Page images
PDF
EPUB

Ie siècle de l'H. (816-864 ap. J.-C.); 1911-1930, texte, commentaires, abrégés par Ibn An-Nafis et autres, commentaires sur les abrégés du Canon d'Avicenne; 1937, les aphorismes médicaux de Maïmonide, enfin plusieurs traités plus modernes, auxquels mon incompétence ne me permet point d'assigner leur rang et leur valeur.

Le volume IV, qui ne tardera point à suivre les trois premiers, comprendra la fin de XIX la médecine, mss. 1951-2063; XX l'histoire naturelle et l'agriculture, mss. 2064-2120; XXI les anthologies et les débats (almouhadarát), mss. 2121-2190; XXII la poésie, mss. 2191-2384; XXIII les récits, mss. 2385-2778; XXIV la rhétorique, mss. 2779-2825; XXV l'épistolographie, mss. 2826-2844; XXV la théologie chrétienne, mss. 2845-2890. Tel est le cadre, que dès à présent M. W. P. a tracé et rempli; car l'impression n'a pas commencé, avant que le travail ne fût terminé. Du reste, le temps des acquisitions est passé à Gotha, et le nombre des manuscrits arabes ne pourra plus s'y accroître que par la chance de quelque donation attirée peut-être par le catalogue même de M. W. Pertsch. Pendant la période de formation, le catalogue d'une collection est toujours prématuré, parce qu'il est exposé à ignorer les richesses du lendemain ; c'est plus tard, quand tout est entré dans le calme et dans l'immobilité, qu'arrive l'heure propice aux descriptions définitives.

Celle de M. W. P. est à la fois sobre et substantielle rien n'y est omis de ce qu'il importe de savoir sur les ouvrages et sur leurs auteurs. Les déductions pour découvrir l'identité et des uns et des autres sont d'un excellent esprit, qui se tient à égale distance d'une audace qui éveillerait la méfiance, et d'une timidité stérile. Toutes les ressources d'une bibliographie soigneusement tenue au courant sont mises à contribution, et les publications orientales de textes arabes n'ont pas plus échappé à M. W. P. que les publications occidentales.

Bien plus, à propos de chaque manuscrit, M. W. P. a l'ambition de nous faire connaître tous les autres exemplaires du même ouvrage conservés dans les collections publiques et particulières. A Dieu ne plaise que je lui reproche d'être aussi bien informé sur les travaux de ses devanciers et d'avoir interrogé non-seulement les catalogues imprimés, mais aussi les notes disséminées dans les divers recueils consacrés aux études orientales! Ce dur labeur a donné naissance à bien des comparaisons intéressantes qui ont éclairé d'un nouveau jour plus d'un problème d'histoire littéraire. Mais, si pour un livre rare, pour un fragment dépareillé il importe de savoir où l'on rencontre encore l'un, où l'on peut compléter l'autre, à quoi servent les énumérations érudites des manuscrits innombrables de la scháfiyya, du miráh el-arwah et des autres opuscules contenus dans le ms. 1942 ? Qui peut se vanter d'atteindre toutes les copies qui ont été faites des diverses prières réunies dans les mss. 776 et 777 2? Il y a là un luxe de renseignements, qui ne se jus1. I, p. 230 et suiv.

[blocks in formation]

fierait que si l'on pouvait aspirer à être complet. Or, il y a quelques années, les boîtes des quais regorgeaient de ces manuscrits arabes inutiles, qui ont dû entrer comthe spécimen calligraphique dans les cabinets de l'un ou de l'autre amateur. Ils devraient figurer dans les parallèles cités par M. W. P. ou bien plutôt il aurait pu s'épargner l'excès des recherches inutiles et supprimer pas mal de citations oiseuses '.

C'est, du reste, l'unique objection d'une certaine gravité que je puisse opposer au plan et à la méthode adoptés par M. Wilhelm Pertsch. Il ne se passera pas deux ans que son catalogue sera entièrement publié, et la carrière parcourue nous dédommagera amplement du long crédit que nous avions accordé au savant auteur.

Hartwig DERENBOURG.

60.

