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mais quel français? L'amour de l'indépendance qui caractérise l'esprit allemand nous paraît un obstacle encore plus grand. Comment? Les étudiants allemands qui n'ont jamais subi l'internat et qui jouissent d'une liberté illimitée dans leurs études, viendraient s'enfermer dans une sorte de séminaire pour terminer leur préparation professionnelle? A notre avis, un homme isolé de ses compatriotes fera plus de progrès dans la langue étrangère, et connaîtra plus vite et mieux le génie de la nation où il vit. Bien des Allemands sont venus en France dans ces conditions, et ont appris ainsi à aimer la langue française et le génie français. On ferait mieux de laisser subsister cet état de choses que de vouloir réglementer ce qui est beaucoup trop délicat pour supporter une réglementation officielle.

Bernhard MANGOLD.

FRANCE.

CHRONIQUE

M. BOSSERT Corrige en ce moment une réimpression, revue avec soin, de ses ouvrages sur la littérature allemande. La maison Hachette va publier en in-12°; 1o Littérature allemande au moyen áge et les origines de l'épopée germanique; 2o Goethe, ses précurseurs et ses contemporains; 3° Goethe et Schiller. M. E. THOMAS Corrige également les épreuves d'une édition, à l'usage des professeurs, d'un Pro Archia (chez Hachette).

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Louis-Claude Douet-d'Arcq, chef de la section historique aux Archives Nationales, décédé le 29 janvier dernier à l'âge de 74 ans, était sorti de l'Ecole des Chartes en 1833. On lui doit un grand nombre de publications relatives à l'histoire de France et à l'archéologie du moyen âge dont les principales sont les suivantes : Registres de l'Hôtel-de- Ville de Paris pendant la Fronde, 1846-7, deux vol., en collaboration avec Le Roux de Lincy; La Chronique d'Enguerran de Monstrelet, 1857-62, six vol.; Choix de pièces inédites relatives au règne de Charles VI, 1864, deux vol., Comptes de l'argenterie des rois de France au xive siècle, 1851, un vol. A ces comptes l'éditeur a joint un vocabulaire technique qui constitue un supplément précieux au Glossaire des émaux du Louvre, du comte de Laborde; Comptes de l'hôtel des rois de France aux xive et xve siècles, 1865, un vol. in-8°; Nouveaux comptes de l'argenterie des rois de France, 1874, un vol. Toutes ces publications font partie de la collection de la Société de l'Histoire de France. Les deux ouvrages les plus importants de Douët d'Arcq sont ses Recherches historiques et critiques sur les anciens comtes de Beaumont-sur-Oise, du xi au XIIIe siècle, in-4°, parues en 1855 dans le t. IV des documents publiés par la Société des Antiquaires de Picardie, et sa Collection de sceaux, 3 vol. in-4o, 1863-1868, qui fait partie des Inventaires publiés par la direction des Archives nationales. En outre, il a publié un grand nombre de mémoires, de rapports et d'articles variés dans la Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, dont il fut l'un des fondateurs, dans la Revue archéologique, et dans la Revue des Sociétés sa

vantes.

ALLEMAGNE.-M. Lucien MÜLLER va publier une édition des Odes d'Horace, avec notes en allemand.

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Nous avons annoncé récemment à nos lecteurs que la Deutsche Zeitung de

Vienne avait institué un concours de poésie et proposé comme sujet un chant national spécialement destiné aux Allemands de l'Autriche. 1570 compositions ont été envoyées au jury; l'heureux vainqueur se nomme Joseph Winter; après lui, un M. Reinhold Fuchs a obtenu le second prix. Nous avons lu les deux productions couronnées par la commission; nous avouons que le lied de M. Fuchs nous semble mieux réunir les conditions d'un chant national que le lied de M. Winter; il a, ce nous semble, plus de chaleur et de rapidité; il a un refrain, ce que n'a pas la pièce de vers qui a obtenu le premier prix (Deutsch auf ewig sollst du bleiben — Oestreich, deutsches Vaterland); enfin, il a l'allure moins belliqueuse et le ton moins agressif. Quoi qu'il en soit, nous ne croyons pas que la poésie de M. Winter, malgré ses mérites et l'honneur du premier prix, devienne jamais l'hymne national des Allemands de l'Autriche.

