Page images
PDF
EPUB

71. Hattatal Snorra Sturlusonar herausgegeben von Th. MOEBIUS. II. (Gedicht und Commentar.) Halle a. S. 1881. (Buchhandlung des Waisenhauses.)

Nous avons recommandé déjà à nos lecteurs (Rev. crit., 1880, no 33, art. 182) la première partie de cet excellent ouvrage; elle contenait le poème islandais, c'est-à-dire le Háttatal proprement dit, et déjà nous avons signalé le goût, l'exactitude et la science de M. Möbius. Cette seconde partie n'est pas faite pour diminuer le plaisir du critique, et il y a lieu d'ajouter que cette fois M. M. fait preuve d'une remarquable sagacité en attaquant les difficultés que présentait ce Commentaire.

Ce commentaire en prose, on le sait, accompagne dans tous les manuscrits, le poème de Snorri. Il ne s'attache qu'à la forme du poème, qui, nous l'avons déjà dit, est un vaste recueil de spécimens de toutes sortes de mètres, sans qu'il y soit prononcé un seul mot touchant le fond (éloges des deux princes norvégiens, Hákon et Skúli). La plupart du temps, chaque strophe est suivie d'une courte analyse du mètre dont elle est l'exemple; au début se trouve cependant une introduction d'une certaine étendue, annexée au compte-rendu pour le dróttkvætt ordinaire, mais qui contient aussi des observations qui ont trait à la poésie islandaise en général; deux ou trois mètres difficiles sont analysés avec plus de détail; enfin il faut signaler dans le Commentaire, les noms techniques donnés aux différents mètres, et, dans le premier tiers du Commentaire, un effort de rédiger la matière en une sorte de système, sous forme de dialogue, procédé qui a pour but évident de faire ici la même disposition que présentait déjà le Skáldskaparmál, ou la partie de la Snorra Edda qui précède immédiatement le Háttatal.

M. M. donne le texte du Commentaire aux pp. 1-34. Les différentes parties en ont une valeur assez inégale. A côté d'un nombre de remarques judicieuses et de notices qui ont encore aujourd'hui un réel intérêt, on voit des données soit obscures, soit incorrectes, et qui annoncent un esprit peu perspicace. Le manque de termes techniques se fait souvent sentir,

1. Dans un de ces cas, à propos de la str. 65 (p. 25, II. 15-17), M. M. propose (pp. 46-47) de corriger les mots hinni fyrstu en hinum fyrstum; nous avons des doutes sur cette correction. Car, au point de vue du commentateur, il est peu probable qu'il ait voulu désigner la syllabe qui, dans la strophe typique, contient ordinairement le hending. Profitons de cette note, pour signaler encore la str. 7, qui est curieuse. Le poète a dû rencontrer dans de vieux poèmes des vers trop courts d'une syllabe (par une contraction postérieure de voyelles), et croyant voir en cela une ancienne et légitime licence, il a voulu donner un exemple de cette licence par une strophe en règle où tous les vers pairs ont une syllabe de moins. Or il se trouve que, dans trois cas sur quatre, il a employé une syllabe réduite par contraction (ar pour aar, fa pour faa, gra pour graa) et qui dans l'ancienne langue a fourni le nombre correct. Il a été guidé en cela par son instinct seul; il n'a pas plus compris le développement historique de ces syllabes que Olafr hvitaskald, auteur du traité rhétorique de la Snorra Edda (II), n'a compris l'usage qu'un vieux poète avait fait du nom Thorrœdhr: comparant cette forme avec celle de son temps, réduite en Thordhr, il a prétendu que la vieille forme présentait un exemple de diérèse.

surtout dans la partie systématique, dont les subdivisions, très superficielles du reste, laissent souvent à désirer.