M. Tullii Ciceronis pro A. Licinio Archia poeta oratio ad judices. Texte revu et annoté par P. THOMAS, professeur à l'Université de Gand. Mons, H. Manceaux, 1882. Avant-propos, introduction, appendice critique 1-x1 1-35 p. in-12.

On pourrait blâmer dans cette édition des renvois répétés aux mêmes passages de la grammaire de Gantrelle, quelques notes obscures par excès de brièveté, des explications contestables (p. 2, vel), une mauvaise leçon § 5 fin: quae hujus adolescentiae prima fuit, ou encore quelques négligences de rédaction: p. 3 : j'ai fait des vers, de la littérature; dans la préface, à côté de lacunes regrettables pour tout ce qui concerne le caractère littéraire du discours, on signalerait des expressions modernes comme naturalisation qui égareront l'esprit de l'élève plus qu'elles ne l'éclaireront. Mais il faudrait aussi, pour être juste, relever maintes remarques qui sont d'un critique judicieux et d'un excellent latiniste. Bornons-nous à dire que pour l'ensemble ce pro Archia a bien le << caractère personnel » que l'auteur a voulu lui donner; que tout nouvel éditeur du discours se sentira strictement obligé de lire avec attention ce livre d'apparence modeste, et qu'il sera très probablement obligé d'y faire plus d'un emprunt de combien d'éditions classiques pourrait-on en dire autant?

E. T.

61. — Histoire des rois d'Alger par Fray Diego DE HAEDO, abbé de Fromesta (Epitome de los Reyes de Argel. Valladolid. 1612), traduite et annotée par H.-D. DE GRAMMONT. Alger, Adolphe Jourdan. 1881, 222 p. in-8° (Tiré à part de la Revue africaine.)

Le livre que fit imprimer à Valladolid, en 1612, le bénédictin Diego. de Haedo, abbé de Fromesta, sous le titre de Topographia e historia

1. M. W. P. fera bien aussi, et nos critiques ont dû le lui démontrer, de s'appuyer le moins souvent possible sur les catalogues du siècle dernier, composés alors que les études orientales en Europe étaient encore dans leur enfance.

general de Argel, est, de beaucoup, le plus important document historique que nous possédions sur le premier siècle de la domination turque en Algérie. Ce livre se compose de trois parties La première est la Topographia, tableau très complet de l'état social, économique et politique de la Régence, des mœurs, usages et pratiques religieuses de ses divers habitants, de la topographie proprement dite de la ville d'Alger, de ses monuments, ressources et particularités de tout genre. Les quarante-un chapitres de cette Topographia sont un vrai trésor de renseignements précis, de descriptions minutieuses qui font revivre l'Alger de la fin du XVI° siècle et pénétrer jusque dans l'intimité de ce mélange bizarre de Turcs, d'Arabes, de Kabyles, de Maures, de renégats et de captifs chrétiens, qui constituaient la société algérienne d'alors et la constituent encore aujourd'hui, avec ces seules différences que les Turcs sont partis, qu'on ne trouve sans doute plus guère de renégats et que les captifs ont été remplacés par une aristocratie française de fonctionnaires militaires et civils, édition augmentée et corrigée des anciens janissaires, et par une population de commerçants, d'artisans, de manoeuvres et de colons en grande partie espagnole. Vient en second lieu un abrégé de l'histoire des rois ou pachas d'Alger, depuis les origines de la conquête turque jusqu'à la fin du XVIe siècle; puis trois dialogues, intitulés de la captivité, des martyrs et des marabouts, dans lesquels l'auteur met en scène trois Espagnols captifs qui s'entretiennent des souffrances de la captivité, dressent le martyrologe des chrétiens des bagnes et s'évertuent à démontrer à un fils de renégat, quatrième interlocuteur dans le dernier dialogue, « les grandes erreurs et fausses opinions » qu'enseignent les marabouts. Cette troisième partie, quoique encombrée d'une masse de réflexions pédantes et de longues considérations historiques que le digne bénédictin eût mieux fait de garder en portefeuille, n'en contient pas moins beaucoup de données précieuses sur les courses des pirates algériens et les aventures de plusieurs captifs, dont un célèbre, Michel de Cervantes.

