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collection Clairembault, à la fin du volume intitulé Madame de Hautefort. M. C. a tenté de donner une explication de la partie politique de ċes lettres, laquelle avait paru inintelligible à Cousin, et, sans prétendre avoir dissipé toutes les obscurités, il a pu se flatter à bon droit d'avoir saisi le sens des principaux passages de ces documents où l'on n'avait bien nettement vu, avant lui, que l'expression des sentiments passionnés de la reine pour le cardinal. L'interprétation des Lettres d'Anne d'Autriche, certaine sur deux points (la conduite du garde des sceaux Mathieu Molé à l'égard des quatre conseillers au parlement de Paris exilés, puis rappelés, et la négociation de l'évêque de Saintes avec le comte du Daugnon), ingénieuse, mais hypothétique sur un troisième point (la lieutenance de roi du gouvernement de la Fère à enlever à Manicamp), cette interprétation, dis-je, fait le plus grand honneur à la sagacité de M. Chéruel, et montre une fois de plus que les futurs historiens de la France ne pourront, pour tout ce qui regarde l'époque de Mazarin, suivre un meilleur guide que lui.

T. DE L.

217..— Christian Gottfried Kærner, biographische Nachrichten über ihn und sein Haus, aus den Quellen zusammengestellt von Dr. Fritz JONAS. Berlin, Weidmann, 1882. In-8°, 406 pp. 5 mark.

M. Jonas a voulu écrire la biographie de ce Christian Gottfried Körner qui fut l'intime ami de Schiller et le père de Théodore Körner (le chasseur de Lützow et l'auteur de Leier und Schwert). Il divise naturellement son livre en chapitres, mais il a le tort de ne pas donner de titre à aucun de ces chapitres, et de ne pas même dresser une table avec des sommaires; nous le ferons donc à sa place. Dans le premier chapitre (pp. 1-38), M. J. raconte l'enfance et la jeunesse de son héros, ses études universitaires, ses fiançailles avec Dorothée Stock, son enthousiasme pour les premières œuvres de Schiller, et l'amitié qui l'unit de loin avec le jeune poète de Mannheim; le re chapitre (pp. 38-56) retrace les relations de Schiller et de Körner à Leipzig et à Dresde, et le шe (pp. 57-79), la vie et les études de Körner à Dresde depuis le départ de Schiller à Weimar jusqu'à l'année 1790 où il est nommé « Appellationsrath>; le ive (pp. 78-125) est consacré aux jugements de Körner sur Goethe, Humboldt et ses contemporains et à ses lettres à Schiller qui sont sans contredit ce qu'il a écrit de mieux et de plus important » (p. 99); la jeunesse de Théodore et l'intérieur de la famille Körner font l'objet du ve chapitre (pp. 126-174); le vr° (pp. 175-255) expose la vie fougueuse et un peu folle que Théodore, après avoir quitté l'école des mines de Freyberg, mena à l'Université de Leipzig, son séjour à Berlin et à Vienne, l'éveil de son génie poétique, ses premières œuvres lyriques et dramatiques; le vir chapitre (pp. 256-348), sa haine patriotique

