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tant le titre de Mémoire communiqué, renferme une copie, écrite dela main de Rousseau, de la Profession de foi du vicaire savoyard; viennent ensuite le manuscrit des Confessions, cité plus haut, en deux petits volumes; et enfin le dernier manuscrit, qui contient les deux premiers livres et la première page du livre III du Contrat social; « c'est une première ébauche toute différente du texte qu'on connaît; c'est la copie mise au net d'un premier brouillon qui a disparu; nous avons là une des étapes par lesquelles l'ouvrage de Rousseau a passé, avant d'arriver à la forme définitive qui fut publiée en 1762; il y a des différences de texte, et on y trouvera Rousseau plus protestant, plus huguenot qu'il ne l'est d'ordinaire... Si les théories politiques de Rousseau avaient encore des amateurs passionnés, il se trouverait un éditeur pour publier cette première ébauche du Contrat social; ce serait quelque chose comme la réimpression du premier texte de La Bruyère qui a paru il y a quelques années à la librairie Jouaust. Il est clair qu'en comparant le premier jet au texte définitif, on arriverait à mieux comprendre la genèse des idées de Rousseau. Les curieux pourraient voir, en particulier, si le chapitre Iv, De ce qui rend la souveraineté inaliénable, laisse, mieux que le texte de 1762, entrevoir un rapprochement fondé avec l'art. 76 (ou 78) des Franchises d'Adhémar Fabri. » — Dans le courant de cette notice, M. Ritter nous apprend que M. Albert JANSEN prépare depuis quelques années une Histoire de la vie et des écrits de J.-J. Rousseau; dans une brochure qui vient de paraître sous le titre J.-J. Rousseau, fragments inédits, recherches biographiques et littéraires (Sandoz, 84 pp. in-8°), M. Jansen a voulu décharger son grand ouvrage et le débarrasser de quelques appendices; il a publié en particulier une Histoire critique de la rédaction des Confessions dans laquelle il cherche à déterminer la place qu'occupent les mss. Streckeisen au milieu des autres mss. des Confessions.

ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES

Séance du 5 mai 1882.

M. le ministre de l'instruction publique invite par lettre l'Académie à préparer un programme des questions et travaux d'érudition qui devront être recommandés à l'attention des membres de la section orientale de l'école supérieure des lettres d'Alger.

M. le maire de Boulogne-sur-Mer prie l'Académie de se faire représenter à l'inauguration de la statue d'Auguste Mariette, qui aura lieu à Boulogne le 16 juillet. M. Geffroy, directeur de l'Ecole française de Rome, adresse quelques détails sur les dernières découvertes archéologiques faites en Italie. A Rome, au forum, on a trouvé deux pièces de marbre, longues l'une de 310, l'autre de 230, qui s'ajustent Fune avec l'autre en équerre; la plus grande porte une inscription qui se lit ainsi : Senatus populusque Romanus pecunia publica faciendam curavit. On n'a pu encore reconnaitre à quel monument devait se rapporter cette inscription.

M. Deloche lit un mémoire intitulé: Du monnayage en Gaule au nom de l'empereur Maurice Tibère. C'est une note complémentaire au mémoire présenté précédemment par lui, sur la question de la transformation du C guttural latin en siflante. Il était question, dans ce premier mémoire, d'une monnaie frappée en Gaule au nom de l'empereur Maurice Tibère, et que M. Deloche rapportait au temps de l'invasion de Gondovald, qui, vers l'an 58, conquit momentanément la Provence. avec l'aveu et sous le patronage de la cour de Constantinople, M. P.-Ch. Robert avait contesté cette supposition et dit que les Mérovingiens imitaient volontiers les types de la monnaie impériale, qu'une pièce a donc pu être frappée à l'effigie de Maurice Tibère sans que ce prince ni personne en son nom exerçât réellement le pouvoir en Gaule. M. Deloche répond à cette objection et maintient sa première

opinion. Selon lui, l'imitation des monnaies impériales par les rois francs avait cessé depuis longtemps quand régnait Maurice Tibère, et ces princes avaient pris l'habitude de monnayer en leur propre nom. Maurice est le seul empereur de son temps dont on trouve le nom sur des pièces frappées en Gaule. Ce fait exceptionnel ne peut s'expliquer que par une circonstance exceptionnelle, telle qu'a été la conquête de la Provence par Gondovald.