- Le 2000 volume de la collection Tauchnitz ou Collection of british authors vient de paraître ; c'est l'ouvrage de M. Henri MORLEY, Of english literature in the reign of Victoria, with a glance at the past. Le premier volume de cette collection fut publié le 1er septembre 1841 (Pelham, de sir Edward Bulwer Lytton); en 1860 paraissait le 500e volume (Five centuries of the english language and literature); en 1870, le 1000 (The New Testament).

La Faculté de philosophie de l'Université de Goettingue a proposé le sujet de concours suivant: Poetarum scenicorum graecorum loci ad ornatum et gestum scaenicum pertinentes colligantur disponantur explicentur ita ut contendantur inter se atque cum reliquis scriptorum veterum locis cumque artium operibus ad easdem res referendis. Les travaux doivent être envoyés avant le 15 avril de cette année. – La Société des sciences de Goettingue a élu, comme membre étranger, M. Adolphe KIRCHHOFF, et comme correspondants, MM. BUECHELER (Bonn) et Aug. Nauck (Saint-Pétersbourg).

Nous apprenons la mort du comte de NOER. Né le 16 nov. 1830, il était le chef de la seconde ligne de la maison princière de Schleswig Holstein. Lorsque son père, le prince Frédéric de Schleswig-Holstein, fut banni en 1851 par le Danemark, le jeune prince se rendit en Angleterre pour se vouer à la marine. Il parcourut l'Orient, et ses voyages lui inspirèrent le goût des études historiques; il venait de publier les deux premiers fascicules (516 pages) d'une Histoire de l'empereur Akbar (Kaiser Akbar, ein Versuch ueber die Geschichte Indiens im xvi. Jahrhundert. Leyden, Brill). Nous avons rendu compte du premier fascicule de cet ouvrage. En 1870 le duc était revenu dans sa patrie; il s'y maria sur son domaine de Noer avec une dame de la bourgeoisie et obtint en même temps la permission de renoncer à son rang de prince et de se nommer comte de Noer.

BELGIQUE. La classe des lettres de l'Académie royale de Belgique a voté, dans la séance du 9 janvier, l'impression, dans le recueil de ses Mémoires, d'un travail de M. le lieutenant-colonel P. HENRARD, intitulé: Jules César et les Eburons. - La commission royale d'histoire a déterminé le programme de ses travaux pour 1882; MM. Kervyn de Lettenhove, Piot, Devillers continueront les publications qu'ils ont commencées; M. Wauters publiera le tome VII de la Table chronologique des chartes et diplomes imprimés concernant l'histoire de la Belgique; et M. Poullet, le tome IV de la Correspondance de Granvelle

Le prix quinquennal des sciences morales et politiques (période de 1876-1880) a été décerné à M. de LAVELEYE, pour ses quatre volumes Lettres sur l'Italie, Agriculture belge, Socialisme contemporain et La propriété et ses formes primitives; le jury qui a décerné le prix, s'estime heureux de « pouvoir ainsi rendre hommage au savant qui a illustré son pays par tant d'oeuvres excellentes, au vigoureux

semeur qui, dans tous les sillons où il passe, fait verdir après lui une moisson abondante ». ITALIE. La Rassegna settimanale cesse de paraître; nous le regrettons vivement, car cette revue, que nous analysions sur la couverture de notre recueil, renfermait des articles de grande valeur et des comptes-rendus sérieusement faits. Mais, dit M. Sidney Sonnino, en faisant ses adieux aux abonnés de son excellente revue, l'achat des principaux journaux politiques de l'Italie par des étrangers avait vivement ému le public; à la veille d'élections générales avec une nouvelle loi électorale (le scrutin de liste) et pendant que s'agitent en Europe les questions les plus vitales pour l'Italie, l'état de dépendance où se trouvent beaucoup des organes les plus autorisés de la presse italienne, faisait courir un danger au pays. M. Sonnino s'est donc associé avec plusieurs amis pour fonder, dans les conditions les plus favorables d'indépendance économique et politique, un nouveau journal politique quotidien, La Rassegna. Mais, ne pouvant faire front à une double obligation, M. Sonnino s'est vu contraint de renoncer à publier désormais la Rassegna Settimanale, « quoique son cœur se serre en la voyant mourir après quatre années de soins incessants ». Puisse le nouveau journal de M. Sonnino, La Rassegna, ouvrir ses colonnes à des articles aussi solides et aussi instructifs que l'étaient souvent ceux de la Rassegna settimanale!

ACADEMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES

Séance du 10 février 1882.

MM. Albert Dumont et Siméon Luce écrivent pour poser leur candidature à la place d'académicien ordinaire laissée vacante par la mort de M. Dulaurier.. M. Chodzko écrit pour retirer sa candidature à la même place.

L'Académie se forme en comité secret pour l'examen des titres des candidats, qui sont au nombre de trois, MM. A. Dumont, S. Luce et H. Weil.

Après la reprise de la séance publique, M. Desjardins annonce une découverte qui vient d'être faite par M. Vacquer, architecte chargé par la ville de Paris de la surveillance archéologique des fouilles et démolitions. On a trouvé, entre le boulevard Saint-Marcel, la rue Vésale et la rue de la Collégiale, un monument funéraire romain, orné d'un bas-relief qui représente trois personnages vus de front et portant des offrandes. Sur la face latérale gauche est figuré très nettement l'instrument dit ascia, emblème funéraire fréquent sur les monuments de Lyon et du midi de la Gaule, mais dont on n'avait pas encore trouvé d'exemple à Paris. Au bas du monument devait se trouver une inscription; elle a malheureusement disparu. Les fragments retrouvés ont été déposés au musée de la ville de Paris, à l'hôtel Carnavalet. A propos de cette découverte, M. Desjardins rappelle celle qui a été faite, il y a quelque temps, rue Nicole; là aussi, on a trouvé des restes de monuments romains. Ce point de la rue Nicole devait se trouver sur le passage de la voie romaine qui, se dirigeant du nord au sud, traversait la Seine en passant par le milieu de l'île que nous appelons aujourd'hui la Cité. Cette voie suivait la rue Saint-Martin, le pont Notre-Dame, la rue de la Cité, le Petit-Pont et la rue Saint-Jacques jusqu'au point où est l'église Saint-Jacques du Haut-Pas. En cet endroit, la rue Saint-Jacques fait aujourd'hui un coude et dévie à gauche; la voie romaine, au contraire, continuait en ligne droite presque jusqu'à Orléans; c'est ainsi qu'elle passait sur l'emplacement actuel de la rue Nicole. M. Lenormant, continuant sa lecture sur les antiquités de la Terre d'Otrante, énumère les diverses sortes de vases de fabrication grecque ou italique qui ont été trouvés dans la province de Lecce et qui se rencontrent aujourd'hui en plus ou moins grand nombre dans les musées et collections de cette région.

par

Ouvrages présentés, de la part des auteurs :- par M. Pavet de Courteille: COSNAC (le comte DE), Souvenirs du règne de Louis XIV, tome VIII et dernier; M. Georges Perrot: Transactions of the Cambridge Philological Society, vol. 1; 2o MASPERO (G.), les Contes populaires de l'Egypte ancienne (vol. IV de la collection la Littérature populaire); 36 ŔHONÉ (Arthur), Auguste Mariette, esquisse de sa vie et de ses travaux, avec une bibliographie de ses œuvres (extrait de la Gazette des beauxarts); par M. Delisle : 10 BOISLISLE (A. DE), Mémoires du duc de Saint-Simon, nouvelle édition, tome III (de la collection des Grands Ecrivains de la France); 2° (de la part de M. le comte Riant) Archives de l'Orient latin, tome 1. - Julien HAVET. Le Propriétaire-Gérant: ERNEST LEROUX.

