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Certainement on ne reproduira jamais dans une édition tique tous les détails que doit noter un collationneur; il n'en est pas moins nécessaire, chaque fois qu'on est en présence d'un manuscrit important, d'en prendre une collation minutieuse. C'est ce que vient de faire M. Albert Martin pour le Panégyrique d'Isocrate, qui se trouve dans l'Urbinas CXI; « en négligeant seulement quelques détails secondaires de l'accentuation, de la ponctuation, etc. », et en insistant surtout sur la distinction des diverses mains qui, pour un certain nombre de leçons, n'avait jamais été faite.

M. M., après une brève description qui porte sur le nombre des quaternions et des feuillets, donne du manuscrit une histoire succincte, à la fois très claire et très probante; puis il aborde la description paléographique qu'il fait bien complète, d'après la méthode inaugurée par Ch. Graux à l'école des Hautes-Etudes en 1877. A ce sujet, nous adresserons quelques critiques au travail, d'ailleurs très consciencieux, de M. Martin. P. 9 : il dit que dans les notes marginales, dont l'écriture est l'onciale, on rencontre deux fois l'abréviation de 75; mais il n'en indique pas la forme qui, pourtant, aurait pu servir de preuve à son assertion, que ces notes sont dues à une main très ancienne. Même page: « Les mots sont coupés selon la paléographie; ainsi l'a, l'e, le o, let, etc., sont presque toujours rattachés à la lettre suivante; l't, l'o, le p, l'u ne le sont jamais. Je serais bien étonné que ceci fût vrai pour l'u, et que cette lettre ne fut pas rattachée à la suivante dans αὐτός, ὑπό, τούς, etc. P. 10: « L'encre est rousse ou noire; la distinction est très marquée; il y a des séries de feuillets tantôt avec l'une, tantôt avec l'autre de ces couleurs. » M. Martin paraît croire, si nous le comprenons bien, que le copiste s'est servi de deux encres différentes. Ce n'est pas impossible; cependant il est bon de se rappeler que la décoloration des encres à base de fer n'a pas lieu d'une manière uniforme dans les manuscrits. On voit quelquefois sur la même page des teintes bien tranchées sans qu'il y ait lieu de croire à l'emploi de deux encres. A certains feuillets l'encre est décolorée, à d'autres elle est bien conservée; quelquefois elle est devenue rousse au recto, tandis qu'au verso elle est restée presque noire, ou réciproquement. Un peu plus loin, page 28, en note, M. M. prévient qu'il compte comme une seule lettre la ligature e; il a raison, car ɛt n'occupe certainement que la place d'une lettre; seulement et n'est pas une ligature, mais un sigle. Nous signalerons encore trois fautes d'impression : p. 32, ἀγαγκασθεῖ μεν, βοοληθεῖμεν; p. 33, φλείασιος.

Dans la seconde partie de son travail, M. Martin, après avoir signalé quelques particularités paléographiques de l'Urbinas, discute certains

1. Cf. Rapport sur la section des sciences historiques et philologiques, 1877-78, pp. 6-7. Quand M. Martin a fait imprimer son ouvrage, Ch. Graux vivait encore; aujourd'hui qu'il n'est plus, M. M. ne nous saura pas mauvais gré de rappeler ce que son travail doit à celui qui fut notre maître à tous deux.

passages du Panégyrique en comparant les leçons nouvelles fournies. par sa collation avec les leçons vulgaires. Ces discussions sont conduites avec beaucoup de rigueur et de méthode.

Alfred JACOB.

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194. Cachets d'oculistes romains, par A. HÉRON DE VILLEFOSSE et H. THEDENAT. Tome I. Paris, 1882. In-8°.