M. P.-Ch. Robert persiste dans son opinion et se propose de la défendre dans un mémoire qu'il soumettra prochainement à l'Académie. Il ne croit pas que Gondovald ait tenté de rétablir l'autorité impériale en Gaule, même nominalement.

M. Waddington annonce une découverte importante qui vient d'être faite dans les ruines de Palmyre par un Russe, le prince Simon Lazarew; c'est celle d'une immense inscription gravée sur le roc. Elle se divise en quatre panneaux, dont l'un contient un texte palmyrénien, deux autres des textes grecs, le quatrième un texte bilingue palmyrénien et grec. M. Lazarew se propose d'envoyer un estampage de l'inscription entière à l'Académie. M. Waddington a déjà pu étudier en partie le texte grec, dont une analyse et des extraits vont être publiés prochainement dans le Bulletin de correspondance hellénique. Il contient un décret du sénat de Palmyre, de l'an 137 de notre ère; on y voit pour la première fois le formulaire exact des actes de ce corps. Le dispositif est un teλwvixòs vóμos, un tarif municipal de droits d'entrée ou de transit. On y trouve mentionnés, entre autres, des droits sur les chameaux et une taxe particulière payée par les voyageurs qui voulaient abreuver leurs chameaux à certaines sources. Le décret mentionne des mesures administratives prises par Germanicus et par Corbulon, en leur qualité de gouverneurs de Syrie. M. Adolphe Regnier annonce que M. Aymonier, qui vient d'arriver au Cambodge. chargé d'une mission archéologique et épigraphique du gouvernement français, a expédié à la Société asiatique la collection des copies d'inscriptions recueillies par lui dans ses voyages antérieurs. Il y en a cinquante-deux, la plupart en sanscrit, souvent mêlé de dialectes modernes.

M. Gaston Paris présente le numéro de mai-juin de la Revue historique, dirigée par M. Gabriel Monod. « Ce numéro, dit-il, contient les dernières pages qu'ait écrites Jules Quicherat. Il en a corrigé les épreuves, d'une main déjà tremblante, l'avant-veille de sa mort. Elles contiennent la dernière pensée qui l'ait occupé, et cette pensée était celle qui a dominé et comme consacré sa vie, la pensée de Jeanne d'Arc. Après avoir réuni, dans un résumé lumineux, les quelques faits qui, depuis la publication du Procès de Jeanne d'Arc, sont venus enrichir sa biographie, il publie et commente un nouveau document relatif à la Pucelle, document qui, sans être de premier ordre, ne laisse pas d'avoir de l'intérêt. Je saisis cette occasion pour dire publiquement combien l'Académie des inscriptions et belles-lettres a ressenti la perte cruelle que fait en Jules Quicherat l'érudition française. Nous avons éprouvé comme une pénible surprise de ce qu'un deuil si vivement ressenti par tous les membres de notre compagnie ne fut pas pour elle un deuil officiel. Des circonstances diverses avaient empêché Jules Quicherat de s'asseoir parmi nous, à côté de son frère; nous espérions toujours que l'occasion se présenterait pour lui de nous demander les suffrages que nous étions prêts à lui accorder. Il y a deux ans, nous lui donnions, en lui décernant le prix Jean Reynaud, le plus haut témoignage d'estime qui fût à notre disposition, cherchant ainsi, comme l'a si bien dit sur sa tombe un de nos plus éminents confrères, à nous consoler de ne pas le posséder. Sa place, marquée depuis longtemps dans cette compagnie, semblait plus nécessairement indiquée depuis que des pertes bien sensibles avaient encore restreint la part faite ici à l'archéologie. C'était surtout l'archéologie française proprement dite, celle du moyen âge, qu'il aurait représentée, avec autant de sûreté que d'éclat. Le coup imprévu qui l'a enlevé à l'affection, au respect, à l'admiration de tous ceux qui avaient pu apprécier sa science et son caractère n'a pas permis que notre espoir fût réalisé. Je suis sûr d'être l'interprète des sentiments de l'Académie en rendant à sa mémoire l'hommage que nous aurions été heureux de rendre à sa personne. »

M. Lenormant met sous les yeux des membres de l'Académie deux vases qui viennent d'être trouvés dans la terre d'Otrante et qui donnent lieu à divers rapprochements intéressants au point de vue archéologique.

Julien HAVET.

Le Proprietare- Gérant: ERNEST LEROUX.

Le Puy, typ et lith. Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, 23

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Sommaire : 91. PROU, Les théâtres d'automates en Grèce au 1° siècle.
Germanie de Tacite, p. p. HoLder.

