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Huet; Vers inédits de Fléchier; Note sur la maison de Fléchier à Pernes; Notes sur la famille de Caumartin; Le Conseil d'Etat dans l'ancienne monarchie; Notes sur deux vers de Boileau; Note sur le Parlement de Paris; Notes sur MM. des Grands Jours; Lettre de Fléchier à M. de Baville.

Soit par l'intérêt du récit, soit par la richesse des documents, les deux volumes de M. l'abbé Fabre méritent l'honneur d'être rapprochés des deux volumes de Victor Cousin sur la société française au XVIIe siècle 1. Espérons que l'excellent critique nous donnera prochainement ce travail sur Fléchier orateur qu'il nous promet dans son Avant-Propos et qui achèvera de nous faire connaître l'homme dont le talent fut assez grand pour que Fénelon, en apprenant sa mort, pût s'écrier: « Nous avons perdu notre maître!2 »

T. DE L.

p. 139) s'étend, à propos de la liaison du doux Fléchier avec Huet, le roi des opiniátres, sur l'amitié de Brutus et de Cicéron.

1. Le brillant écrivain n'aurait pas désavoué certaines pages de la Jeunesse de Fléchier, surtout les pages vraiment éloquentes où M. l'abbé F. repousse les attaques dirigées contre le siècle de Louis XIV (pp. 332-335).

2. Les taches sont rares dans le livre de M. l'abbé Fabre. Je voudrais effacer l'illogique expression dans un but qui reparaît souvent et qui brille pour la première fois au bas de la page 12 (note 2) : « Dans un voyage que nous avons fait dans ce but à Narbonne... » Parmi les autres petites négligences, citons une malencontreuse répétition (p. 134): « Nous croyons volontiers qu'avec le temps il s'établit, entre l'académicien vieillissant [Chapelain] et l'auteur des Grands jours, une intimité véritable, qui paraît, d'ailleurs, assez bien établie. » Il y aurait une faute plus grave à relever (t. II, p. 356, note 2), si le nous nous en rappelons bien, n'était pas une évidente faute d'impression. Quand M. l'abbé F. dit (t. I, p. 23) que le véritable nom de Richesource était « J. Soudier Escuyer », il a l'air de croire que le mot Escuyer faisait partie du nom de l'homme au galimatias. Escuyer est le titre que prenait le marchand de leçons d'éloquence sur lequel je citerai une récente publication de M. Revillout, professeur à la Faculté des lettres de Montpellier, Un maître de conférences au milieu du xvâ® siècle. Jean de Soudier de Richesource (Montpellier, 1881, in-4o de 100 pages, publication à laquelle notre savant collaborateur M. Defrémery, en la présentant à l'Académie des Inscriptions (séance du 16 décembre 1881), a donné cet éloge: « Une des monographies les plus complètes, les plus piquantes et les plus exactes publiées depuis longtemps sur l'histoire littéraire du xvIIe siècle. » Il est incontestable que Conrart ne savait ni le latin ni le grec. Ce n'est donc pas l'occasion de dire, comme le fait M. l'abbé F. (p. 11): « Nous voilà dans une grande perplexité. » Aux preuves déjà données ici Compte-rendu de l'ouvrage de MM. Ed. de Barthélemy et R. Kerviler, no du 4 avril 1881, p. 269), j'ajouterai cette citation tirée par M. l'abbé F. des Mémoires de Huet: « Je fis en outre la connaissance de Valentin Conrart, « rare et singulier exemple d'une réputation littéraire acquise sans la moindre teinture de l'antiquité. - Je crois pouvoir répondre à une question de M. l'abbé F. (p. 136): oui, le manuscrit des douze derniers chants de la Pucelle conservé à la Bibliothèque nationale (F. F. no 15002) est bien l'exemplaire qui, des mains de Fléchier, passa dans celles de Huet. Je crois pouvoir aussi répondre à une autre question qu'il pose au sujet de M. Graindorge, nommé dans une lettre de Fléchier (p. 144) Ce personnage est sans aucun doute André Graindorge, docteur en médecine, mort le 13 janvier 1676, l'auteur du Traité de l'origine des macreuses

»

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179. — Une famille de finance au XVIII' siècle. Mémoires, correspondance et papiers de famille, réunis et mis en ordre par M. A. DELAHANTE. Deuxième édition. Paris, Hetzel, 1881. 2 vol. in-8°.