Pour trancher la question du Commentaire et de son origine, M. M. examine d'abord les trois manuscrits (U, R et W; le quatrième ms. Wch est un dérivé de R), dont il n'a pu voir que des copies. Ses recherches ont eu pour résultat que tous trois remontent à un même ms., perdu à présent, et où il s'est déjà trouvé de mauvaises leçons, des lacunes, des interversions, et des interpolations, ainsi que M. M. le montre en détail. Le ms. R, le plus ancien, est plus interpolé que les deux autres. Restituant le texte de URW et corrigeant quelques lapsus du copiste de cet original, M. M. conclut à trois rédacteurs: 1° au plus jeune sont dûs et cet effort pour systématiser que nous avons mentionné plus haut, et les noms d'un grand nombre de mètres; 2o un autre, antérieur, se fait connaître surtout dans les dernières parties par plusieurs additions qui ne montrent guère que son ignorance et sa sottise; 3o le premier commentateur enfin; ce qui reste intact de l'ouvrage de ce dernier n'est pas beaucoup, mais on entrevoit que ce fut un auteur perspicace, érudit et souvent ingénieux. Cet auteur du fond du Commentaire est, comme l'établit suffisamment M. M., Snorri Sturluson lui-même. Il semble cependant qu'il ne l'ait pas écrit de sa propre main, mais qu'il l'ait dicté à un secrétaire, ainsi qu'il a fait pour ses ouvrages historiques.

M. M. considère ensuite, dans la partie IV (pp. 85-98), le Háttatal complet (Poème et Commentaire ensemble), et entame la critique du vieux problème les différents mètres dont le poème donne des exemples ont-ils réellement été employés tous par les anciens skalds, ou sont-ils dus en partie à Snorri lui-même ? Cette question ne pouvant être résolue sans un examen de toute la poésie antérieure à Snorri, M. M. rend compte des poèmes ou fragments de poèmes qui subsistent, et il montre que ces poèmes ne constituent qu'une petite partie de ce qui a existé. Les causes pour lesquelles cette littérature poétique a fait tant de pertes, sont étudiées, p. 91, avec beaucoup de soin et d'intérêt. Suit, dans les Beispiele (pp. 129-138), une table bien ordonnée de tous les poèmes, strophes, ou vers connus dont le Háttatal donne des exemples; il est inutile de dire combien cette table a coûté à M. M. de travail et de soins. A l'aide de ces recherches, comparées avec les renseignements du Commentaire, M. M. a pu établir: 1o que Snorri a trouvé dans des poèmes plus anciens la plupart des mètres qu'il emploie - même des mètres très compliqués, comme, par exemple, les str. 37, 43, 71, 78, bien que plus d'un n'ait existé que dans des strophes isolées; 2o quelquefois il semble avoir divisé, sans raison suffisante, un mètre en deux ou plusieurs, admettant comme règle particulière ce qui, dans la pratique, a dû dépendre d'un libre choix (cependant le Commentaire a des noms techniques particuliers pour plusieurs mètres ayant cette origine); 3° reste indécise la question. de savoir si, parmi les 5 triades (ou les 3 pentades) de mètres à rimes finales, quelques-uns qui sont très difficiles et qui ne se retrouvent pas

dans la littérature, sont ou ne sont pas inventés pas Snorri lui-même, soit pour le système, soit par « lascivia versificandi » '.

En terminant M. Möbius nous dit avec une grande modestie qu'il ne prétend pas avoir tranché définitivement les questions dont il s'est occupé. En tout cas, il faut reconnaître que son excellente étude a jeté tant de lumière sur ces questions qu'elles ont fait vers leur solution un pas considérable. G. CEDERSCHIöld.

VARIÉTÉS

Deux lettres de Ramus à Tremellius 2.

Les deux lettres suivantes proviennent des archives d'Etat de Berne II, Epistolae varii thematis et miscellanea ecclesiastica); elles ne figurent, croyons-nous, dans aucun des nombreux recueils épistolaires du XVIe siècle qu'il nous a été donné de consulter.

