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veur de sa thèse, et dans le second qui est intitulé « Le canon du Nouveau Testament et le fragment de Muratori, » et dans lequel il examine et combat des opinions émises dernièrement sur ce sujet par M. A. Har· nack (dans la Zeitschrift für kirchl. Geschichte, t. III, p. 358 et suiv., et t. IV, p. 595 et suiv.); il la défend et la développe par de nouvelles considérations.

Ces deux mémoires sont-ils destinés à jeter quelque nouvelle lumière sur la question, jusqu'ici fort obscure, du mode de canonisation des divers écrits du Nouveau Testament? C'est possible; mais rien ne paraît pour le moment moins certain. M. N.

220. - J.-N. MADVIG. L'état romain, sa constitution et son administration, traduit par Ch. MOREL, Paris, Vieweg, 1882, t. Ie, in-8o de xx-296 p. (contenant les chapitres I, II, III, pages 1-279 de l'édition allemande).

En annonçant ce livre, la Revue critique' a transcrit les passages de la préface où M. Morel exposait les règles qu'il a suivies dans sa traduction. Il s'est efforcé avant tout d'alléger le style, de débarrasser la langue de l'auteur. L'allemand du premier traducteur de M. Madvig était singulièrement pénible et lourd : le français de M. Morel a toute la souplesse, toute la vivacité désirable; le livre se lit sans fatigue et sans ennui, ce qui est le principal mérite d'une traduction.

M. M. a rejeté au bas des pages les renvois, les citations, les explications d'une certaine étendue. Dans l'original, elles se trouvaient presque toujours intercalées dans le texte. La traduction a sur lui l'avantage qu'elle permet de suivre la succession des idées de l'auteur, sans être arrêté par les digressions et les développements complémentaires. L'apparatus scientifique est tout entier conservé, mais il se trouve mis à sa vraie place. M. M. a donc fait, et avec le plus grand soin, une besogne indispensable pour le lecteur français et fort utile à l'ouvrage même.

Enfin, M. M. a ajouté quelques notes au texte de M. Madvig. Ea principe, on ne rend pas le traducteur responsable des opinions ou des erreurs qu'il traduit, et il n'est nullement tenu à réfuter les unes et à relever les autres. Mais la publication de ce livre est destinée moins à nous faire connaître les théories de M. Madvig qu'à offrir au public français un manuel d'institutions romaines aussi exact, aussi complet que possible: M. M. a donc bien fait d'assumer la tâche d'ajouter à la pensée de l'auteur ou de la rectifier. Seulement, les notes qu'il a mises sont-elles bien celles que l'on était en droit d'attendre, et ont-elles toutes une égale utilité et la même valeur ?

Les annotations qui s'imposaient tout d'abord au traducteur, M. Madvig les avait presque indiquées dans sa préface: « On pardonnera à l'auteur, dit-il, de n'avoir pas toujours cité les sources de la même façon

