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vouloir bien présenter à Sa Majesté en lui montrant le petit envoi qui accompagne le livre et qui est à la première page.

Ce n'est pas tout, monsieur, et c'est ici qu'il faut encore que le nom de M. d'Argenson parle pour moi. J'ajoute à cet énorme paquet deux exemplaires d'un livre sur la philosophie de Newton... Mon projet était de voir sa cour1 quand j'étais à celle de Berlin. Mais je n'ai pu avoir cet honneur et j'ai été réduit à l'admirer de loin. Soyez persuadé, monsieur, que je conserverai toute ma vie la reconnaissance que je devrai à vos bontés. Je suis, etc.

A cette première lettre était jointe celle-ci.

VOLTAIRE.

A Paris, 16 juin 1745.

Depuis ma lettre écrite, monsieur, j'ai pensé que si vous daignez vous charger de présenter à Sa Majesté impériale la Henriade et le poème sur la bataille de Fontenoy, que je prends la liberté de lui adresser, vous aurez sans doute la bonté de lui parler de moi. Mon nom ne lui est pas absolument inconnu. puisqu'on m'a assuré qu'elle prenait quelque plaisir à voir représenter mes pièces de théatre, et c'est probablement, monsieur, une obligation que je vous ai. Je me flatte donc que je pourrais vous en avoir encore une autre. J'ai écrit, il y a quelques années l'Histoire de Charles XII. [Texte conforme jusqu'à :]

Ma façon de penser me détermine plus vers cet empereur que vers le roi de Suède. Le premier a été un législateur, il a fondé des villes et, j'ose le dire, son empire. Charles XII a presque détruit son royaume. était un plus grand soldat, mais je crois l'autre un plus grand homme. Texte de 1807.

Ma façon de penser me détermine vers cet empereur qui a été un légis lateur, qui a fondé des villes et, j'ose le dire, son empire.

Si la digne fille de l'empereur Pierre le Grand... [Textes conformes.] Texte de Lemontey.

Voilà bien des grâces, monseigneur, que j'ose vous demander, la première fois que j'ai l'honneur de vous écrire. Mais elles regardent toutes le progrès des arts et la gloire de plus d'un grand homme en est l'objet. Je vous réitère, monseigneur, ma très respectueuse reconnaissance.

V.

Lemontey avait évidemment copié cette lettre aux Archives du minis tère des affaires étrangères qui lui avaient été ouvertes par les ordres de Napoléon Ier.

La minutie même des remarques que je soumets à l'auteur et à mes lecteurs est la meilleure garantie, je pense, des éloges que mérite ce premier volume. Lorsque les fonctions diplomatiques de M. B. lui auront permis de nous donner les tomes II et III, l'ensemble constituera une mono

1. Celle de l'impératrice Elisabeth.

graphie bibliographique qui ne se ressentira en rien de l'aridité habituelle à ces sortes de travaux. Il n'est peut-être pas, en effet, une seule pièce de théâtre, un seul conte en vers ou en prose, une seule de ces minces brochures que, durant vingt années, la manufacture de Ferney, selon le mot de Grimm, répandit par le monde, qui n'ait été pour l'auteur la cause de luttes, de terreurs puériles ou justifiées, et, disons-le, de mensonges. Une bibliographie raisonnée de Voltaire, c'est donc, à proprement parler, l'histoire même de sa vie; remercions M. Bengesco de nous la faire relire, car cette histoire, cent fois contée et toujours nouvelle, ne laissera jamais indifférents ni les adversaires ni les admirateurs du patriarche ».

Maurice ToURNEUX.

CORRESPONDANCE

A M.

