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obscurs, et sur la plupart desquels la lumière ne pourra jamais être complète; il trouve moyen pourtant d'apprendre beaucoup au lecteur. Louis HAVET.

57.- Lectures patriotiques sur l'histoire de France à l'usage de l'enseignement primaire par J. D. LEFRANÇAIS. Deuxième édition corrigée. Paris, Delagrave. 1882, 1 vol. in-12 de 284 p.

Nous ne dirons que quelques mots du livre de M. J. D. Lefrançais. C'est un recueil très bien fait où l'on reconnaît la main d'un homme qui s'est signalé par des travaux plus considérables. Les morceaux dont se composent les trois parties du volume (I. Depuis les Origines jusqu'à Jeanne d'Arc; H. Depuis Jeanne d'Arc jusqu'à la Révolution; III. Depuis la Révolution jusqu'à nos jours) ont été heureusement choisis. Le style a toutes les qualités désirables dans un livre élémentaire. Les sentiments de M. L., exprimés surtout dans le chapitre intitulé: Les destinées de la France (p. 279-282), sont ceux d'un homme de cœur et d'un excellent citoyen. Les lectures méritent réellement le titre de patriotiques. On devrait les louer sans réserve si l'auteur n'avait parfois un peu trop penché du côté de la légende. Ainsi, ce n'était pas assez de mettre (p. 141) un dit-on devant la citation de la prétendue lettre du vicomte d'Orthe à Charles IX, cette lettre étant manifestement apocryphe. C'est encore imprudemment que (p. 146) l'impossible entrevue à la Bastille du roi Henri III avec Bernard Palissy a été racontée sans autre formule restrictive que le même dit-on. Dans les deux cas, d'Aubigné a sacrifié le devoird'être vrai au désir d'être pittoresque. Le mérite du chevalier d'Assas (pp. 168-169) a été exagéré : M. Jules Loiseleur a démontré, en 1872, que le jeune officier mourut bravement, mais non héroïquement. Au sujet du vaisseau le Vengeur (p. 223-226), l'auteur a eu le tort d'adopter une version embellie. L'affaire, ramenée à ses réelles proportions par Jal (Dictionnaire critique), reste encore très belle. Il y aurait çà et là quelques légères inexactitudes à relever. Rien ne prouve que Dominique de Gourgues (p. 140) soit mort « dans la misère ». Rien ne prouve non plus que Palissy (p. 143) soit né « près d'Agen» on sait seulement que l'admirable artiste naquit dans l'Agenais. - M. Laboulaye a fait remarquer, dans sa belle édition des Euvres complètes de Montesquieu, que la phrase tant répétée et que répète de nouveau M. Lefrançais (p. 272), sur la République et la Vertu, n'a pas été bien comprise. Il sera facile de faire disparaître ces petites taches d'un recueil destiné à être si souvent réimprimé.

T. DE L.

58.

Lord Byron, von Karl ELZE, zweite vermehrte Ausgabe. Berlin, Robert Oppenheim, 1881. 1 vol. in-8°, 499 p.

La Vie de Byron de M. Karl Elze, sans présenter aucune qualité bien saillante de forme ou de fond, est néanmoins une des plus satisfaisantes qui aient été publiées. C'est une œuvre consciencieuse, généralement exacte, sans parti pris; les jugements sont pris dans le bon sens, le style est clair et facile : l'auteur n'apporte point de faits nouveaux, mais il résume bien les faits connus, et le tout offre une honnête moyenne. Les vues nouvelles sont rares: signalons cependant quelques pages intéressantes sur le curieux et assez triste incident de 1869, connu dans la polémique contemporaine sous le nom de « scandale BeecherStowe ». M. Elze suppose que les fameuses révélations de l'éminente romancière, destinées à éclaircir le secret de la rupture de lady Byron et de son mari, ne sont pas une invention tardive dictée par les rancunes aveugles de lady Byron ou par l'imagination échauffée de l'auteur de L'oncle Tom, mais qu'elles couraient déjà sous le manteau au moment de la rupture. Certains passages de la correspondance de Byron, certaines réticences, certaines allusions indignées, quelques vers des pièces à Augusta prennent, en effet, dans cette hypothèse une signification nouvelle et trop claire.

Signalons un chapitre qui aurait pu être intéressant sur la place de Byron dans la littérature européenne et qui est par trop superficiel. Le lecteur français y trouvera pourtant son profit: il y apprendra par exemple, que Lamartine a traduit en vers le quatrième chant de Childe Harold. L'auteur aura vu cité quelque part : « Lamartine, Dernier chant du pèlerinage de Harold » et comme Childe Harold a quatre chants il a conclu avec trop de logique : « Lamartine, quatrième chant de Childe Harold, traduit en vers français. » L'auteur fera bien de modifier cette conclusion dans une troisième édition, s'il n'y voit pas d'inconvénient. James DARMESTETER.

VARIÉTÉS

Un manuscrit byzantin de Moscou.