1. No du 31 juillet 1882.

(que la science allemande) et de n'avoir pas fait vérifier... si telle ou telle inscription citée d'après d'autres sources a déjà trouvé place dans le Corpus inscriptionum. » « J'ai complètement renoncé, dit-il ailleurs, à citer les ouvrages modernes; de pareilles indications... m'eussent obligé à une polémique continuelle contre des assertions à mon sens erronées ou sans utilité... Bien qu'en thèse générale je me sois abstenu de citer les auteurs modernes, je n'ai pu m'empêcher en quelques endroits de rappeler des opinions opposées aux miennes... Naturellement ces observations, lorsqu'elles ne concernent pas des erreurs remontant à des temps plus éloignés, sont le plus souvent à l'adresse de Niebuhr et de Mommsen. » La tâche que M. Madvig a dû négliger n'aurait certes pas été indigne du traducteur. Il aurait pu, à côté des inscriptions mentionnées d'après Orelli-Henzen et Wilmanns ou des textes cités d'après une ancienne numérotation, ajouter la numérotation du Corpus ou des éditions allemandes modernes : ce qui ne demande pas trop de temps, quoi qu'il en paraisse au premier abord. Il était inutile, évidemment, de dresser, à propos de chaque question, une bibliographie détaillée : « de pareilles indications, dit M. Madvig lui-même, se trouvent ailleurs en abondance, surtout dans Marquardt, » et M. M. a eu raison de s'en abstenir. Mais on eût aimé, quand M. Madvig combat telle ou telle théorie de M. Mommsen ou de Niebuhr, à savoir l'endroit précis où cette théorie se trouve exprimée, à rencontrer dans la traduction les renvois de détail que l'auteur n'a pas eu le temps de nous fournir. De même, lorsque M. Madvig critique les faiseurs d'hypothèses qui s'étendent sur les institutions militaires de la royauté, qui cherchent à établir une théorie du justitium, quand il combat les opinions de quelques savants modernes sur l'ordre équestre, il eût été aisé de dire quels étaient ces savants, de mentionner, ne fût-ce que par un renvoi, les livres où se trouvent ces hypothèses. En un mot, on aurait pu compléter l'instrumentum du livre, ce qui aurait rendu service à l'auteur, puisqu'il s'excuse de ne l'avoir point fait et qu'il pourrait en profiter pour une nouvelle édition; on aurait surtout aidé les lecteurs de ce manuel : tout en se nourrissant de la pensée de M. Madvig, ils auraient eu entre les mains les moyens de connaître celle de ses adversaires. C'est ce genre de notes dont nous regrettons l'absence dans la traduction de M. Morel.

Passons aux notes qui s'y trouvent. Les unes sont destinées (p. 1x) « à faire mieux comprendre la pensée de l'auteur. » De celles-ci, quelquesunes expriment des idées trop générales et dans une forme trop voisine du texte qu'elles sont chargées de commenter, pour n'être point superflues. « Les anciens ne connaissaient pas d'autre forme de l'état que celle de la cité, » dit en note M. M.; l'auteur ne dit guère autre chose et se sert presque des mêmes termes : « Comme chez les Grecs, l'état ne comprenait (chez les Romains) que la ville et sa banlieue ». Dans d'autres,

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1. P. 16, n. 1; de même, p. 10, n. 2; p. 23, n. 2; p. 34, n. 2; p. 171, n. 10; P. 144, n. 28; p. 185, n. 22.

M. M. complète heureusement la pensée de M. Madvig, mais il ne cite point les textes ou les ouvrages de seconde main qui expliquent ou justifient son intervention. La plupart d'ailleurs de ces notes ont leur utilité; tantôt elles ajoutent aux citations faites par M. Madvig, d'autres, assez importantes, qu'il a cru devoir négliger : par exemple, des passages de la loi coloniale de Julia Genetiva 2, qui permettent d'intéressantes comparaisons entre la condition des sénateurs romains, et celles des décurions municipaux. Tantôt M. M. développe, à propos de certaines règles de droit administratif, les conséquences que M. Madvig n'a fait qu'indiquer. Ainsi, au sujet des assemblées populaires, M. M. insiste, avec une grande justesse, sur ce que, dans les votes, le résultat du scrutin ne dépendait pas essentiellement des suffrages individuels. Tel candidat pouvait être élu par la majorité des centuries ou des tribus sans avoir recueilli un nombre de voix personnelles supérieur à celui que ses adversaires avaient obtenue: il n'y a aucune comparaison à établir entre le système de suffrage « égalitaire », tel qu'on le pratique en France, et celui des Romains, qui, même aux plus beaux jours de la démocratie, continuait à donner aux votes des riches et des propriétaires, dans les comices centuriates et dans les comices par tribus, une influence prépondérante 3.

