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Clairambault ont surtout été consultés, sont fort intéressantes. On peut citer le procès-verbal (juin 1684) « qui dépeint au vif les mœurs et les usages de l'époque », des obsèques solennelles du jeune marquis d'Humières (pp. 10-12), une lettre de Louis au maréchal, du 21 août 1675 (pp. 23-24), un Etat de la dépense faite en la ville de Compiègne le 23 décembre 1677 au sujet des réjouissances de la prise de la ville de Saint-Ghislain en Flandre, par les armées du Roy, commandées par Monseigneur le maréchal d'Humières, gouverneur de ladite ville et château de Compiègne (pp. 27-28), l'acte de décès du maréchal, d'après les registres de l'église Saint-Martin de Monchy-Humières (p. 40), diverses lettres de ce gouverneur de Compiègne aux magistrats de la ville (pp. 59-60), etc.

Le recueil de M. de M. renferme encore une liste des gouverneurs attournés de Compiègne sous le gouvernement du maréchal d'Humières; les fac-similés des signatures du maréchal, de la reine Anne d'Autriche, de Louis XIV, de Charles de Valory, lieutenant de roi à Compiègne (1650), de Corneille de Gaya, major de Compiègne (1711), de François Richard de Gaya, major de Compiègne (1654), de Colbert (1669), du secrétaire d'Etat Guénegaud (1659), de Gaston d'Orléans (1650), de la maréchale de la Motte-Houdancourt, gouvernante des enfants de France (1667), etc.; une Table chronologique des documents inédits publiés ou signalés; un plan du gouvernement de Compiègne d'après l'Atlas de Tassin (1636); un portrait du maréchal (1688); un portrait d'une de ses filles, Julie de Crevant, duchesse d'Humières, reproduction du portrait gravé à la manière noire par P. Schenck'; une vue du château de Monchy-Humières, d'après le plan manuscrit de J. Charlot (Bibliothèque nationale); une vue du mausolée du maréchal conservé dans le même château 2, etc.

Je n'ajouterai rien aux observations adressées à M. de Magnienville avec tant d'autorité par M. Chéruel dans le Répertoire des travaux historiques contenant l'analyse des publications parues en France et à l'étranger sur l'histoire, les monuments et la langue de la France, et je me plais à reconnaître, comme le savant critique, que, lacunes et inexactitudes mises à part, le volume est recommandable par les documents curieux sur les anciennes institutions de la France dont il est rempli. T. DE L.

1. De ce portrait de la dernière fille du maréchal, de celle que Saint-Simon déclare avoir été belle comme le jour, il faut rapprocher la description, tracée dans la Galerie des portraits de M. de Montpensier, de la parfaite beauté de la maréchale, description citée par M. de M. (pp. 6-7).

2. On regrette que M. de M., à propos de ce monument en marbre blanc, nous montre le maréchal étendu sur cette froide couche. Qui nous délivrera donc des épithètes oiseuses?

3. Livraison de janvier 1882, pp. 127-128. On ne saurait trop se réjouir de l'apparition de ce nouveau recueil périodique, qui préparera pour l'avenir les éléments d'une complète Bibliothèque historique de la France.

100.

Zur Geschichte des orientalischen Krieges, von H. GEFFCKEN. Berlin, Paetel. 1881, in-82, vi-336 p.