La Revue (russe) du Ministère de l'Instruction publique a publié, dans ses livraisons de juin, juillet, août 1881, un important travail de M. V. Vasilievsky. intitulé Récits et conseils d'un grand seigneur

1. Un tirage à part de ce travail a été offert écemment par M. Riant à l'Académie des Inscriptions.

byzantin du xr siècle d'après un manuscrit grec inédit du xv° siècle. M. V. est l'un des représentants les plus brillants des études byzantines en Russie; le document qu'il a découvert et publié est d'une incontestable importance. On me saura gré d'appeler sur lui l'attention des érudits.

Ce document, que M. V. appelle provisoirement : Traité de stratégie par un inconnu, se trouve à la bibliothèque synodale de Moscou: il fait partie d'un recueil écrit au xve siècle et qui a autrefois appartenu au couvent d'Iviron au mont Athos. Il est décrit sommairement dans le catalogue de Matthæi où il figure sous le numéro 285 (Accurata codicum græcorum mss. bibliothecarum mosquensium sanctissimæ synodi notitia. Lipsiæ, 1805). Il comprend un grand nombre de morceaux intéressants au point de vue religieux et littéraire : un extrait des règlements ecclésiastiques sur les fêtes et les jeûnes, l'Alexandre du Pseudo-Callisthène, des récits byzantins d'origine orientale, Syntipas (Sindbad), Stéphanite et Ichnilat, deux traités d'art militaire, l'un attribué à l'empereur Phocas, l'autre anonyme, diverses rédactions des fables. d'Esope, une vie d'Esope, les apophthegmes des anciens philosophes, des articles de polémique religieuse contre les mahométans, les catholiques, et surtout contre l'hérésie arménienne, le Physiologus d'Epiphane de Chypre, etc. C'est d'après ce recueil que Matthæi a publié Syntipas Syntipe, philosophi... fabulæ LCII, Lipsia 1787).

Plusieurs savants russes l'ont étudié au point de vue de leurs travaux théologiques ou littéraires. Mais jusqu'ici personne ne s'est occupé de la partie historique du recueil, partie qui, à en juger par les catalogues, ne se retrouve dans aucune bibliothèque européenne. L'examen sérieux auquel M. V. s'est livré l'a amené à des découvertes intéressantes.

Le recueil renferme, avons-nous dit, deux traités de stratégie : le premier offre certaines analogies avec celui de l'empereur Nicéphore Phocas pt maрabрons Toλépo par M. Haase. Le second est d'un auteur absolument inconnu; il ne ressemble en rien aux ouvrages antérieurs de Polyen, d'Arrien, de Maurice, ou de Léon le Sage. Il renferme, outre des notions de stratégie, des préceptes moraux, des conseils de sagesse pratique et d'économie domestique; ils sont présentés sous forme d'instructions adressées par un père à ses enfants. L'auteur leur a donné des développements considérables. L'ouvrage est donc très précieux pour l'étude des idées byzantines sur la famille, la société, l'Etat. Il renferme aussi de nombreux matériaux pour l'histoire du temps; ce sont des épisodes militaires, diplomatiques qu'on chercherait en vain ailleurs. Il éclaire d'un nouveau jour l'histoire de Byzance et des peuples qui faisaient partie de son empire, ou qui se trouvaient en lutte avec elle. On rencontre souvent le nom des Bulgares et de leur roi Samuel (977-1014) et celui du célèbre prédécesseur des princes monténégrins Etienne Voïslav, prince de Zeta et de Dioclea.

On trouve mentionnés les Varègues et les Russes qui étaient au service

de Byzance. On rencontre, ce qui est encore plus important, de nombreux détails sur la révolte des Valaques de Thessalie dans la seconde moitié du x1° siècle; c'est le texte le plus ancien qu'on connaisse sur ce sujet. Les aventures à Constantinople du Toparque de la ville de Zara fournissent des matériaux tout à fait nouveaux sur l'histoire de la Dalmatie au xr siècle.

J'ai surtout étudié les textes analysés et quelquefois reproduits par M. V. au point de vue des renseignements nouveaux qu'ils pourraient me fournir sur les Varegues au service de Constantinople. J'ai rencontré de curieux détails. Ainsi, au § 78, il est question de la ville d'Otrante gouvernée (pour le compte de Byzance) par un Otrantin nommé Malapezzi. Elle est défendue par une garnison composée de Russes et de Varangues, fantassins et marins (Εφύλαττε δὲ αὐτὴν Υδρουντιανὸς ὁ Μαλαπέτζής ἔχων εἰς φυλακὴν τοῦ κάστρου Ρώσων (sic) καὶ Βαράγγους, κονταράτους τε καὶ πλωίμους). Il est assez curieux de voir les Varègues défendre, pour le compte des em pereurs byzantins, une province dont leurs cousins les Normands feront bientôt la conquête. On connaissait déjà par d'autres textes leur présence dans l'Italie méridionale. Ce qui est plus singulier, c'est la présence des Russes en Italie; ce sont évidemment des Russes qui, conduits par des chefs varègues, ont pris du service à Constantinople et qui ont été envoyés dans la péninsule. La faculté pour les empereurs byzantins de prendre à leur service des Russes auxiliaires est d'ailleurs formellement stipulée dans les deux traités entre Constantinople et les princes russes rapportés par la chronique de Nestor.