La seconde catégorie de notes est destinée, dit M. M., « à relever de lé gères erreurs de détail ». Or, nous ne trouvons qu'une seule erreur de fait mentionnée dans les notes de M. M. : « La ville de Malaga, dit-il, n'était pas (comme le dit M. Madvig), un municipe romain mais bien un municipe latin. » Est-ce donc là une erreur véritable? La latinité de Malaga n'est pas le moins du monde un fait incontestable et incontesté: sans doute, la plupart des savants y croient, depuis les habiles et curieuses recherches de M. Mommsen 5. Mais rien, absolument rien, dans la lex malacitana, ne la prouve d'une manière irréfutable: il ne serait même pas difficile d'y relever des indices qui autorisent la conclusion de M. Madvig. Ses adversaires pourront la traiter d'erronée : mais erreur et conclusion erronée sont choses toute différentes. M. M. relève chez M. Madvig un certain nombre d'idées qu'il croit faus ses ce sont cependant des opinions fort vraisemblables, et qui, en tout cas, peuvent être aussi bien soutenues que l'opinion contraire. M. Madvig

1. P. 25, n. 6 ; p. 34, n. 1; p. 64, n. 36; p. 68, n.. 13 (qu'est-ce qui justitie la correction complures nostris... auspiciis, Cincius dans Festus, p, 241, éd. Muller; cf. Mommsen, Staatsrecht, 1 (1876), p. 96, n. 1); p. 103, n. 4; p. 161, n. 25.

2. P. 158, n, 9; p. 207, n. 14; de même, p. 45, n. 4; p. 52, n. 43; p. 204, n. 21 p. 281, n. 38.

3. P. 278 et n. 25; p. 279 et n. 3o. M. M. n'aurait-il pas pu, cependant, mettre en note toutes ses observations? Le texte de l'auteur n'est-il pas inviolable?

4. P. 73, n. 31, M. M. parle d'une « double erreur ». La seconde erreur disparaît. si l'on admet, avec M. Madvig, que Malaga était une cité romaine.

5. Die Stadtrechte der latinischen Gemeinden Salpensa und Malaca in der Provinz Baetica, Leipzig, 1855, in-4.

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pense que le droit de cité sans suffrage» (civitas sine suffragio) excluait le jus conubii et le jus commercii; M. M. pense, au contraire, avec M. Marquardt et bien d'autres que la civitas sine suffragio «< conférait le conubium avec les citoyens romains ». Mais, comme nous manquons à peu près complètement de textes concernant la civitas sine suffragio, les deux opinions sont également plausibles. M. M. admet, dit une autre note, que dès Servius Tullius il y eut trente tribus, opinion qui s'appuie sur quelques auteurs anciens, mais qui, contredite par d'autres, est rejetée par la plupart des savants modernes ». Cette phrase semble donner tort à M. Madvig or, l'opinion de ce dernier a pour elle, cependant, Denys d'Halicarnasse et Varron, dont l'autorité est au moins égale à celle de Tite-Live, d'Aurelius Victor et de Paul Diacre; et, si ces derniers ont été suivis par Huschke et M. Mommsen, dont les idées ont été chaudement défendues par M. Belot 3, M. Madvig est de l'avis de Niebuhr et de Walter. M. M. condamne trop vite. Certes, il peut et il doit même, dans des discussions de ce genre, prendre la parole: nul n'a plus que lui le droit et les moyens de le faire. Mais il y a une différence entre plaider une cause et prononcer un arrêt. La traduction de M. Morel a sa place marquée dans toutes les bibliothèques de nos facultés de lettres et de droit, et elle ne sera pas déplacée même dans celles des lycées et des collèges. Il faut donc le remercier et le féliciter d'avoir entrepris une publication qui ne manquera pas d'avoir une sérieuse et durable influence sur l'érudition française, et, souhaitons-le aussi, sur notre enseignement secondaire. Une bonne part d'éloges revient à l'éditeur, M. Vieweg, qui en a été le promoteur, et qui a su donner au livre une élégance typographique qui en rend la lecture aussi agréable que facile.

Camille JULLIAN.

1. P. 51, n. 42; cf. p. 74, n. 36; Marquardt, Staatsverwaltung, 1, p. 29.

2. P. 111, n. 3; p. 112.

3. Huschke, Die Verfassung des... Servius Tullius, p. 73 sqq.; Mommsen, Die ræmischen Tribus, p. 6; Belot, Histoire des chevaliers romains, I, p. 41, et p. 394 sqq.