MM. Héron de Villefosse et Thédenat qui, depuis quelques années, avaient publié, chacun de leur côté, des cachets inédits d'oculistes romains, et qui possédaient les empreintes de plusieurs autres, ont pensé qu'il serait utile de se réunir afin de les faire connaître, ainsi que les textes et les observations qu'ils avaient recueillis en travaillant isolément. Ils nous en avertissent dans un court avant-propos et ajoutent qu'ils ne considèrent le travail qu'ils viennent de faire paraître que comme des notes. Ils auraient dû ajouter qu'elles ne sont pas moins étendues que variées, et que, pour être aussi nourries que les notes les plus savantes, elles n'en ont pas la sécheresse. Telle a été certainement la pensée de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres quand elle a récompensé ce travail, tout récemment.

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Le tome premier, le seul qui ait encore paru, contient 18 cachets d'oculistes, tous trouvés en France, à l'exception d'un seul dont la provenance est ignorée; ces cachets nous révèlent 17 noms d'oculistes, la plupart inconnus, ainsi qu'un certain nombre de maladies et de remèdes nouveaux dont, soit dit en passant, il est regrettable de ne pas trouver une liste dans les tables. C'est, sans doute, une omission volontaire qui sera réparée dans le deuxième volume.

Le grand mérite de ce livre consiste dans les mille détails qu'il renferme; il nous est donc impossible ici de suivre les auteurs pas à pas : ce serait d'ailleurs plutôt l'affaire d'un médecin que d'un archéologue; nous nous contenterons de leur présenter trois observations :

1° Afin, sans doute, d'éviter l'aridité, les auteurs ont cru devoir ajou ter parfois de nouvelles observations lorsqu'ils rencontraient le nom d'une maladie ou d'un remède dont ils avaient déjà parlé : nous n'en citerons qu'un exemple, mais nous pourrions en signaler d'autres. On lit, page 91 « Diasmyrnes. Grotefend a indiqué les principaux textes des médecins anciens, concernant le collyre diasmyrnes, nous n'avons pas à y revenir »; et page 165: «Diasmyrnes. Nous avons déjà rencontré ce collyre sur le cachet de Poitiers : nous allons compléter ici les quelques lignes que nous lui avons consacrées à cette occasion. » Suivent six pages de développements qui, nous semble-t-il, auraient été plus à leur place à la page 91. Cette méthode n'est pas sans créer quelque embar ras à celui qui voudra se servir, pour des recherches, de ce livre si

utile.

2o Pp. 98 et suiv. Des trois hypothèses que proposent les auteurs pour expliquer le mot har paston (collyre harpaston), il nous semble que la première seule est admissible, grammaticalement.

On ne saurait, en effet, faire du mot áρracτév « un adjectif dérivé de harpax comme harmation de harma ». 'Apñaoτós n'est pas un adjectif, mais le verbal en τος du verbe ἁρπάζω. "Αρπαξ, au contraire, est un adjectif formé de la racine άpray, et qui signifie celui qui prend. Comment donc, avec un corps qui signifie preneur, l'ambre ou tout autre, formerait un collyre qui signifierait pris? On comprend aussi très bien qu'on nomme harpax un emplâtre qui prend rapidement; on ne voit pas comment on pourrait appeler un collyre harpastos, parce qu'il aurait la propriété d'être mordant. Nous ferons, du reste, observer que appátiov ne nous semble pas être ici un adjectif formé de äppa, mais le diminutif de ce mot. C'est ainsi, d'ailleurs, qu'Aetius l'a compris puisqu'il dit : áppátiov, id est currus», comme le constatent les auteurs eux-mêmes. 3o P. 102. Que le collyre Foos soit le même que le collyre Fos, c'est, je crois, ce qui ne peut faire de doute pour personne. Mais les formes poétiques ou plutôt dialectales pawg et gówg n'ont peut-être pas besoin d'être invoquées à l'appui de ce fait. Foos ne serait-il pas la transcription pure et simple du grec çue par un graveur qui aura voulu rendre sensible la longue «<»> en répétant deux fois la brève « oo »?

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R. CAGNAT.