Plus loin, § 246, figure l'important épisode de Harald ('Apaλtǹs), fils du roi de Varangie, c'est-à-dire de Norvège (βασιλέως μὲν Βαραγγίας ἦν vios) qui vient prendre du service à Constantinople, se distingue par sa valeur en Sicile et reçoit le titre de μαγγλαβίτης, et ensuite de σπαθαροxavdidáts. Ce texte est d'une importance considérable. Jusqu'ici le sé jour de Harald à Constantinople était complètement inconnu, d'autre part, c'est la première fois que l'on voit le nom des Varègues prendre en dehors des sources russes une valeur géographique.

On avait cru longtemps que les Varangues de Constantinople désignaient seulement un corps de mercenaires à la solde des empereurs byzantins. Le texte en question montre clairement que le mot désignait un peuple scandinave. Ce texte arrive à propos à une époque où un certain nombre d'historiens russes, plus patriotes que critiques, ont entrepris de prouver l'origine slave des Varègues.

M. Vasilievsky, dans le mémoire publié par la Revue russe, n'a guère fait que donner une analyse de ce précieux manuscrit; il est à souhaiter qu'il en publie prochainement une édition critique avec commentaire en latin. Les érudits auxquels la langue russe n'est pas familière lui en seraient profondément reconnaissants.

L. LEGER.

CHRONIQUE

FRANCE. La librairie Plon publie en deux volumes les Plaidoyers politiques et judiciaires de Jules Favre; cette publication a été dirigée par Mme veuve Jules Favre, née Velten.

- La seconde livraison du Supplément aux dictionnaires turcs, par notre collaborateur M. Barbier de Meynard, vient de paraître dans la nouvelle série des publications de l'Ecole des langues orientales. Ce fascicule comprend la fin de la lettre élif, leb et le commencement du p qui est la troisième lettre de l'alphabet persan-turc. On y trouve la même richesse de proverbes, d'idiotismes, de locutions empruntées à la langue populaire et absolument négligées des lexicographes précédents. Il est à souhaiter que l'auteur puisse terminer bientôt les deux fascicules suivants qui doivent compléter le premier volume, afin de nous donner l'introduction où il se propose d'étudier l'histoire de la langue ottomane et les travaux dont elle a été l'objet en Europe. C'est par là surtout que la laborieuse entreprise de M. Barbier de Meynard, destinée avant tout aux idées pratiques, se recommande aussi à l'attention du monde savant.

- Dans la même collection, M. Schefer a publié la très curieuse et très instructive relation du voyage de Nassiri Khosrau en Syrie, en Palestine, en Egypte, en Arabie et en Perse pendant les années 1035-1042 de notre ère. Le texte persan est accompagné d'une excellente traduction enrichie de notes et suivie : 1o d'un appendice contenant des notices sur plusieurs villes; 2o d'un index alphabétique. L'introduction réunit tous les renseignements accessibles sur la vie du célèbre poète-voyageur. A la page xix, l. 2, le second hémistiche du vers cité nous paraît signifier : Lorsque l'âme raisonnable eut pénétré dans ce corps impur. » En effet, le mot nátiqah, dans la philosophie musulmane, désigne l'âme raisonnable, la Xoyixń duzń de la philosophie grecque.

- Dans une Note sur un point relatif à la bataille de la Montagne Blanche, lue à l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon, le 29 novembre 1881, M. E. CHARVÉRIAT montre que le général nommé Hollach par quelques historiens n'est autre que Hohenlohe. « Hohenlohe et Hollach désignent le même personnage et portent le même nom sous deux formes différentes. » La note est extraite du XXI vol. des mémoires de la classe des lettres de l'Académie de Lyon.

- M. H. TAINE, de l'Académie française, a publié la troisième édition de sa Philosophie de l'Art. L'ouvrage comprend deux volumes; le premier (librairie Hachette. 330 p.) est consacré à la Nature de l'œuvre d'art, à la Production de l'œuvre d'art, à la Peinture de la Renaissance en Italie et à la Peinture dans les Pays-Bas; le second est ainsi divisé : La peinture dans les Pays-Bas (suite); La sculpture en Grèce ; De l'idéal dans l'art.

- L'ouverture du cours de celtique professé au Collège de France par M. d'ARBOIS DE JUBAINVILLE, a eu lieu le mardi 14 février. Ce cours continuera les mardi et les vendredi de chaque semaine.

- D'anciens amis, collègues et élèves d'Eugène Despois ont pris l'initiative d'une souscription pour élever un monument funèbre à l'éminent écrivain et professeur; les personnes qui veulent s'associer à ce dernier hommage rendu à la mémoire d'Eug. Despois, sont priées d'adresser leur adhésion à M. Et. Arago (64, boulevard Saint-Michel).

ALLEMAGNE.

On vient de publier à Leipzig, chez Otto Schulze, un recueil des conférences d'esthétique faites par Krause à l'Université de Gættingue pendant l'hi

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