L'ouvrage de M. Geffcken a pour objet de faire connaître la politique des puissances allemandes pendant la guerre de Crimée. Cette politique était très imparfaitement connue. M. G. l'a étudiée aux sources, mêlant à des recherches patientes et minutieuses les impressions personnelles et les souvenirs d'un ancien diplomate. Le sujet est fort important, car on voit se dessiner là dans leurs causes éloignées les événements qui devront plus tard modifier si profondément la carte de l'Europe; mais si c'est un sujet curieux, c'est un sujet ingrat. Il est difficile de donner de l'intérêt à une politique d'indécisions, de demi-mesures, de sous-entendus et de tâtonnements. M. Geffcken y est cependant parvenu. La clarté de son exposition, un sentiment très vif de la réalité, des rapprochements ingénieux, un art discret à signaler les conséquences des faits présents et leur liaison avec les faits à venir, rendent cette étude diplomatique d'une lecture aisée et souvent même attachante. Ajoutons que l'auteur qui a recueilli de piquants détails sur la cour de Napoléon III et sur ses idées politiques, s'exprime sur le compte de la France et des Français avec une modération et une courtoisie à laquelle nous ne pouvons qu'être très sensibles. Je recommande vivement ce livre aux historiens et aux diplomates ils ne trouveront nulle part ailleurs ce qu'il renferme. Je crois que s'il était traduit, il serait fort apprécié en France. A. S.

107. Discours parlementaires de M. Thiers publiés par M. CALMON. Paris, Calmann-Lévy, Tomes X, 632 p.; XI, 654 p.; XII, 670 p.

Ces volumes comprennent les discours prononcés de 1865 à 1870 et complètent la période de l'empire. 'Nous ne reviendrons pas sur ce que nous avons dit à propos des volumes précédents. Il suffit de constater que cette publication se poursuit dans les mêmes et excellentes conditions d'exécution.

VARIÉTÉS

Nouveaux manuscrits judéo-persans.

La Bibliothèque nationale possède un certain nombre de manuscrits persans écrits en caractères hébreux dont l'importance a été signalée, il y a une quarantaine d'années, par M. Munk (dans la Bible de Cahn, IX, 134-159). Ces manuscrits, au nombre de vingt (nos 70, 71, 90, 91, 97.

100, 101, 116-125, 127-130 du catalogue), contiennent des traductions de presque toutes les parties de la Bible et de quelques apocryphes (Tobie, Judith, Bel, Macchabées). Les manuscrits datent, en général, du xvre siècle; mais le fond même est beaucoup plus ancien; le ms. 127 contient un calendrier rédigé en 1591 de l'ère de Séleucus, c'est-à-dire 1280 de l'ère chrétienne, à l'époque où la dynastie mongole régnait en Perse. La langue est légèrement archaïque et, quoique néo-persane, contient nombre de mots et même quelques formes grammaticales qui ne se retrouvent que dans la langue ancienne. La plupart des particularités de langue relevées par M. Munk trouvent leur explication dans le pehlvi. Une lecture complète de toutes ces traductions fournirait d'utiles additions à la lexicographie de la vieille langue dans quelques cas, elles éclairent l'Avesta même (Mémoires de la Société de linguistique, IV, 218).

Les manuscrits de Paris n'offrent que des traductions et ne sont intéressants que par la langue 1; ils fournissent peu à l'exégèse: M. Munk a montré que les auteurs n'ont pas une tradition propre. Un seul manuscrit offre un intérêt pour le fond, c'est le ms. 129 qui contient l'histoire apocryphe de Daniel (Qissahi Daniel) publiée par M. Zotenberg. L'existence de ces traductions et de cet apocryphe pouvait laisser supposer que les Juifs de Perse avaient possédé une littérature propre. Une trouvaille faite récemment à Paris par notre ami M. Neubauer prouve qu'il en est ainsi. Il s'est procuré cinq manuscrits judéo-persans dont aucun, par un heureux hasard, ne fait double emploi avec les manuscrits déjà connus, et le contenu de quelques-uns prouve que cette littérature jusqu'ici assez négligée nous réserve plus d'une surprise. M. Neubauer a bien voulu me laisser visiter ces manuscrits: je n'ai pu qu'y jeter un coup d'œil très rapide : voici un résumé succinct du contenu de ces cinq manuscrits et des traits qu'ils présentent à première vue:

1° Petit vocabulaire incomplet des mots difficiles de la Bible, rangés dans l'ordre de la Bible. C'est une collection analogue aux collections de laazîm français, signalées par mon frère dans la Romania, I, 146. — Le manuscrit est très récent et incomplet : il n'a pas grande valeur et ne contient sans doute rien qui ne soit déjà dans les traductions.