195. Histoire littéraire du midi de la France, par MARY LAFON. Paris, Reinwald, 1882, 8o, xш-421 pages, Prix : 7 tr. 50.

On a dit souvent qu'il n'y avait si mauvais livre dont on ne pût tirer quelque profit. Nous croyons toutefois que le livre de M. Mary-Lafon devra être considéré comme l'une de ces exceptions dont on dit qu'elles confirment la règle, car nous ne voyons pas ce qu'on pourrait tirer d'un ouvrage où il n'y a pas un fait nouveau, pas une recherche originale, et dont on ne pourrait citer une page qui ne contînt quelque grosse bévue. Aussi voulons nous simplement, en l'annonçant ici, mettre en garde les lecteurs qu'un titre prétentieux pourrait attirer. Dans cette prétendue Histoire littéraire du Midi de la France, 70 pages sont consacrées à la littérature latine jusqu'au x siècle environ. Le lecteur se rendra suffisamment compte de la portée et du style de ce chapitre, en jetant les yeux sur les premières lignes de la table analytique des matières : « Gaule et Rome, p. 1. Les Flatteurs du chef, p. 2. - Poésies gauloises, p. 3. - Chants ibériens, p. 4 1. L'oiseau joli chanteur, p. 5. Le tour

(1

1. On voit que M. Mary-Lafon n'est guère au courant des travaux qui ont démontré le peu d'ancienneté des chants « ibériens» (cf. Revue critique, 1866, art. 199 le compte-rendu de la dissertation de M. Bladé sur les chants héroïques des Basques). Mais de quoi est-il au courant?

« de la terre, p. 8. Rhéteurs massaliens, p. 9. La main impie, p. 12.

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« Les champs bien aimés, p. 13. Le Fils de l'Aude, p. 14 '..... » Le reste du volume traite de la littérature (en fait, de la poésie seulement) en langue vulgaire, depuis les troubadours jusqu'aux felibres, qui sont assez maltraités. Mireio elle-même, la gracieuse et idéale création de Mistral, ne trouve pas grâce devant l'« historien» de notre littérature méridionale: « Quel intérêt — je vous le demande peuvent inspirer <«< ce vannier pieds nus (le Vincent de Mireille), grossier comme ses cor«beilles, et cette paysanne rougeaude, brûlés tous deux par le soleil, et «sentant l'ail et l'huile rance?» (p. 372). J'avoue que je ne m'étais jamais représenté Mireille rougeaude ni brûlée par le soleil, et j'aime mieux Vincent pieds nus qu'en bottines vernies, mais poursuivons. Les 350 pages ou environ que l'auteur a consacrées à la poésie du midi, ne sont guère qu'une suite de citations médiocrement choisies, traduites le plus souvent en vers (et quels vers!) et accompagnées d'observations dont le lecteur peut déjà soupçonner la portée. Il n'y a dans tout cela aucun ordre quelconque. Du reste, tout classement, soit par matières, soit par ordre chronologique, était interdit à un homme qui ne sait de la littérature provençale que le peu qu'on en savait il y a cinquante ans. Ainsi, M. M.-L. ne soupçonne même pas l'existence des poèmes de la Guerre de Navarre, de Guillaume de la Barre, de Daurel et Beton. Il ne connaît, pour Girart de Roussillon, que le ms. incomplet de la Bibliothèque nationale, et ignore, par conséquent, que le début de ce poème est publié et même traduit (Revue de Gascogne, 1869) depuis longtemps, d'après le ms. d'Oxford. Il en est encore à croire que Ferabras appartient en propre à la littérature provençale. Aucun des nombreux travaux qui ont, par des voies diverses, mis hors de doute la date relativement récente des poèmes vaudois, n'est parvenu jusqu'à lui, et à ses yeux, comme pour Raynouard, la Nobla Leyczon est un poème du xr° siècle. Il ignore ou feint d'ignorer l'existence de la nouvelle édition de la chanson de la Croisade albigeoise, qui a modifié considérablement les idées courantes sur ce poème historique, dont il ne dit rien de ce qu'il y avait à dire. Il ne sait rien de l'ancien théâtre religieux du Midi, rien des découvertes récen tes (voy. Romania, VIII, 481-508) qui ont été faites sur la source de la vie de saint Honorat. Il cite (p. 235 et suiv.) comme étant du xve siècle, des poésies qui sont tirées des Leys d'amors, et par conséquent ne peuvent être postérieures à la première moitié du xive siècle. Il parle du Breviari d'amor pour dire que Dante y a puisé l'idée de la Divine Comédie. Quant aux fautes innombrables dont textes et traductions sont parsemés, je n'en dirai rien, ayant eu l'occasion, il y a une quinzaine d'années, de montrer ici-même de quels contre-sens M. M.-L. est capable quand il se mêle de traduire du provençal. En somme, il n'y a dans