M. Delahante, en écrivant ce livre, travaillait seulement pour quelques parents et amis; plus tard il s'est décidé à publier à grand nombre l'ouvrage d'abord imprimé à peu d'exemplaires et on doit le féliciter sincèrement de cette résolution. Ce n'est pas que son œuvre soit irréprochable; loin de là. On y trouve beaucoup de longueurs et on y regrette de nombreuses et importantes lacunes. M. D., en rééditant son premier travail, aurait pu supprimer avec avantage de longs passages, qui n'ont aucun intérêt pour les personnes étrangères à sa famille et aurait facilement réduit en un seul ces deux gros volumes; son livre y aurait beaucoup gagné. En outre, M. D., comme la plupart des gens du monde, qui sur le tard se font historiens, n'est pas au courant de la science; il découvre longuement des choses connues depuis longtemps et il passe rapidement sur des faits qu'on serait curieux de connaître; en revanche, il n'omet rien de ce qu'il peut trouver sur ses ancêtres, quand bien même cela ne serait pas intéressant. Mais le sentiment, qui a mis la plume à la main de M. D., est trop respectable pour que nous insistions plus qu'il ne convient sur ses défauts de méthode, et que nous lui reprochions plus longtemps de s'être un peu trop attardé en chemin. D'ailleurs il est toujours important pour les historiens et pour les économistes de pouvoir suivre les progrès d'une famille considéra

et de divers autres ouvrages mentionnés dans les Mémoires de Huet et dans les Lettres de Chapelain. Une note bien sèche sur les frères de Boileau (pp. 187-188) aurait pu, du moins, renvoyer le lecteur à une étude très substantielle et très spirituelle de M. Gaston Bizos, professeur de littérature française à la Faculté d'Aix : Les frères de Boileau-Despréaux (Aix, 1880, grand in-8o de 123 pages). M. l'abbé F. se trompe en annonçant que le second volume des Lettres de Chapelain nous donnera les lettres écrites de 1640 à 1674, époque de la mort de l'auteur. Il oublie que le recueil manuscrit légué par Sainte-Beuve à la Bibliothèque nationale est incomplet et que nous n'avons pas les lettres comprises entre 1640 et 1659. — Parlant des Lettres de Montauzier à Huet, il en loue le ton poli, spirituel et enjoué, ajoutant : « le Misanthrope avait parfois de très agréables sourires.» Je ne pense pas que l'on puisse identifier Montauzier avec l'austère héros de Molière. Enfin (p. 207), M. l'abbé F. nous montre Montauzier épousant Julie-Lucine d'Angennes le 16 juillet 1645. J'en appelle sur ce point de M. l'abbé F. à M. l'abbé F. lui-même qui, quelques pages avant, avait ainsi donné la véritable date (p. 191) : « On sait avec quelle constance Montausier aima Mlle de Rambouillet. Venu à l'hôtel de Rambouillet vers 1631. il aima dès cette époque la fille de la célèbre marquise, et, toutefois, le mariage n'eut lieu que quatorze ans après, le 13 juillet 1645. Cette date est indiquée par M. Cousin (la Société française, vol. II, p. 45; par M. Amédée Roux, p. 61). Ducreux, dans sa notice sur Mme de Montausier et dans celle de M. de Montausier, fixe à tort le 16 juillet (Œuvres complètes de Fléchier, vol. IV). Née en 1607, Mlle de Rambouillet avait 38 ans, quand elle se maria; de son côté, Montausier en avait 35 il était né en 1610. Tallemant a donc raison de le dire: Ç'a été un mourant d'une constance qui a duré plus de 13 ans. Ce fut là une longue et rare fidélité, qui méritait bien d'être récompensée. » Cette dernière réflexion n'est-elle pas digne de l'abbé Fléchier

ble à travers plusieurs générations, et les travaux de ce genre sont encore trop rares pour que la critique ne tienne pas le plus grand compte de leurs efforts aux hommes qui s'imposent la besogne souvent aride de mettre en œuvre à l'usage du public leurs papiers de famille.