Pendant longtemps le livre de Haedo n'a dû être connu que d'un petit nombre d'initiés aux choses d'Afrique; les pères de la Merci et les pensionnaires rachetés des bagnes devaient en être les lecteurs les plus assidus. L'un de ces derniers, J.-B. Gramaye, l'auteur du Diarium rerum Argelae gestarum anno 1619 et des dix livres de l'Africa illustrata, en a même traduit en latin une partie, celle qui traite des martyrs, et cette traduction semble bien avoir été imprimée à Tournai vers 1622, mais on n'en connaît pas d'exemplaires ".

En rédigeant le second de ses dialogues, le bon P. Haedo ne se doutait

1. Ces trois Espagnols ne sont pas des personnages fictifs; deux d'entre eux, le Dr Sosa et Hierónimo Ramirez, sont cités dans des documents authentiques de l'époque; voir Navarrete, Vida de Cervantes, Madrid, 1819, pp. 341 et 573. Je ne sais rien sur le troisième, Antonio Gonzalez de Torres.

2. Voir Félix Nève, Examen historique du Tableau des alphabets et des langues de l'univers que J.-B. Gramaye a publié à Ath en 1622. Gand, 1854, in-8°.

guère qu'un article de ce martyrologe le rendrait plus tard célèbre et lui attirerait la reconnaissance éternelle de ses compatriotes. C'est pourtant ce qui est arrivé. Le vieux livre qu'on ne lisait plus tomba un jour entre les mains d'un autre bénédictin espagnol, le très savant P. Sarmiento, qui par hasard l'ouvrit au fol. 185, où il lut le récit émouvant du projet d'évasion d'un certain Miguel Cervantes, hidalgo principal de Alcalá de Henares. Ce récit, confirmé bientôt par d'autres documents d'uné authenticité indiscutable, assura au livre de l'abbé de Fromesta une place d'honneur dans toute bibliothèque espagnole; dès lors les noms de Haedo et de Cervantes sont pour ainsi dire inséparables; on ne cite plus l'un sans l'autre.

Une question d'une réelle importance s'est posée à propos de la Topographia e historia general de Argel. L'auteur parle-t-il et décrit-il en témoin oculaire, ou n'a-t-il fait que transcrire et refondre des relations de captifs algériens? Les érudits espagnols semblent, en général, avoir admis que Haedo n'a pas vu lui-même les choses qu'il a si bien racontées telle est du moins l'opinion du plus savant et du plus judicieux des biographes de Cervantes, D. Martin Fernandez de Navarrete 1. S'en rapportant à ce qui est dit dans la dédicace du livre à l'archevêque de Palerme, oncle de l'auteur, et nommé comme lui Diego de Haedo, Navarrete avance que « le premier ou principal auteur » de la Topographia fut Diego de Haedo, archevêque de Palerme de 1589 à 1608, que ce personnage puisa ses renseignements dans des relations fournies par des captifs, en particulier par les interlocuteurs des dialogues, et qu'après avoir plus ou moins ordonné ces matériaux, il les remit à son neveu, notre Diego de Haedo, qui donna au recueil sa forme définitive et l'imprima. Le passage de la dédicace auquel se réfère Navarrete n'est pas clair; je le traduis ici littéralement : « Le second motif (qui m'a porté à vous dédier ces écrits) est que vous les avez composés d'après les informations des chrétiens captifs, spécialement de ceux qui figurent dans les dialogues, et que nous les avons livrés, quoiqu'en brouillon, pendant que j'étais à votre service à Palerme, de manière que sans le travail et le soin que j'y ai mis en leur donnant la dernière forme, on n'aurait pu les imprimer ni les publier. » Je ne vois pas ce que signifie au juste nous les avons livrés, ni si le nous se rapporte à notre Diego et aux captifs, ou à Diego et à l'archevêque. Quoiqu'il en soit, l'abbé, dans cette lettre, n'affirme pas formellement qu'il ait séjourné à Alger, et il attribue en effet à son oncle une part (à dessein sans doute très exagérée) dans l'œuvre, qu'il dit avoir révisée et publiée.

1. Un historien contemporain, D. Antonio Cánovas del Castillo, pense de même : No estuvo Haedo en Argel, ni consta, sea dicho de paso, que conociera á Cervantes, limitándose á recopilar en Palermo... las relaciones que alli Ilegaban de los cautivos. Discursos leidos ante la R. Academia Española. Madrid, 1878, p. 76.

