors de Josué le Stylite, on en trouve des exemples dans des auteurs anciens 1. La locution báfarsânâ « en délibération se trouve pp. 88, 15 et 21, comp. aussi Julianos der Abtruennige 146, 26; 194, 24; 195, 5; 211, 12. Il semble donc que la ligne 10 de la p. 76, devrait être traduite : ⚫ excepté le duc Nonnosus qui n'était pas avec eux à la délibération. » Par les soins consciencieux et éclairés que le célèbre professeur de Cambridge a apportés à cette nouvelle édition, la Chronique de Josué le Stylite devient désormais un livre classique pour l'étude du syriaque. Le plan d'Edesse et la carte du théâtre de la guerre qui terminent le volume, forment deux appendices utiles, surtout le plan d'Edesse que l'on ne trouve que dans des ouvrages spéciaux.

Rubens DUVAL.

1. Aux citations données dans notre Traité de grammaire syriaque, p. 288, § 298 d, et p. 290, note 1, ajout. Spicileg. syr., 11, 1, et Julianos der Abtruennige, 75, 13; 130, 10; 146, 7; 187, 1; 218, 6; 225, 23. Tullberg a également supprimé ce waw dans son édition de la première partie de la Chronique de Denys.

236.-E. EVERS, Ein Beitrag zur Untersuchung der Quellenbenutzung bei Diodor. (Festschrift zu dem 50 jährigen Jubilæum der Konigstædtischen Realschule zu Berlin, tirage à part), 1882, Berlin, Winckelmann et fils, in-8 de 52 p.

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D

L'étude des sources de Diodore donne, chaque année, naissance en Allemagne à près d'une demi-douzaine de dissertations. On peut les classer en deux groupes : les uns veulent prouver que, dans chacune des grandes divisions dont se compose sa Bibliothèque, Diodore n'a jamais consulté qu'un seul auteur; s'il lui arrive de citer d'autres ouvrages que celui de sa source unique, c'est qu'il les a connus indirectement, et par le moyen de cette dernière. Les autres prétendent, au contraire, que Diodore a utilisé plusieurs écrits à la fois, tantôt fondant deux récits en un seul, tantôt les reproduisant l'un à côté de l'autre; souvent enfin, il a ajouté à ses sources ce que lui avaient appris ses voyages. Ces derniers font une œuvre de « démolition »; les autres cherchent à «< reconstruire l'ouvrage perdu dont les livres de Diodore nous présentent une sorte d'image. Grâce aux recherches de MM. Volquardsen et Collmann 3, la théorie de l'«< unité de source » était à peu près partout acceptée. Depuis quatre ans, une réaction violente s'est produite contre elle : elle a subi de violentes attaques, auxquelles ses défenseurs ont faiblement répondu. M. Evers, qui s'attache aux premiers livres de Diodore, est un adversaire décidé de MM. Volquardsen et Collmann. Il faut croire Diodore, dit-il, lorsqu'il affirme avoir passé trente années de sa vie à réunir les matériaux de son ouvrage et à le composer; nous n'avons aucun motif de l'accuser de mensonge : tout, dans le détail comme dans l'ensemble, révèle la pluralité des sources. Cela est très juste et ne saurait être trop répété. Mais, quand M. E. prétend retrouver les emprunts que Diodore a faits à Posidonius ou à Evhémère, dont il ne nous reste à peu près rien, nous ne le suivrons pas dans ce travail de déchiquetage, travail inutile puisqu'il ne présente aucune garantie sérieuse. M. Bauer avait réuni un certain nombre de passages de Diodore où il semblait s'être servi d'Hérodote. M. E. a tenu à compléter cette liste. A quoi bon? Les textes cités par M. Bauer sont fort peu concluants; ceux qu'ajoute M. E. ne le sont pas davantage. M. E. rapproche l'une de l'autre, par exemple, les descriptions que font Diodore et Hérodote de la pyramide de Cheops.

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1. Les deux mots sont de M. Mommsen, Romische Forschungen, II, p. 289. Luimême offre un modèle de restauration ingénieuse et brillante en s'efforçant de retrouver dans les récits de Diodore l'ouvrage de Q. Fabius Pictor, Fabius und Dioder, (Hermès, V et XIII), Die gallische Katastrophe (Hermès, XIII), articles réimprimes, avec additions importantes, dans le 2 volume des Ræmische Forschungen, 1879 2. Untersuchungen über die Quellen der griech. und sicil. Geschichte bei Diodor. Kiel, 1868.

3. De Diodori Siculi fontibus : Leipzig, 1869.

4. Die Benutzung Herodots durch Ephorus bei Diodor, Jahrbücher de Flecke.sc3. Supplementband, X, p. 281, sqq. La théorie de M. Bauer est que le récit historique d'Hérodote n'a été directement consulté par Diodore que dans quelques passages.