contre les Français, ses aventures dans le corps franc de Lützow, ses poésies guerrières et sa mort; dans le vi et dernier chapitre (pp. 349382), on voit Chr. G. Körner établi à Berlin et consacrant ses derniers jours à la musique, à la littérature et à ses fonctions de conseiller d'état. On lit avec intérêt l'ouvrage de M. J.; mais on pourrait lui reprocher d'avoir trop « laissé parler les sources elles-mêmes » (p. 387); son livre n'est pas un livre, à proprement parler, mais, pour emprunter son second titre, une suite de « nouvelles biographiques sur Körner et sa maison » ; il y a, dans le courant du récit, trop de lettres et de documents; M. J. s'est contenté de reproduire la correspondance de ses personnages au lieu d'en extraire ou d'en résumer les passages les plus importants. C'est ainsi qu'il ne nous décrit pas du tout l'intérieur de la famille Körner (pp. 145 sq.); il dit bien qu'il « sied de montrer au lecteur la mère, la tante Dora et la sœur Emma»; mais il se hâte d'ajouter qu'on connaîtra mieux ces personnages en lisant leurs lettres; suivent aussitôt ces lettres qui occupent près de trente pages; avouonsle, c'est rendre trop aisée la besogne du biographe. M. J. emploie la même méthode, si méthode il y a, dans le récit des années 1812 et 1813; ce récit n'est qu'une suite des lettres échangées entre Théodore, sa famille et son plus cher ami, son futur historien, Frédéric Foerster; et la plupart de ces lettres ne sont même pas reliées par quelques mots d'explication. Rien d'étonnant que Christian Gottfried Körner, dont le nom est le titre du volume et qui doit être le personnage marquant et le plus en relief, disparaisse parmi ces trop nombreux documents; il est constamment rejeté dans l'ombre; l'intérêt se concentre dans la première partie du livre sur Schiller, dans la seconde, sur Théodore Körner. Encore, dans la première partie, les rapports de Schiller et de Chr. G. Körner ne sont-ils pas aussi nettement, aussi profondément marqués qu'on le voudrait; on apprend bien que Körner exerça sur son ami une grande influence, mais cette influence n'est pas assez longuement exposée; M. J. n'a pas tout dit sur cet important sujet qui exige d'ailleurs des connaissances philosophiques, et trop souvent il se borne, là encore, à reproduire des passages connus de la correspondance des deux amis. Et dans la seconde partie, était-il si nécessaire de raconter les escapades de Théodore à Leipzig et de tant insister sur les épisodes de sa vie de franc-tireur? Puisque le livre est consacré au père et non au fils, il fallait nous montrer toujours au premier plan Chr. G. Körner; ce n'est pas l'impétueuse ardeur et le bouillant patriotisme de Théodore que M. J. devait nous exposer; il eût mieux valu retracer et mettre en pleine lumière sans citer si complaisamment les lettres de Théodore à Mme de Pereira - l'indignation que ressentait le vieux Körner, les conseils qu'il donnait à son fils et où se mêlent le père et le patriote, les avis courageux qu'il donnait au peuple allemand dans ses Deutschlands Hoffnungen, etc. Tout cela, je le sais bien, se trouve dans le livre de M. J., mais perdu et comme noyé au milieu des lettres de Théodore,

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de Forster et d'autres. Le loyal et savant Saxon est ainsi éclipsé par tout son entourage; pourquoi M. J. n'a-t-il pas, au moins, analysé et apprécié ses ouvrages et opuscules, au lieu de n'en donner ordinairement que le titre ? Il renvoie, dans les dernières lignes de son volume, à la publication récente de M. Ad. Stern (C. G. Körners gesammelte Schriften. Leipzig, Grunow); mais le devoir du biographe n'est-il pas de joindre au récit de la vie de son héros l'appréciation de ses oeuvres? L'ouvrage de M. J. a cependant une assez grande valeur ; les documents qu'il reproduit sont intéressants; quelques-uns sont tirés des revues et de recueils peu connus; d'autres, appartenant au Körnermuseum (papiers de Foerster), à deux familles de Berlin, Streckfuss et Parthey, et à M. Ulrich, sont inédits; on remarquera surtout les jugements que Körner a portés sur Schiller, Goethe et les écrivains de son temps, la lettre dramatique où Forster raconte que, la nuit, dans les rues de Dresde, au milieu d'un tourbillon de neige, il a indiqué à Napoléon, revenant de sa désastreuse campagne de Russie, la maison de l'ambassadeur français, M. de Serra, et la lettre où le même Forster