GASTON PARIS

MON CHER DIrecteur,

Voulez-vous me permettre quelques observations en réponse à votre article sur mes Contes slaves (Revue critique du 2 octobre)? Mon seul but, dans le volume auquel vous avez bien voulu vous intéresser, était de donner une idée du conte populaire chez les différents peuples slaves, de présenter une sorte de florilegium où les idiomes les plus divers seraient représentés au moins par un ou deux spécimens. Je suis loin de nier l'intérêt du recueil comparatif dont vous esquissez le plan; mais ce recueil eût pu difficilement entrer dans le cadre restreint tracé par l'éditeur; et, d'autre part, c'eût été un travail de plusieurs années pour lequel le loisir me fait absolument défaut en ce moment. Le domaine des études slaves est immense; je suis obligé d'être à la fois linguiste, voyageur, archéologue, historien, mythographe et folkloriste. Permettez à un vieux et salva modestia - laborieux collaborateur de la Revue, d'invoquer une fois de plus l'adage: Vita brevis, ars longa. D'ailleurs, vous l'avouerai-je? en ces matières si neuves et si délicates, je me défie de moi-même et je crois qu'il convient à un novice d'être très réservé. Si je me suis trompé dans le choix de mes contes, ce n'est qu'à la suite d'hommes fort compétents, et je m'empresse de m'abriter derrière eux. La Fille du doge a été arrangée par feu Siegfried Kapper, qui était un des plus fins connaisseurs de la littérature serbo-croate. Je l'ai traduite d'après sa version tchèque - la seule que je connaisse. Les détails que j'ai supprimés eussent été absolument inintelligibles pour le lecteur français; le narrateur s'amuse à faire parler russe à un Cosaque, magyar à un Hongrois, etc... Le Berger et le dragon est cité comme conte populaire non-seulement dans le recueil slovaque auquel je l'ai emprunté, mais encore dans le recueil tchèque intitulé Perly czeské, Prague, 1855, recueil au

quel des folkloristes comme Erben ont collaboré. Les notes qui l'accompagnent dans cette édition insistent même sur certaines superstitions slovaques que je n'ai pas eu l'occasion de contrôler moi-même, n'étant jamais allé dans la Hongrie septentrionale. Quant à Blanche Neige, c'est, dites-vous, un prétendu conte russe et une fiction de lettré. Voici ce qui résulte de mes recherches. Sniegourka (mot intraduisible qui vient de Snieg, neige) a été d'abord publié par Maximovitch, un des fondateurs du folklore russe; il a été reproduit ensuite par Erben, un excellent mythographe, dans son recueil de cent contes slaves, ouvrage classique s'il en fut. Afanasiev, dans son grand ouvrage de folklore comparé (Vues des Slaves sur la nature, 3 vol. in-8°, Moscou, 1868), s'occupe, à plusieurs reprises, de ce personnage. Tome II, p. 497, il est appelé Sniejevinotchka (Neigeotte?), rattaché à un mythe solaire; plus loin, pp. 639-641, Afanasiev donne deux variantes de notre conte, dont l'une est celle de Maximovitch, et il compare Sniegourka au Schneekind de la mythologie de Grimm. Suit l'interprétation du conte. Vous voyez donc que si je me suis trompé ici, c'est en bonne et nombreuse compagnie. Il serait bien étrange, d'ailleurs, que la neige ne jouât pas un rôle dans le folklore d'un peuple qui vit avec elle la moitié de l'année.

En ce qui concerne le Petit Poucet russe, votre traduction et la mienne diffèrent sur quelques points. Il en est un sur lequel je confesse volontiers un péché d'omission; un autre sur lequel je ne me sens pas suffisamment éclairé. Il s'agit d'un mot, suivant vous bien rabelaisien, mais pour lequel aucun dictionnaire ne fournit de suffisante explication. Je tenais d'ailleurs à donner ce conte, bien que traduit autrefois par vous, pour offrir une idée aux lecteurs de ma chrestomathie de la façon dont certains sujets étaient traités par le folklore russe. Il est des choses classiques qui se répètent fatalement dans toutes les chrestomathies.

Agréez, je vous prie, etc.

L. LEGER.

M. Leger m'assure qu'il n'a pas inventé les contes dont je lui ai reproché l'admission, mais qu'il les a pris dans des recueils slaves; c'est précisément ce que j'ai dit, en regrettant qu'il n'ait pas appliqué à ces recueils une critique assez sévère. Que le personnage de Sniegourka soit populaire, je n'en doute pas, mais que le conte traduit par M. Leger ait été recueilli dans le peuple, je n'en crois rien, et je suis sûr qu'une enquête ouverte à ce sujet mettrait le fait hors de doute. Dans un recueil aussi restreint que celui de M. Leger, il valait mieux ne pas admettre des contes déà traduits en français, et il est fâcheux de constater, dans la traduction du Petit Pow cet, l'omission au moins d'un trait intéressant. Le mythographe, mis en métiance, n'osera pas se servir des versions de M. Leger pour établir la classification des formes d'un conte. Je renouvelle le vœu que notre savant collaborateur nous donne bientôt quelque nouveau recueil de contes slaves, conçu et exécuté d'une manière tout à fait scientifique.