2. Vida de Cervantes, p. 351.

3. Y avemos los entregado.

Malheureusement nous n'avons sur la vie de Diego de Haedo, le neveu, d'autre source de renseignements que son livre. M. de Grammont, il est vrai, auteur du travail dont il sera parlé tout à l'heure, a invoqué un autre témoignage, celui du P. Dan, et a cru découvrir dans un ouvrage manuscrit du zélé trinitaire la confirmation de l'opinion suivant laquelle Haedo le jeune aurait passé quelques années en captivité à Alger. Pour ma part, je ne pense pas que l'autorité du P. Dan soit ici d'aucun poids, car en examinant le chapitre de son ouvrage consacré à Haedo, on se rend compte aussitôt qu'il n'en savait pas plus long que nous, c'est-à-dire que tout ce qu'il rapporte de la captivité de l'abbé de Fromesta lui a été uniquement suggéré par la lecture de la Topographia. Puisque nous en sommes réduits à nous contenter de ce seul livre, voyons ce qu'il va nous révéler. En premier lieu, un fait indiscutable, c'est que Haedo a écrit au mois de mars 1581 le chapitre xxii de son Epitome, qui traite de Djafer Pacha, vingt-troisième roi d'Alger; il le dit en propres termes : « Hasta oy, los ocho de março de 1581, que son ocho meses que rreyna y govierna, quando esto se escrive ». Cela posé, on peut aller plus loin et considérer comme très vraisemblable que les chapitres de l'Epitome qui précèdent ont été rédigés dans les premiers mois de l'année 1581 ou à la fin de 1580, car la Topographia, première partie du recueil, paraît bien avoir été écrite dans le cours de cette dernière année : au fol. 30 de cette description, Haedo, parlant de l'ère mu

1. L'ouvrage du P. Dan est intitulé Les illustres captifs; on le conserve à la Mazarine sous le n° 1919. Mon ami, M. A. Molinier, a bien voulu m'envoyer la copie du chapitre xi qui traite de Haedo, et les extraits qu'on va en lire (je ne supprime que le remplissage) permettront à chacun d'apprécier la valeur de ce texte. « J'ai peu à dire, manque d'amples mémoires, touchant dom Diego de Haedo, mais pour peu que j'en aye, ils sont assez considerables pour ne pas le mettre au rang des oubliez, quand même il n'y auroit de remarquable que ce bel ouvrage qu'il a donné au public au retour de sa captivité, intitulé Topographie ou description de la ville d'Alger, avec quelques dialogues de la captivité, le tout en sa langue maternelle... Celui cy doncques, ne degenerant point du zele et des merites de ses devanciers, ne s'est point espargné toute sa vie en ce pieux exercice, où ses bonnes lettres luy ont donné de grands avantages et une juste réputation, ainsi, beaucoup considéré, s'estant mis sur mer, je ne scay par quelle fatale rencontre il tomba entre les mains de pirates d'Alger en l'année 1578 et fut mené en captivité par ces Barbares, où il souffrit beaucoup de misères... Ce bon religieux au traitté susdit de la captivité en rapporte divers exemples, et fait aussi mention des grands soins et des traverces qu'il a veu souffrir en Alger à quelques uns de nos peres qui y estoient de son temps au sujet de la Redemption des Captifs, où ils s'emploioient de tout leur possible... A quoy aussi ce mesme pere ne s'oublioit pas autant que le maistre de qui il dependoit luy en donnoit le loisir [le P. Dan croit que Haedo parle en son nom dans les dialogues], de sorte que durant trois ans qu'il fut esclave, ayant appris par experience le poids des extremes incommoditez des pauvres Chrestiens, c'est pourquoy il en a si bien escrit. A son retour de son esclavage, estant bien accueilli des siens, comme il estoit homme de grands merites il fut fait abbé de Fromesta... où il a vescu en une insigne piété et y est mort tout de mesme. » Seul ce qui est allégué dans la dernière phrase soulignée n'a pu être pris à la Topographia e historia general de Argel.

« PreviousContinue »