1. P. 217, ligne 5, lire nach ihrem (et non « nach ihren »>).

2. P. 258, déjà imprimé dans la Deutsche Pandora (Stuttgart, 1840, I, pp. 3-86). « A mon écriture tremblante tu reconnaîtras dans quelle agitation je t'écris, et je me demande encore si ce que j'ai vu était une illusion de la nuit ou la réalité. Il était une heure du matin; je courais vers le pont de l'Elbe, à pas rapides, poussé par un tourbillon de neige; car, comme tu sais, je demeure dans la Ville Neuve. Devant la maison du docteur Segert, j'entends des jurons en allemand et en français; un postillon soufflait dans son cor comme s'il y avait le feu. Malgré la bourrasque je m'avance curieusement et je vois l'ami Segert en robe de chambre et en bonnet de nuit, regardant à la fenêtre; il criait : « Ce n'est pas chez moi, moi je suis le docteur Segert et vous cherchez M. Serra ». Il ajouta en allemand, mais vertement et à sa façon : « Que diable, laissez-moi tranquille pendant la nuit et n'exigez pas que j'aille faire le métier de messager par vingt-cinq degrés de froid! » 11 ferma la fenêtre, et le bonnet de nuit disparut. Alors du traîneau, on m'appela, et comme je savais déjà ce que demandaient les voyageurs, je dis : « N'est-ce pas ? Vous cherchez l'hôtel de l'ambassadeur français, M. de Serra? Suivez-moi! » C'était ce qu'ils désiraient, et comme Serra demeure juste au coin dans la Kreuzgasse au palais Loos, j'arrivai bientôt, suivi du traineau, à l'endroit souhaité. Aussitôt un domestique ou quelque esprit officieux se dégagea des chancelières et agita avec violence la sonnette de l'ambassadeur, comme s'il appartenait lui-même à la maison. Le portier ouvrit; il y avait encore de la lumière en haut, et durant ce temps deux autres Moines bourrus, tout emmitoufflés, étaient sortis, dans leurs peaux de loup, des chancelières. Le premier était un homme vigoureux, imposant, mais il avait les mains et les pieds si raides et si gelés qu'il s'efforçait vainement de soutenir et d'aider à descendre son camarade encore plus gauche. A la fois par complaisance et par curiosité, je m'approchai et aussitôt l'homme de neige, tout froid, me met son gant sur l'épaule; il me sembla qu'un ours blanc m'avait touché de sa patte; le gant tomba, mais je soutins l'homme de mon bras et le conduisis à la porte. Celle-ci s'ouvrit; deux domestiques avec des bougies, l'ambassadeur lui-même, un candélabre dans la main, vinrent au devant de nous; la lumière tomba en plein, comme un éclair, sur le visage de l'étranger dont la main me retenait encore, mais on ne voyait que ses yeux et son nez. Je les reconnus aussitôt ces étoiles de feu, que j'avais vues au

écrit qu'il a rencontré à Meissen Goethe, coiffé d'une casquette militaire et enveloppé dans un manteau de général russe à collet rouge (pp. 293295). On a vivement critiqué la tiédeur apparente de Goethe pendant la « guerre de la délivrance »; M. J. raconte même, d'après Arndt, que Goethe avait dit alors au vieux Körner : « Secouez vos chaînes, vous ne les briserez pas, Napoléon est trop grand pour vous!» (p. 291), que Körner même trouvait Goethe très froid et fermé à toute espérance, etc. 1; le jeune Foerster croyait au patriotisme de Goethe; il s'approcha de la voiture et pria le grand poète, dont il regardait la rencontre comme un heureux présage, de bénir ses armes et celles de ses compagnons, les chasseurs noirs. « Je lui tendis fusil et couteau de chasse, il leva la main et dit : « Allez avec Dieu, et que le succès soit accordé à votre courage allemand >; nous criâmes encore une fois : « Vive, vive Goethe, le poète des poètes, et il partit en nous faisant un salut... En chemin, un vif débat s'engagea sur Goethe entre mes camarades et moi. Ils pensaient que Goethe n'était pas un poète populaire, le poète de la liberté et de la patrie. Mais je leur répondis: « Je ne connais pas d'enthousiasme plus élevé pour la liberté que celui d'Egmont; je ne connais pas de nature plus vigoureusement allemande que Goetz de Berlichingen; et si vous voulez savoir ce qu'il faut à l'Allemagne, souvenez-vous des beaux vers d'Hermann et Dorothée », et il cite le passage où Hermann déclare qu'il veut «< mourir pour la patrie et donner aux autres un digne exemple». Il faut louer la peine que M. Jonas a prise pour rassembler toutes les informations qui remplissent son livre, louer le soin avec lequel il a lu tout ce qui se rapporte à son sujet, louer sa consciencieuse exactitude et le choix des lettres qu'il a reproduites, car il a donné les plus instructives et les plus curieuses, et quelques-unes n'étaient pas connues avant sa publication. Néanmoins, son livre est moins une biographie qu'un recueil de lettres; il renferme des matériaux abon

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printemps dernier briller si souvent de très près; c'était l'empereur Napoléon dont la main était dans la mienne, et je puis dire maintenant que le destin de l'Europe s'est reposé une fois sur mes épaules. Ami, quelles pensées se pressent maintenant dans mon cerveau; il me semble avoir un mauvais rêve, comme dans un accès de fièvre. Le journal avec son vingt-neuvième et fatal bulletin est là sur ma table; la Grande Armée est anéantie, entièrement anéantie; hier seulement nous avons reçu la nouvelle. N'ai-je pas cru tout à l'heure tirer de mon manteau un poignard, et en criant : « Europe, je te donne la paix », l'enfoncer dans le cœur de l'ennemi mortel de la patrie et de la liberté? Mais non, Brutus, je ne t'envie pas ton action. César, tu tomberas, mais non sous la main lâche du meurtrier; nous voulons te combattre en loyaux chevaliers, te donner selon l'usage la juste mesure et partager également avec toi le vent et le soleil; ainsi s'accomplira sur toi le vrai jugement de Dieu! »>