2o Pentateuque, avec les Haphtaroth et les Psaumes: texte hébreu. Calendrier pour la fixation des fêtes, en persan, écrit en 1794 de Séleucus (1483), à Koum (Perse centrale). M. Neubauer estime ce manuscrit important pour l'histoire de la Massorah.

3o Manuscrit moderne (1807), 200 feuillets environ, de 20 à 22 lignes à la page, écriture rabbinique serrée. Contient : 1o un calendrier liturgique pour la lecture de la loi; 2o une traduction de l'Interprétation des

1. M. Munk a donné un spécimen d'Isaïe (le chapitre v); M. Neubauer en a publić

le chapitre LIII (The fifty third chapter of Isaiah. Oxford, 1876).

2. De cette source sort la traduction persane du Tousi (Constantinople, 1546).

songes de Hai Gaon (Ta'bîr nâmahi Hai Gaôn). C'est sans doute la traduction du Pitarôn Halômôth, attribué à Hai Gaon, un des derniers. Gaóns des communautés de Babylonie (969-1038), et imprimé à Ferrare en 1552; 3° un traité des antidotes (Kitâb qarbádî): cite un grand nombre de médecins grecs : quelques pages de distiques sur les aliments. Je n'ai point, dans cet examen sommaire, trouvé de nom d'auteur ni de traducteur : il existe à Paris (ms. 1128) une traduction hébraïque d'un traité des antidotes (aqrâbadhîn) de Jean de Damas.

4° Histoire sainte en vers persans. Manuscrit non paginé, de 250 feuillets environ, à 18 distiques par page : le mètre est celui de Vis et Râmîn. Les premiers feuillets manquent le premier chapitre qui soit complet appartient à l'histoire de Joseph (titre : Angîz kardani zanáni Misr Zuleika bar firistâdan Joseph ra bazindan u farmán burdani Zuleika les Egyptiennes poussent Zuleika à envoyer Joseph en prison, et Zuleika en donne l'ordre). Le dernier chapitre appartient à l'histoire de David: Firistâdani Hiram maliki Cîn sâvarîhâ u tuhfah bahr David; Hiram, roi de Chine, envoie dons d'hommage et présents à David. Rien n'indique que le poème finisse là.

Ces deux titres à eux seuls suffisent à nous apprendre avec quelle liberté l'auteur a traité son sujet : c'est la Bible, mise au goût des lecteurs de Firdousi et de Nizâmi. Zuleikha est le nom de la femme de Putiphar dans la tradition poétique des Musulmans : il y aura à voir dans quelle mesure la suit l'auteur juif, et peut-être y a-t-il là quelque lumière à attendre sur l'origine même et les formes premières de cette légende. Hiram est roi de Chine 2, parce que dans Firdousi tout grand roi d'Iran doit recevoir hommage des rois de Cîn et de Mâcîn. L'on est habitué à voir le nom de Hiram attaché à celui de Salomon plutôt qu'à celui de David: le point de départ de la légende de notre chapitre est néanmoins dans la Bible: Rois, I, v, 15. Il y aura à rechercher si l'auteur n'a pas utilisé des Midrashim.

5o Traduction des Psaumes (du psaume 1 au psaume 127). L'intérêt de ce fragment est double: d'abord en ce qu'il comble une lacune de notre collection parisienne où les Psaumes manquent; en second lieu, et surtout, par une notice placée en tête de la traduction et qui nous apprend qu'elle a été faite, avec une traduction du Pentateuque, pour le roi de Perse. Voici l'en-tête :

Beshimka rahmanâ u hananâ dar lughati ‘arab mî gûyand bism (illahi ra) hmâni varahimi dar lafthi pârsî benâmi Khudâi bakhshâyandah u mihirbân al kâl benâm i Khudâi bunyâd mê kunam dar nivishtan panj sifrâi tehilîm cunân kih dar..hân nivishtah shudah berâi hammelek haggadol kiblahi 'âlam shahanshâhî (sic) i rh (= yarûm hôdô) dar nihâyati mubayyanî u mashr(û)hî dar muvâfiq muthâq (sic) hải alfâth i 'îbrî nivishtah gardîdah.