4. Niebuhr, Rom. Gesch., I, p. 462; Walter, Gesch. d. rom. Rechts, 28, I (1861), p. 46.

5. M. M., dans son étude sur le jus Latii, 1, 8, omet de citer le passage de Gaius relatif au majus et au minus Latium, passage déchiffré en 1868, par M. Studemund (Gaius, 1, 97). « Il est singulier, dit en note M. M. (p. 76, n. 47), qu'une découverte aussi importante... ait pu échapper aux deux principaux savants qui se sont occupés de la question, M. Marquardt (Ræmische Staatsverwaltung, I, p. 57) et M. Madvig. » Il n'est nullement prouvé que M. Madvig ait ignoré ce texte et ne l'ait pas négligé à dessein, puisqu'il cite Gaius et les passages les plus récemment déchiffrés. D'autre part, M. Marquardt le cite et le commente longuement, précisément à la page 57 de la seconde édition (1881) de sa Rœmische Staatsverwaltung, la seule que j'aie sous les yeux.

000.

Philipp der Grossmüthige von Hessen und die Restitution Ulrichs' von Wirtemberg, (1826-1838) von Dr. Jakob WILLE, Universitaets-Bibliothekar in Heidelberg. Tübingen, Laupp, 1882, VI, 345 p. 8°. Prix : fr. 50.

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Les travaux détaillés ne manquent pas sur l'histoire du Wurtemberg, On peut même dire qu'il est peu de territoires allemands dont la litté rature historique soit aussi riche en ouvrages de mérite. Dès le siècle dernier, les nombreux volumes in-quarto de Sattler ont réuni une quantité de documents considérable sur la période traitée par le jeune bibliothécaire de Heidelberg. Ranke a examiné en détail l'histoire de la réintégration du duc Ulric dans le duché dont une sentence impériale l'avait banni, dans le troisième volume de sa belle Histoire de l'Allemagne au xvi° siècle. Les historiographes spéciaux de nos jours, Staelin, Heyd, Kugler, Ulmann, Rommel dans son Histoire de Philippe de Hesse, Bucholz dans l'Histoire de Ferdinand Ier, avaient apporté chacun son contingent de renseignements nouveaux et parfois contradictoires, au sujet en question. Néanmoins le travail de M. Wille est loin d'être inutile. Cela tient, d'une part, aux pièces diplomatiques, encore inconnues, qu'il a su trouver dans les archives de Munich, de Weimar et surtout de Marbourg, d'autre part, à la façon dont il a conçu le plan de son ouvrage. Ce n'est pas tant le fait même du retour d'Ulric dans ses états et l'histoire de la campagne heureuse qui se termine par le traité de Cadan, en 1534, qui l'occupent le plus. Il a traité ces faits comme un épisode dans les combinaisons plus vastes auxquelles se livrait en ce moment le chef intellectuel, sinon officiel, de la ligue de Smalkalde, le landgrave Philippe de Hesse. Les années de 1526 à 1538 sont, on le sait, la période militante, par excellence, des états protestants de l'Allemagne, qui, menacés sans cesse de la colère de Charles-Quint, devaient essayer tout naturellement de s'unir et de se liguer au dehors avec les ennemis de l'empereur et avec les amis de la foi nouvelle. C'est à Philippe que revient surtout l'honneur d'avoir tenté cette alliance universelle des adhérents aux dogmes nouveaux, qui, constituée d'une façon durable, aurait brisé, dès le xvie siècle, la force de la maison de Habsbourg, Charles-Quint se rendait parfaitement compte du danger qui le menaçait. Sa diplomatie ne cessa de travailler à brouiller entre eux les éléments nécessaires à la fixité d'une ligue pareille. Les querelles entre luthériens et réformés le servirent à merveille, et le triomphe de sa politique triomphe momentané seulement, il est vrai — fut d'amener un instant les luthériens de l'empire à partir en guerre avec lui, contre François Ier, qui s'était offert à les secourir autrefois. Dépité de se voir abandonné par eux, le roi de France les abandonna lui-même, à son tour, quand Charles-Quint détruisit la ligue de Smalkalde en 1546 et 1547, et Philippe de Hesse vit ainsi s'écrouler d'une façon définitive les grands projets qu'il avait conçus. Le volume de M. W. ne nous amène point jusqu'à cette catastrophe de la ligue protestante. Il nous

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