1. Voir encore la lettre de Mme Kolhrausch à Mme Parthey (p. 292), d'après laquelle Goethe, ce « grand poète si peu allemand » aurait alors porté très ostensiblement l'ordre de la Légion d'honneur, ce « signe de honte » et reçu des soufflets de Colloredo; tout cela n'est évidemment que Klatscherei.

dants, mais trop peu mis en œuvre; on lui appliquera ce mot familier à la critique de son pays: Ein gutes, aber nicht gut angelegtes Buch.

CHRONIQUE

A. C.

FRANCE. M. Ph. TAMIZEY DE LARROQUE a fait paraître la 5e série de ses Correspondants de Peiresc; cette 5 série renferme des lettres inédites de Claude de Saumaise écrites de Dijon, de Paris et de Leyde à Peiresc, 1620-1637. (Dijon, Darantière. In-8°, 182 p. Extrait des Mémoires de l'Académie de Dijon; tiré à 120 exemplaires. On ne possède qu'un très petit nombre des lettres que le grand savant bourguignon écrivit au grand savant provençal; le recueil de Clément (Leyde. 1656) ne contient que cinq lettres de Saumaise à Peiresc. M. T. de L., après de longues recherches, en a seulement retrouvé quinze autres qui n'avaient pas encore été publiées et qui proviennent toutes du département des manuscrits de la Bibliothèque Nationale; il n'a rien découvert à la bibliothèque Méjanes, à Aix, et à la bibliothèque Inguimbert, à Carpentras, et cependant, que de lettres ont dû être échangées entre Saumaise et le « procureur-général de la littérature » du 2 février 1620, date du premier document inédit publié par M. T. de L. au 22 janvier 1633, date da second de ces mêmes documents? Les lettres qui voient le jour, grâce à M. T. de L.. sont remarquables par l'érudition que Saumaise se plaît à y étaler; « c'est avec une sorte de coquetterie qu'il déploie devant Peiresc toutes les ressources, tout le luxe de son prodigieux savoir; quelques-unes de ses lettres sont de véritables dissertations », on sait d'ailleurs la fécondité de Saumaise duquel, disait Gabriel Naudé, nous voyons tous les mois quelques gros livres. Dans un appendice (pp. 96-176 M. T. de L. joint à ces lettres, qui« traitent des sujets généralement bien ardus», des lettres d'un tout autre caractère, adressées par Saumaise à son ami Jacques de Puy; ces épîtres familières effleurent les matières les plus diverses; Saumaise y retrace ses aventures de voyage ou ses querelles, ses « coups de fleuret» avec Daniel Heinsius, il y cause des événements du jour, de la guerre en Hollande et en Bourgogne, de Descartes, de Grotius, de Ronsard (dont il dit, à propos de l'ode à la louange de l'Hospital: « noz poètes d'aujourdhuy qui le desprisent se mordroient bien les ongles avant que de pouvoir monter leur chanterelle si hault sans la rompre » (p. 150), etc. On remarquera parmi ces lettres souvent assaisonnées de malice et de sel bourguignon, et que M. T. de L. considère justement «< comme des fragments d'une attachante autobiographie », la plaisante histoire du Croate qui se fait élire à l'abbaye de Citeaux général de l'ordre par ses camarades assemblés en chapitre (pp. 145146), le récit du séjour de Saumaise à Brielle où il descend, sans le vouloir, dans « le plus infâme lieu de la ville » (pp. 158-161), de l'orgie du duc de Bouillon et de ses hôtes à la Haye (pp. 167-168), etc. L'éditeur a mis au bas des pages des notes instructives; il relève avec soin les expressions et les mots rares ou que le Diction naire de Littré et d'autres recueils n'ont pas cités : circonstancié et particularisé (p. 13), caocerver (p. 24), mettre en cervelle (p. 35, « le sieur Elichman me met er cervelle »), affamé (p. 75, lettre « qui ne peut estre qu'affamée », brève), pamer

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