G. P.

CHRONIQUE

FRANCE. Le XXXIIme volume de la « Bibliothèque orientale elzévirienne »> publiée par l'éditeur Ernest Leroux est intitulé L'encre de Chine, son histoire et sa fabrication, d'après des documents chinois traduits par M. Maurice JAMETEL, élève de l'Ecole spéciale des langues orientales vivantes (xxx et 94 pages, avec vingt-sept gravures d'après des originaux chinois, 5 fr.). M. J. a traduit dans ce volume le Manuel élémentaire du fabricant d'encre de Chine, par Chen-ki-souen, de Sou tchéou (1398); ce Manuel est une véritable rareté dans la littérature chinoise, et « son esprit, l'absence complète de recherche dans son style, l'attention que prend son auteur à énumérer toutes les phases de la fabrication sans omettre aucun détail rappellent bien plutôt les conceptions positivistes de l'Europe moderne que les rêveries philosophiques de l'Asie ». Il est vrai que l'ouvrage de Chen-ki-souen manque de méthode et offre parfois des obscurités; mais M. J. a changé l'ordre des paragraphes, pour rendre le traité moins diffus, et reproduit sans changement les passages obscurs, afin de conserver, autant que possible, le texte original dans son intégrité. Il a, en outre, dans son introduction, fourni de curieuses informations sur la partie historique du sujet, complètement laissée de côté par Chen-ki-souen; il a consulté les principaux traités sur l'encre de Chine écrits par les érudits chinois et en donne un court résumé.

– La « Bibliothèque slave elzévirienne » que publie le même éditeur, s'est enrichie d'un quatrième volume, dont nous rendrons prochainement compte; il renferme la relation de la Missio moscovitica ou de la mission en Russie du P. Antoine Possevino, chargé par le pape Grégoire XIII en 1582 de rétablir la paix entre Ivan le Terrible et le roi de Pologne Batory, et de ramener la Moscovie au catholicisme; le texte de cette relation est édité par le P. PIERLING qui y a joint un index et un commentaire.

L'éditeur Klincksieck vient de publier un volume nouveau dans sa « collection à l'usage des classes »; c'est la traduction, par M. O. RIEMANN, d'un opuscule de M. H. SCHILLER sur les Mètres lyriques d'Horace d'après les résultats de la critique moderne (1883, Iv et 80 pp.). Cet opuscule formera un complément utile de la Métrique grecque et latine de M. Lucien Müller dont la traduction a été récemment publiée, dans la même collection, par M. Legouěz. M. Riemann juge les théories de M. H. Schiller souvent bien hypothétiques, mais il lui semble que la manière de scander les vers d'Horace, exposée par M. H. Schiller, est toujours préférable à la manière traditionnelle; « il y a avantage à faire connaître aux élèves une explication des mètres d'Horace qui est intéressante, qui forme un ensemble logique et bien coordonné, qui, enfin, au point de vue pratique, est plus simple et plus facile à retenir que la manière ordinaire, assez compliquée et assez confuse, de scander ces mètres ». M. Riemann a d'ailleurs ajouté quelques notes aux passages principaux où il ne partageait pas d'avis de M. Schiller; il a fait précéder sa traduction de quelques notions élémentaires de musique appliquées à la métrique.