I

A. STERN.

P. 51. « Vellem equidem Heidelbergae horas aliquot esse tecum, ut de studiis tuis cognoscerem, quid post discessum nostrum elaboraveris, quem progressum non dico in hebraico lexico (spero enim jam absolutum esse), sed in chronologia quousque perveneris, an jam perfeceris omnia. Nam plaeraque tum alia ingenii tui excellentia monimenta vivis et posteris comunicabis tam nihil sane tum populare, tanque in vulgus omnibus acceptum ac probatum judicio meo relinques. Quare etsi tua sponte satis incitatum atque incensum ad bene merendum de republica te esse non ignoro, attamen ut in theatro solet aurigis celerrime currentibus plausus a populo tribui, sic ego pro mea parte non possum non tibi gratificari et gratulari id est exhortari ad accelerandum et maturandum. Pax nobis dei beneficio tandem est restituta. Itaque sic tibi persuadeas velim scilicet panno in pristinum statum restituto, tibi amicum in academia parisiensi futurum, si non magna authoritate vel gratia

1. Il nous semble vraisemblable, à nous, que Snorri en est l'auteur. Et il y a au moins un autre mètre dans le Hattatal qui a été créé sans doute par Snorri. C'est le mètre de la str. 17, mètre fort compliqué, contenant dans chaque vers deux antithèses ou oxymores. Le Commentaire même fait croire (v. p. 9, 11. 29-31) que cette strophe est un premier essai. Et il n'est pas moins vraisemblable (par des raisons intrinsèques que le mètre dont la str. 73 donne un exemple [Cp. Rev. crit., 1880, p. 130, note 2] et qui est un développement de celui que donne la str. 71, est de même une création du grand versificateur. Le nom hinn nyi hattr (« la versification nouvelle ») donné par le Commentaire à cette str., vient à l'appui de cette opinion. 2. Voir, sur Tremellius, le tome III des Eloges des hommes savants de Ant. Teissier Leyde, 1715, t. III, pp. 179-182).

certe animo ad tuas laudes praedicandum parato benevoloque. Itaque fa cito ut de te studiisque tuis certior fiam. Saluta uxorem tuam charissimam meo nomine plurimum, speque optima esse jubeto, ut Lutetiam aliquando videat. Vale, Lausannae. 5 cal. sept. 1570.

Tuus meritoque tuae virtutis

tibi deditus

P. RAMUS.

Clariss. hebraicae

linguae doctori

Immanueli TREMELLIO,

etc. Heidelbergae.

(Original.)

་་

[ocr errors]

P. 53. « Scribo ad Olivianum nostrum (Tremelli doctissime) quandam nostri reditus historiam ut altissimo fluctu primum absorpti obrutique propemodum perierimus, deinde ut insperata salute recreati, imo etiam dignitate aucti simus: amo virtutem et doctrinam excellentium ingenio rum, quale tuum esse non desinam apud omnes praedicare, non solum quia mihi gloriosum sit tanti viri hospitem fuisse, sed quia plurimi interest ad ingenuarum literarum studia excitandum et celebrandum, si qui-iis praestant atque excellunt, meritos honores assequantur. Tremellium sacrae linguae professorem esse tota Europa celeberrimum, Anglia Germaniaque commemorant, Gallia jam etiam idem domesticis testibus compluribus admonita memorabit : reconditam vero sacrarum rerum eruditionem, ingenii facilitatem, ubertatemque accuratum de re quavis judicium quotidianis collocutionibus hospiti tuo amplissime declarasti atque cum plurimis excellentibus monumentis (quae meditaris) oblitus credo non es quanti faceom chronologiam quam inchoaras, quamque te frequenter excitarim ad opus illud absolvendum, quod omnibus literis studiisque commune et utile esset futurum. Itaque quod tua sponte facis, facito, etiam oro te, nostra gratia maturius, ut nos quoque si quid tua caussa, poterimus, hortatu tuo liberalius et promptius obeamus. Saluta lectissimam conjugem tuam nostro nomine plurimum. Vale. Lutetiae, nonis Mart. 1571.

Saluta nostro nomine DD. Oliverium et Josuam. Item D. Taffinum si nondum metas redierit (?).

Tuus tibi ex animo deditus,

P. RAMUS.

Immanueli TREMELLIO,

clarissimo sacrae linguae professori

In academia Heidelbergensi

HEIDELBERGAE.