1. Steinschneider, Catalogue et l'article Jüdische Literatur dans l'Encyclopédie Ersch et Gruber, p. 447.

2. Il n'est pas probable qu'il y ait déformation orthographique pour Tsor.

(La formule hébraïque) Beshimka rahmanâ uhananâ se dit en arabe: bism (illahi ra) hmâni varahîmi; en persan : benâmi Khudâi bakhshâyandah u mihirbân (au nom du Seigneur miséricordieux et bon). Au nom du Seigneur je commence à écrire les cinq Livres (et) les Psaumes tels qu'ils ont été écrits dans... 1 pour le grand roi, qui est la kiblah du monde, le roi des rois (que sa gloire soit exaltée!): ils ont été écrits avec explication et éclaircissement parfaits et avec les exacts équivalents (?) des expressions hébraïques.

Quel est le roi de Perse qui a pu ordonner une traduction ou à qui les juifs ont pu offrir une traduction des livres sacrés? Sans donner à cette question une réponse précise qui, en l'absence d'autres documents, serait pure hypothèse, on peut dire cependant qu'un pareil fait nous reporte assez naturellement vers la dynastie mongole. On sait l'indifférence ou la curiosité religieuse qu'ont montrée les souverains de cette race : les deux types accomplis de ce genre sont, au xır° siècle, Khoubilai Khan, le grand empereur de Chine, au xvII°, Akbar, le grand empereur des Indes. Les Mongols de Perse montrèrent le même esprit : païens de tradition, hostiles aux musulmans, favorables aux chrétiens et aux juifs, ils oscillèrent longtemps entre deux ou trois religions. Maintes fois le bruit courut en Europe de leur conversion au christianisme. Un d'eux, Ahmed, fut renversé par les Mongols pour avoir embrassé l'islamisme et persécuté les chrétiens. Sous son successeur, Argoun, les juifs jouent un rôle prédominant. Un médecin juif, Saad-addaula, était son premier ministre : il exerça le pouvoir pendant trois ans, de 1284 à 1291; il livra tous les emplois supérieurs aux juifs et aux chrétiens qu'il favorisa au détriment des Mongols et des musulmans 2. « Il réunit autour « de lui des savants et des littérateurs, qu'il encourageait dans leurs tra«vaux aussi composa-t-on à sa louange un grand nombre de pièces en «vers et en prose. Une partie de ces panégyriques fut recueillie dans un « volume auquel on donna son nom 3. » Mais il se rendit odieux au parti militaire, représenté par les Mongols, qui se voyait rejeté au second rang par l'élément civil, et à la masse musulmane de la population qui se voyait dominée par des juifs et des chrétiens. On l'accusait de vouloir fonder une nouvelle religion, de méditer le massacre en masse des nobles, et, Argoun étant tombé malade, le ministre fut massacré quelques jours avant la mort de son maître. La mort de Saad-addaula fut le signal d'une persécution générale contre, les juifs.

On pourra supposer, si l'on aime les hypothèses, que c'est Saad-addaula

1. Le commencement du mot manque M. Guyard me suggère très ingénieusement la lecture dar (sipâ) hân, à Ispahan. La langue offre des bizarreries d'expression et de tournure qui semblent indiquer une plume inexpérimentée. Mutháq est traduit d'une façon conjecturale.

2. C'est pendant que Saad-addaula était au pouvoir que le pape Nicolas II envoya une ambassade à Argoun pour le remercier de sa tolérance et l'inviter à se convertir. Un instant les princes d'Occident espérèrent avec son secours chasser les musulmans de la Palestine et de l'Asie-antérieure.

3. D'Obsson, Histoire des Mongols, IV, 31 sq. Graetz, Geschichte der Juden, 2' éd., VII, pp. 188, 196 sq.

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