11 cite, entre autres, ce détail que donne Diodore : « On grava sur la pyramide le montant des sommes dépensées pour fournir aux ouvriers. des légumes et des raiforts, et l'inscription indique que l'on a dépensé plus de seize cents talents. » Ce renseignement n'a pu, dit M. E., être emprunté qu'à Hérodote : « On grava sur la pyramide, en caractères égyptiens, combien on a dépensé en raiforts, en oignons et en aulx à l'usage des ouvriers; et celui qui m'interpréta cette inscription m'a dit, autant que je m'en souviens, que cette dépense se montait à seize cents talents d'argent '. » Mais Diodore n'est-il pas allé lui-même en Egypte, n'a-t-il pas vu la pyramide, un guide ne lui aura-t-il pas traduit l'ins cription? Peut-on admettre, d'ailleurs, que les voyages des Grecs en Egypte étaient si rares que Diodore n'ait pu consulter d'autre relation que celle d'Hérodote? De tous les rapprochements auxquels se livrent MM. Bauer et Evers, il résulte seulement qu'il y a des ressemblances entre Hérodote et Diodore; il y a aussi des différences: il se peut que Diodore ait consulté Hérodote; il est très possible qu'il y ait entre eux un ou plusieurs intermédiaires. Conclure de ces ressemblances qu'Hérodote est l'autorité de Diodore, et de ces différences que Diodore a travaillé avec indépendance sur les auteurs qu'il a consultés, c'est construire une conjecture sur une hypothèse. Il y a du danger à vouloir prouver coûte que coûte. Il fallait se borner à mettre en relief le travail acharné et l'étendue des connaissances de Diodore; il fallait aussi insister sur ses frivolités et ses négligences. Le seul rôle qui convienne à l'avocat du « plus pitoyable des scribes * », c'est de plaider les circonstances atténuantes, et elles ne manquent pas.

Camille JULLIAN.

237. Der Koelnische Krieg von Max Lossen. Erster Band : Vorgeschichte (1868-1881). Gotha, Perthes, 1882, xvΙ, 780 p. 8°. Prix : 15 fr. 75.

Tandis que la réforme allemande a trouvé de nombreux historiens, qui nous ont raconté son développement politique et religieux, jusqu'à la paix d'Augsbourg; tandis que la guerre de Trente-Ans a rencontré plus de narrateurs encore et voit leur nombre s'accroître de jour en jour,

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la période intermédiaire, qui va de 1555 à 1568, n'a été traitée jusqu'ici que d'une façon passablement dédaigneuse par les érudits allemands en quête de sujets.

Il n'y a point lieu de s'en étonner outre mesure. Comme toutes les époques de transition, c'est une époque d'un intérêt médiocre, pour qui veut rester à la surface. La lutte entre les deux églises s'y poursuit d'une façon continue, mais secrètement d'abord, pour ainsi dire, et même quand les conflits ouverts reprennent après une vingtaine d'années de tranquillité relative, la lutte reste sans éclat, les personnalités marquantes font défaut de part et d'autre et l'attraction de la grande lutte trentenaire empêche l'historien de s'arrêter, autant qu'il le devrait peutêtre, à ces stations intermédiaires de l'histoire germanique. On en connaît quelques points culminants, la rébellion de Guillaume de Grumbach, la question d'Aix-la-Chapelle, la lutte dans l'archevêché de Cologne, la guerre des évêques en Alsace, au sujet du siège de Strasbourg, la question de la succession de Juliers, et voilà tout. Et, quand nous disons qu'on connaît ces questions, l'on peut dire que la plupart ne sont encore connues que par à peu près, et que les recherches scientifiques nécessaires pour approfondir le sujet, sont encore à faire dans bien des cas. Les quatre volumes de M. Ortloff sur les querelles de Grumbach, la publication de M. Ritter sur la question de Juliers, dans la série des Documents relatifs à la guerre de Trente Ans, édités sous les auspices de l'Académie de Munich, montrent pourtant que, depuis quelques années déjà, l'attention se porte sur ces dernières années, si longtemps négligées, du xvre et sur les premières du xvire siècle. On a compris que la paix de religion de 1555 ne fut pas une paix, au sens véritable du mot, mais tout au plus une trêve, mal observée, des deux parts, et que les origines de la grande lutte du xvire siècle remontent bien au-delà de la rébellion de Bohême. Il faut donc s'orienter à neuf dans ces querelles théologiques souvent obscures, dans ces longues et âpres rivalités entre les familles régnantes du protestantisme allemand qui faciliteront si singulièrement la tâche à la réaction catholique. Parmi ceux qui se sont le plus pénétrés de la nécessité de ces études, on doit compter assurément l'auteur du présent volume. M. Max Lossen avait débuté autrefois dans la littérature historique par une intéressante étude sur l'occupation de Donauwoerth par la Bavière, en 1611, OCcupation qui fut l'un des signes précurseurs de la tempête générale qui devait éclater bientôt. Depuis de longues années, le nom de l'auteur n'avait plus été prononcé; nous apprenons aujourd'hui pourquoi. Voici dix ans que M. L., suivant les conseils de M. le professeur Cornelius, de Munich, son maître, s'était mis à l'étude de la guerre de Cologne, c'est-à-dire de la lutte qui s'entama autour de ce siège archiepiscopal, après l'avènement de Gebhard Truchsess de Waldbourg et après sa conversion aux doctrines réformées. Cette étude, il l'a poursuivie de la façon la plus approfondie; aujourd'hui encore, ce n'est que l'introduction

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