Le post-scriptum et la signature, seuls, sont de la main de Ramus.

1. Sic.

CHRONIQUE

FRANCE. M. Eug. Müntz a fait tirer à part un article qu'il avait publié dans la « Revue archéologique » sur Le Musée du Capitole et les autres collections romaines à la fin du xv et au commencement du xvr siècle (16 p.). On y remarquera une lettre du Caradosso, le célèbre orfèvre et médailleur milanais, qui fut envoyé à Rome par Ludovic le More pour y acquérir des œuvres d'art, et la description que fait l'écrivain lyonnais Claude Bellièvre dans ses Noctes romanae (ms. Biblioth. nation. fonds latin, n° 13123) des œuvres d'art réunies dans les palais des Rossi, des Orsini, des Cesarini et des Massimi. Bellièvre nous fournit les informations les plus précieuses sur les collections particulières de Rome pendant le règne de Jules II et celui de Léon X.

- Parmi les 14 intendants qui se sont succédé dans la généralité d'Auch, un des moins connus est M. de Sérilly (1739-1744); c'est à l'administration de M. de Sérilly qu'est consacré le volume que M. de BARDIES vient de publier sous le titre : L'administration de la Gascogne, de la Navarre et du Béarn en 1740 (Tardieu. In8o, 176 p.). M. de B. a trouvé dans un registre grand in-folio de 129 feuillets la copie de 326 lettres adressées par Sérilly à Orri, Breteuil, d'Ormesson, De La Houssaye, Amelot, Trudaine, d'Aguesseau, Saint-Florentin, Maurepas, etc.; ce sont pour la plupart des rapports sur les affaires instruites par l'intendant; la première dépêche est du 29 avril 1740 et la dernière, du 29 décembre de la même année; c'est donc, dit M. de B., une période de huit mois d'administration qui nous est révélée dans une année célèbre par la misère publique et au moment où allait éclater la guerre de la succession d'Autriche. M. de Bardies analyse ces dépêches et en cite de longs extraits; il les a groupées sous différents chefs: I. Finances (impôts, domaines, bâtiment, monnaie, agriculture, commerce, etc.). II. Police et justice (états, conflits, séquestration, clergé, etc.). III. Armée (recrutement, milice, matériel, marine). On lira surtout avec intérêt les articles relatifs au commerce, à la justice, au recrutement; on y verra que les intendants centralisaient tout ou presque tout entre leurs mains, mais qu'en ayant une grande influence sur les affaires, ils ne prenaient point par eux-mêmes de décisions importantes et ne rendaient la plupart de leurs ordonnances que sur des ordres supérieurs ou par une autorisation donnée d'avance. L'ouvrage de M. de Bardies a été couronné par la Société archéologique du Midi de la France.

Le très élégant volume que M. E. CAMPARDON vient de publier à la librairie Charavay, Les prodigalités d'un fermier-général. (In-8°, 164 p.) est, comme l'indique déjà le sous-titre du livre, un « complément aux Mémoires de Mme d'Epinay ». De 1759, époque où se terminent les Mémoires publiés, jusqu'à 1783, époque où mourut Me d'Epinay, on ne sait que fort peu de choses sur sa vie, et on doit ce qu'on sait aux lettres de l'abbé Galiani et à la correspondance de Diderot avec Ml Volland. Quelques documents découverts par M. Campardon aux Archives nationales lui ont permis de combler, au moins en partie, cette lacune; ils contiennent des détails précis sur plusieurs événements trop incidemment racontés dans les Mémoires et donnent sur les dernières années de M d'Epinay, sur ses rapports avec son mari et ses enfants, un certain nombre de faits nouveaux et intéressants. M. Campardon a divisé son livre de la façon suivante. I. Les prodigalités d'un fermier-général (pp. 15-79): M. C. nous montre dans quel désordre étaient les affaires de M. d'Epinay; il nous raconte les déréglements auxquels se livra ce fermier-général qu'on dut rayer en 1762 du contrôle des fermes, ses folies, ses dettes incessantes, les habitudes désastreuses que

« PreviousContinue »