- Le volume que M. Jules LOISELEUR vient de publier sous le titre « Trois énigmes historiques » (Plon. In-8o, xin et 324 pp. 3 fr. 50) et dont nous comptons parler prochainement, est consacré à la préméditation de la Saint-Barthélemy (pp. 1133; M. L. s'attache surtout à répondre aux arguments de M. Bordier et ne croit nullement à un « vaste plan d'extermination concerté avec l'Espagne, médité, préparé sans relache pendant tant d'années »; à l'affaire des poisons (pp. 135-224); M. L. essaie de « fournir aux lecteurs un fil qui puisse les conduire dans les dédales

de l'immense procédure dont cette affaire fut l'objet, de dresser un tableau d'ensemble des principales incriminations, de dégager le rôle joué par M. de Montespan dans ces ténébreuses manœuvres et de préciser la part qu'elle prit à certains attentats médités ou accomplis contre ses rivales et contre Louis XIV lui-même » ; au masque de fer (pp. 225-322), « problème beaucoup plus curieux qu'important » et où « il n'y pas d'autre mystère que celui qui pesait indistinctement sur tous les prisonniers soumis au secret absolu; stimulée par l'étrangeté de ce masque, précaution moins anormale qu'on ne le suppose généralement, l'imagination populaire, en concentrant sur une seule tête des particularités propres à divers prisonniers, a revêtu du caractère légendaire un de ces drames obscurs si fréquents dans les anciennes prisons d'Etat. »

Le tome XIII des Archives de la Bastille, documents recueillis et publiés par M. Fr. RAVAISSON, conservateur adjoint à la Bibliothèque de l'Arsenal (Pedone-Lauriel. In-8°, 11-259 p. 10 fr.) est consacré aux années 1711 à 1725 et comprend par conséquent les dernières années du règne de Louis XIV, la Régence et les neuf premières années du règne de Louis XV. Parmi les documents que renferme ce tome, on remarquera ceux qui sont relatifs aux janénistes, aux libellistes, aux personnages impliqués dans la conspiration de Cellamare, etc.

Le P. Emile REGNAULT, de la Compagnie de Jésus, a réuni en deux volumes les articles qu'il avait publiés dans un recueil périodique de Lyon, les « Etudes religieuses, philosophiques et littéraires » sur Christophe de Beaumont, archevêque de Paris, 1703-1781 (chez Lecoffre).

Un volume nouveau de la « Nouvelle collection illustrée » publiée par la librairie Léopold Cerf, a paru : l'Arménie et les Arméniens, par M. J. A. GATTEVRIAS, élève diplômé de l'Ecole des langues orientales. Le volume raconte, en huit chapitres, l'histoire de l'Arménie; le ve chapitre (pp. 67-79) est relatif à l'invention de l'alphabet arménien par l'évêque Mesrob, aux « premiers traducteurs », disciples de Mesrob et du patriarche Sahag, à la littérature et aux écrivains de l'Arménie. Dans l'appendice on remarquera l'exposé, d'après le lazariste Eugène Borey, de la doctrine de l'église arménienne et l'historique des causes qui ont provoqué sa séparation de l'église romaine (pp. 121-129) et quelques pages relatives aux mékhitaristes et aux études arméniennes, en Europe et en France (pp. 135-141).

La librairie Hachette a publié des Eléments d'économie publique, par M. Emile de LAVELEYE (In-8°, Iv et 297 p.). Ce traité élémentaire, destiné à l'enseignement, s'écarte assez souvent de la marche habituellement suivie; M. de Laveleye a rattaché intimement son sujet à celui des autres branches des « études humanitaires » (philosophie, morale, histoire, géographie); il a joint à l'énoncé de chaque principe un exemple, un fait, une maxime; il a développé particulièrement les chapitres qui traitent de problèmes importants et débattus chaque jour, du socialisme, du crédit, des crises commerciales et de la population. L'ouvrage est divisé en quatre livres : 1. Notions préliminaires. II. La production des biens. III. La répartition et la circulation des biens. IV. La consommation des biens.

On annonce la publication prochaine d'un ouvrage posthume de Proudhon, Le

césarisme et l'histoire.

- L'Académie des beaux-arts a mis au concours le sujet suivant : « Etude sur les maîtres graveurs français du xvir siècle depuis Jean Morin et Pierre Pesne, jusqu'à Gérard Audran inclusivement. Etablir leur importance relative par des indications. biographiques, par la succession chronologique de leurs travaux, et par les carac tères de leurs talents. >>

Le Musée de Cluny vient d'acquérir de belles tapisseries de haute lice qui dé

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