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93. PETROVITCH, Scanderbeg, essai de bibliographie raisonnée. — 94. Choix de sermons de Bossuet, p. p. Gazier. 95. Mémoires biographiques et littéraires du xvme siècle, p. p. DE LEscure. Thèses de M. Seignobos. — Chronique. Académie des Inscriptions.

91. – Les théâtres d'automates en Grèce au 11° siècle avant l'ère chrétienne d'après les autopatoяolïxà d'Héron d'Alexandrie, par Victor PROU. Extrait des Mémoires présentés par divers savants à l'Académie des Inscriptions et BellesLettres, re série, t. IX, 2o partie, 1881.

Le principal mérite de ce travail consiste en ce qu'il rend, pour ainsi dire, à la lumière un texte du mécanicien Héron d'Alexandrie que M. Ch. Magnin, le savant historien de la marionnette dans l'antiquité, n'avait pu mettre en œuvre. Il est bien vrai que le texte de l'Automatopée a été publié par Thévenot en 1693, dans le grand recueil des Veteres mathematici, avec une traduction latine de Couture '. Mais depuis près de deux siècles, la philologie n'avait rien produit sur l'ouvrage d'Héron.

Dans une courte Introduction historique (§§ 1-22), M. Prou expose ce qu'on a fait ou plutôt montre combien l'on a fait peu dans cette branche de l'érudition technique. Puis la première partie (Considérations générales sur les autoμatoлotixá) tend d'abord à établir l'intégrité « philologique » (?) de ce texte. M. P. l'a révisé d'après sept manuscrits de Paris dont trois avaient d'ailleurs servi à l'éditeur des Veteres mathematici et qui paraissent provenir d'un même original commun à ces sept exemplaires et à la copie du Vatican. Un second chapitre nous fait connaître le type et le sujet «< monoscénique » du théâtre roulant (Apothéose de Bacchus), dont la description remplit le livre Ier des Automates. Au chapitre ш, sont exposés le type et le sujet « polyscénique » du théâtre fixe (Légende de Nauplius).

Avant de quitter cette première partie, j'exprimerai le regret que M. P. se soit borné à reproduire divers passages du premier livre des Automa

1. Plus d'un siècle avant cette publication, en 1589, Bernardino Baldi avait fait paraître une traduction italienne de l'ouvrage, avec des notes et des figures que M. Prou déclare habilement dessinées. Vers le même temps Joseph d'Auria, traducteur latin des mathématiciens Autolycus (De sphæra), Théodose (De mansionibus) et Euclide (Phænomena), fit du texte en question une traduction latine sans figures, restée inédite et conservée à la Bibliothèque Nationale (ms. grec 2380).

Nouvelle série, XIII.

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tes, tandis qu'il a fait un travail complet sur le second et dernier livre. Il ne lui eût certes coûté guère de donner une édition intégrale des Automates avec traduction française.

La seconde partie a pour titre Examen technique des appareils mo teurs des autópata d'Héron d'Alexandrie. M. P. examine quelquesuns des procédés mécaniques employés par Héron dans son double système à scène mobile ( ὑπάγοντα αυτόματα) et à scène fixe (στατὰ αὐτόματα). Dans les explications très bien conduites, mais difficiles à suivre, qui concernent l'ouverture et la fermeture des doubles portes, j'ai relevé plusieurs inadvertances qui rendent encore plus malaisée l'intelligence de ces explications. Par exemple: 1° dans la fig. 4 (p. 70), le coussin inférieur marqué C doit être marqué G; la lettre c a été omise; 2o dans la figure 5 (p. 72), la lettre C, au milieu de l'arbre horizontal, doit aussi être lue G pour correspondre au renvoi du § 106; 3° dans la figure 6 (p. 76), les e majuscules correspondent à des minuscules dans le texte français.