Le véritable fondateur de la famille Delahante fut un modeste praticien, qui vint fixer sa résidence à Crespy-en-Valois au commencement du xviie siècle. Fils d'un pauvre chirurgien de campagne, chargé de famille, il n'avait aucune fortune pour l'aider à ses débuts dans la vie, mais à force d'énergie et de travail, il parvint à se faire une bonne position. Notaire à Crespy en 1700, ensuite procureur au présidial, il était chargé de rendre la justice dans plusieurs seigneuries établies près de cette ville, et il fut en outre, pendant de longues années, directeur des fermes de l'apanage du duc d'Orléans pour le département du Valois.

Ce cumul, dont M. D. s'étonne fort, n'était pas extraordinaire; tout au contraire, c'était la règle. Les gens de loi étaient fort nombreux dans les petites villes; mais les charges de judicature étaient encore beaucoup plus nombreuses. Par contre, elles ne rapportaient à leurs détenteurs que de maigres profits, du moins légalement, et pour vivre les malheureux praticiens se disputaient les procès et les justices; procureurs ou avocats à la ville, ils étaient juges dans un village et greffiers dans l'autre et malgré tout ils étaient, en général, fort besoigneux. On connaît les plaintes qu'excitaient de tous côtés les juges de village et l'usage que la comédie a fait de ce type; il faut convenir que la réputation détestable de ces officiers était souvent plus que justifiée. Tel n'était pas le cas du juge Delahante; il était regardé par tout le monde comme un homme un peu rude et dur, mais fort honnête et, en mourant, il laissa à chacun de ses enfants une modeste aisance. Un de ses fils entra dans les bureaux des Fermes-Générales; l'aîné suivit la carrière paternelle; gruyer et ensuite maître des eaux et forêts de Valois, il mourut très jeune, laissant un fils, qui fut adopté par son oncle paternel et devint son adjoint à la Ferme-Générale.

La vie du fermier général Jacques Delahante et celle de son adjoint et neveu Etienne-Marie, tous deux parvenus à cette haute fonction après avoir été petits employés et après avoir franchi tous les degrés de l'échelle administrative tient la plus grande place dans l'histoire de leur famille et est de beaucoup la partie la plus curieuse de cet intéressant ouvrage. Cependant il ne faudrait pas y chercher une étude complète et exacte sur les Fermes-Générales au XVIIIe siècle: ainsi on n'y trouve rien sur les aides et sur le domaine; les renseignements sur le mécanisme de la perception des autres impôts indirects sont rares et tout à fait insuffisants et le tableau de l'administration des Fermes, tel que le trace M. D., est peu exact et très incomplet. Cependant le livre de M. D. est, par certains côtés, supérieur au travail de Pierre Clément sur les derniers fermiers généraux et est le meilleur ouvrage que nous ayons sur cette institution. Mais le défaut le plus grave qu'on puisse lui reprocher, c'est d'avoir

tenté une réhabilitation des fermiers généraux et de leur administration sans l'avoir appuyée sur des arguments sérieux et sur des faits nombreux et précis. Parce que les fermiers généraux Jacques et Etienne Delahante étaient des hommes fort compétents, arrivés à cette haute situation par leur mérite et par leur travail, cela ne prouve nullement que la plupart de leurs collègues fussent dans le même cas. Encore aujourd'hui les grandes compagnies financières, que M. D. se plaît à comparer aux Fermes-Générales, choisissent parfois pour administrateurs des hommes peu riches, mais rompus aux affaires et capables de faire aller la machine, qui sans eux craquerait de tous côtés. Pour justifier son opinion, M. D. aurait dû nous montrer que la plupart des fermiers généraux étaient des hommes instruits de leurs métier et soucieux de leurs devoirs. Afin de détruire la détestable réputation, qu'ils ont justement laissée, il aurait dû réfuter la mauvaise opinion que Turgot manifeste sur ces financiers dans sa lettre au roi à propos du bail de Laurent David. M. D. ne démontre pas plus clairement que la Ferme ne commet. tait pas, dans sa perception de l'impôt, les abus aussi nombreux que scandaleux, que les publicistes du siècle dernier et surtout les cours des aides, bien placées pour en juger, lui reprochaient si vivement; tout le monde connaît les célèbres remontrances rédigées par Malesherbes sur ce sujet de 1756 à 1770 et publiées en un volume in-4 en 1779. Parce que M. Delahante neveu réussit à augmenter le produit de la gabelle dans certaines provinces, par une meilleure organisation du service chargé de réprimer la fraude, cela n'est pas, comme le croit M. D. (II, PP. 99-102), une preuve péremptoire de l'indulgente administration des Fermes et cela ne suffit pas pour établir que les impôts indirects étaient perçus conformément aux lois et aux règlements sur la matière et surtout suivant les règles de l'équité et de la justice.