1. C'est P. T. Varro.

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2. Revue critique, 1868, II, pp. 136 et 319.

cette mauvaise compilation pas un fait qui soit exact, pas une idée qui soit juste. Le pis est que l'auteur prétend donner comme une œuvre originale ce qui n'est en réalité, comme je viens de le dire, qu'une mauvaise compilation. Il affecte de citer (souvent peu exactement) les manuscrits, mais on ne voit pas qu'il en ait rien tiré qui ne se trouve dans les éditions, principalement dans Raynouard et Rochegude, qu'il se garde bien de citer. Dans Raynouard, M. M.-L. ne parle que pour écrire cette phrase qui mérite une mention : « S'il eût possédé les moyens d'instruc«<tion indispensables pour expliquer la formation de la langue des trou«badours, je veux dire le grec, les idiomes germaniques et l'arabe, << M. Raynouard n'eût jamais connu de rival dans ce genre. » Si, pour être sans rival « dans ce genre », il faut savoir le grec, je crains bien que M. M.-L. reste notablement au dessous de Raynouard, qui du moins n'eût jamais tracé l'extravagant assemblage de lettres grecques qu'on peut voir au bas de la p. 2 de l'« Histoire littéraire de M. MaryLafon.

« Le livre aujourd'hui publié date de longtemps, » nous dit l'auteur au début de la préface. « J'avais dix ans lorsque l'idée m'en vint. » Il y est resté beaucoup de la conception première.

P. M.

196. Molières Tartuffe, Geschichte und Kritik, von Wilhelm MANGOLD, Oppeln, Maske. 1881. In-8°, vi et 239 p.

Le travail de M. Mangold sur le Tartuffe est un des meilleurs travaux qu'on ait publiés en Allemagne sur notre grand comique. M. M. a consulté toutes les études antérieures qui ont trait à son sujet, et nous ne croyons pas qu'il en ait négligé une seule, depuis la Critique du Tartuffe jusqu'au travail du Russe Wesselovsky, jusqu'à l'étude de M. Legouvé sur Scribe. M. M. connaît bien la littérature du XVIIe siècle, et il cite avec à-propos des passages tirés des auteurs de l'époque et qui éclairent d'une vive lumière certains de ses jugements. Dans un premier chapitre, il expose très brièvement la vie de Molière, l'influence qu'a exercée Gassendi sur le grand comique (mais qui, à notre avis, ne ne s'est pas manifestée dans le Tartuffe), les vues de Molière sur la religion et la morale; il consacre quelques pages sur le clergé de l'époque, aux jésuites, aux jansénistes, etc. Dans le deuxième chapitre, M. M. expose le sujet du Tartuffe; il rappelle les œuvres où l'hypocrite joue un rôle, celles auxquelles Molière a sans doute pris quelques traits, etc.; il insiste principalement sur le Montufar de Scarron, il énumère les diverses allusions que Molière aurait faites à certains personnages de l'époque. Le in chapitre, où M. M. s'est, avec raison, inspiré surtout de l'excellente notice de Despois-Mesnard, est consacré à l'histoire du Tartuffe (e représentation des trois premiers actes, opinions pour et contre

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