Ρ. 77, ἐν ὁποίοις δ ̓ ἂν ᾖ διαστήμασιν est « traduit à des intervalles de longueur convenable », le grec signifie plutôt « à des intervalles de longueur quelconque ». Toutefois il faut dire que le sens se trouve bien de la traduction adoptée. Dans le chapitre 1, M. P. rend parfaitement compte de la manœuvre exécutée par le contrepoids moteur pour faire ouvrir et fermer les portes du théâtre fixe et communiquer à chaque personnage les mouvements imposés par son rôle. D'un examen attentif de ce chapitre est résultée pour moi la conviction que le texte d'Héron a dû être compris convenablement et expliqué dans tous ses détails. Quant au chapitre III, où M. P. expose, au moyen de trente formules successives, la théorie des cordons moteurs, j'avoue mon insuffisance pour en vérifier l'exactitude, mais j'ai pris l'avis d'un ancien ingénieur en chef des ponts et chaussées dont l'opinion sur cette théorie est absolument favorable, bien qu'elle lui paraisse aller bien au-delà des exigences du sujet traité. Une étymologie arbitraire doit être combattue ici en passant. P. 49, note 143, à propos du mot eλíxтpa, bobine, M. P. avance que « la finale pa indique la forme rectiligne de l'objet ; mais comment rattache rait-il à cette explication la présence de cette finale dans páxтpa, pétrin, zuhíotpa, arène? N'est-il pas plus simple de dire que pa marque l'ins trument, ou plus généralement encore, que ce suffixe implique l'idée soit d'une opération matérielle, soit du lieu où elle se passe ?

Aux pages 65 et 106, se rencontre le mot nouveau úzkýńyytov, employé dans le sens de petit battant, qui mérite de prendre place dans les lexiques.

La troisième partie consiste en une nouvelle édition et une première traduction française de la deuxième section de l'Automatopée d'Héron d'Alexandrie, celle qui concerne les Automates à scène fixe. Généralement le texte a beaucoup gagné au travail d'épuration de M. P. et sa traduction est fidèle et précise. Je présenterai seulement quelques obser

vations de détail sur l'établissement et l'interpolation du texte grec. § 1, xaтaxeywρŃxaμev, avec un n, supposerait l'existence, non encore établic, d'un verbe καταχωρέω. Rien n'empêche de lire κατακεχωρίκαμεν par un, verbe connu que l'on retrouve p. 98, 1. 3, avec la même signification. P. 100, § 4, dialectç est traduit par sujet, comme s'il y avait úлółεç. La suite de la phrase demanderait plutôt le mot disposition (scénique). P. 101, § 1. Le mot encore n'est pas dans le texte et rien ne nous oblige à l'y introduire. Quelquefois l'intelligence en quelque sorte trop pénétrante du texte entraîne M. P. dans un système de traduction qui tourne à la paraphrase. Il traduit tauta pèv ouv outw yiveta! (p. 117, 1. t) par ces mots : C'est ainsi que s'exécutent les changements de décor. D'autres fois, bien rarement du reste, il est à côté du sens. A propos de planchettes de sapin (λάtiva), il traduit p. 118, 1. 6: iva più λétta övta diaστρέφωνται (bonne correction tout indiquée d'ailleurs au lieu de διαστρέφον Tat) « afin que leur épaisseur les préserve de la torsion »; c'est plutôt << afin qu'elles ne se tordent pas, quoique minces. » P. 132, § 3. Le traducteur a négligé de rendre xarà pépos, en détail. Enfin, p. 136, 1. dern., M. P. supplée μύθοις : πλὴν ὅτι [μύθοις] διαλλάσσονται, restitution ingenieuse, mais superflue.

Ces critiques sont, comme on le voit, de mince importance et je ne crois pas que l'œuvre de M. P. en puisse encourir de beaucoup plus graves. L'édition, la traduction et le commentaire laisseraient peu à faire à quiconque voudrait reprendre l'oeuvre ardue qu'il vient d'exécuter. Versé dans la connaissance des mathématiques pures et appliquées, exercé de longue date dans la pratique de la langue grecque technique, travailleur opiniâtre et sagace, M. Prou a pleinement justifié la confiance de l'Académie des Inscriptions qui avait déjà inséré dans ses publications un travail de restitution de la Chirobaliste d'après un texte du même Héron d'Alexandrie, travail honoré, comme celui-ci, d'une médaille de l'Association pour l'encouragement des études grecques.

C. E. R.

92.

Cornelii Taciti de origine et situ Germanorum liber edidit Alfred HOLDER'. Freiburg i. B. und Tübingen 1882. Akademische Verlagsbuchhandlung von J. C. B. Mohr.

Cette édition, qui donne uniquement le texte de la Germanie, constitué à l'aide de mss. jusqu'ici négligés, fait partie d'une collection intitulée Germanischer Bücherschatz, qui contiendra les sources de l'antiquité germanique. L'auteur nous avait promis en 1878 l'histoire du texte de la Germanie de Tacite, avec des justifications détaillées, mais

1. Sur une précédente édition de la Germanie par M. Holder (Leipzig, 1878), voir Revue critique, 1879, II, pp. 171-172.

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