Quoiqu'il en soit, le livre de M. D. rendra de grands services à tous ceux qui s'occupent de l'histoire de nos institutions financières; ils y trouveront des renseignements curieux sur l'impôt du tabac et, en parti culier, sur la célèbre question du tabac râpé, dont M. Delahante aîné s'oc cupa avec tant d'ardeur et de persévérance pendant tout le temps qu'il passa dans les conseils des Fermes-Générales. Enfin, malgré ses lacunes et ses longueurs, le livre est intéressant et se lit toujours avec plaisir. C'est plus qu'il n'en faut, et il serait fort à désirer que tous ceux qui ont entre les mains de curieux papiers de famille suivissent l'exemple d'intelligente piété filiale, donné par M. A. Delahante, et fissent profiter de leurs documents le public et les historiens. Jules FLAMMERMONT.

180.

Lessings Emilia Galotti, nebst einem Anhange die dreiactige Bearbeitung, von Richard Maria WERNER. Berlin, Hertz, in-8°, 75 p.

On ne pourra désormais parler de l'Emilie Galotti de Lessing, sans avoir lu l'opuscule de M. R. M. Werner. L'auteur analyse successivement avec une très grande finesse, parfois un peu subtilement, les personnages d'Odoardo, d'Emilie, du prince, de Marinelli, etc.; un chapitre spécial, intitulé Virginie, étudie minutieusement la grande scène entre le père et la fille. M. W. conclut qu'Emilie Galotti est presque sans défaut; il y a toutefois un défaut qu'il ne reconnaît pas assez et qu'un juge excellent, M. Bossert, a déjà remarqué; c'est la trop grande rapidité de l'action; « elle est si rapide qu'elle laisse à peine au dialogue l'espace nécessaire pour se développer. Des scènes entières sont réduites à quelques lignes; et, si la pièce a un défaut qui lui nuise réellement, c'est son extrême concision». A cette suite d'analyses et d'ingénieuses considérations, M. W. ajoute, en appendice, un essai de « reconstruction » de la première version d'Emilie Galotti; la pièce était originairement en trois actes; M. W. s'efforce de la rétablir et de la reconstituer dans sa forme primitive; il a déployé dans cette tâche délicate beaucoup de sagacité; on remarquera surtout avec quelle habileté il a su retrouver la méthode même de Lessing, en s'aidant de la première esquisse de Nathan le Sage. Ce petit livre soulèvera certainement en Allemagne, parmi les acteurs et amateurs de théâtre, de vives discussions; tout le monde n'acceptera pas l'opinion de M. Werner sur le caractère de Hector de Gonzague, sur sa « démoniaque amabilité », sur sa virilité imposante », etc.; mais, par cela même que l'opuscule est anregend et fait naître une controverse utile, il se recommande déjà à notre attention.

C.

181.

Faust von Gœthe. Mit Einleitung und fortlaufen der Erklaerung hrgg. von K. J. SCHROER. Zweiter Theil. Heilbronn, Verlag von Gebr. Henninger. 1881, in-12, CI, 441 PP.

Dans sa préface M. K. J. Schröer parle des éloges que l'édition du << premier Faust » lui a valus, de la part des juges les plus compétents, comme Loeper, Bartsch, Fr. Th. Vischer. La publication de la seconde partie du chef-d'oeuvre de Goethe ne lui en méritera pas de moindres; il était difficile, en effet, d'aborder cette entreprise ardue après une préparation plus complète ou avec une connaissance plus approfondie du sujet : intelligence et critique du texte, recherche minutieuse de la formation lente et tardive de cette œuvre si merveilleusement étrange, tout se réunit pour faire de l'édition du « second Faust » un modèle de ce que doit être la publication d'un texte moderne.

1. Bossert, Goethe, ses précurseurs et ses contemporains, p. 79; 2o édition, Hachette.

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