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Le Puy, typ. et lith. Marchessou fils, boulevard Saint-Laurent, 23

REVUE CRITIQUE

PERIODICA

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Sommaire : 44. De Lagarde, Les noms sémitiques du figuier et de la figue.
45. Chartes de Terre-Sainte, p. p. Fr. DELABORDE. 46. GAUFRÈS, Claude Ba-
duel et la réforme des études au xvIe siècle. 47. SHAIRP, Essais sur la poésie.
- Thèses de M. Cons. -
Académie des Inscriptions.

Chronique.

44. — Ueber die semitischen Namen des Feigenbaumes und der Feige etc., von Paul de LAGARDE. Extrait des Nachrichten von der Koeniglichen Gesellschaft der Wissenschaften an der Georg-Augusts-Universität zu Gottingen. No 15, 3 décembre 1881.

Les monographies sur les noms sémitiques des arbres et des fruits sont excessivement rares de nos jours, surtout celles qui sont à la hauteur des recherches multiples qu'exige un sujet aussi compliqué, bien que très simple en apparence. Les sémitisants me sauront donc gré de leur signaler une savante dissertation sur les noms sémitiques du figuier et de la figue composée par M. Paul de Lagarde, professeur à l'Université de Gættingue. En communiquant son mémoire à la Société royale des sciences, M. de L. en a retracé lui-même l'origine et le but. « Notre collègue, M. le comte Herman de Solms-Laubbach, m'a demandé à quelle époque les Sémites auraient connu pour la première fois le figuier et la figue. Je réponds publiquement à cette question, parce que je veux mettre M. de Solms-Laubbach en état de connaître l'opinion d'autres que moi sur ce sujet ».

M. de L. rappelle d'abord les dates très diverses auxquelles remontent les documents sémitiques rédigés dans les trois langues qu'il s'agit de comparer l'hébreu, l'araméen et l'arabe. La littérature israélite s'étend depuis 900 environ jusqu'à 200 environ avant J.-C., et, pendant les 300 dernières années de cette période, l'hébreu n'était plus qu'une langue savante. En fait de documents araméens, ceux qui remontent aux époques anciennes sont excessivement rares, la plupart viennent des années 250 à 900 après J.-C. L'arabe enfin ne nous est connu que depuis 600 après J.-C. Il suit de là qu'on ne doit faire la comparaison des mots de ces langues que sous certaines restrictions; qu'on peut quelquefois admettre des altérations plus ou moins complètes pour les mots que l'on veut comparer; que l'absence d'un mot ou d'une forme dans l'une de ces langues, à une époque déterminée, ne prouve point qu'elles n'aient jamais possédé l'un ou l'autre; qu'enfin, quand un mot semble enfreindre une règle générale, on doit se douter qu'on a à faire à un terme emprunté à un dialecte inconnu.

Nouvelle série, XIII.

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Après avoir posé de la sorte les bases de toute recherche philologique, M. de L. entreprend de résoudre son problème, et il le fait avec une argumentation vigoureuse, étincelante de science et d'esprit, dont nous donnerons le résumé, sauf à revenir avec plus de détail sur quelques points secondaires.

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Dans l'idiome sémitique- l'auteur appelle ainsi l'idiome primitif dont sont issues les trois langues citées plus haut le figuier semble s'être appelé ti'n et la figue balas. Le premier de ces vocables a produit trois formes différentes, savoir l'hébreu te'ên qui augmenté de l'a de l'unité devient te'ênâ, au pluriel te'ênîm; l'araméen tittá (pour tï'nta), au pluriel ti'né, l'arabe tîn (pour ti'n), nom collectif. Ces mots désignent aussi bien l'arbre que le fruit. Le second vocable, balas, est employé en arabe et en éthiopien pour désigner la figue, tandis que l'hébreu possède de la racine bls le participe bôlés « celui qui caprifie »; l'araméen seul ne la possède plus aujourd'hui, mais c'est probablement une perte relativement récente. Il faut maintenant déterminer si la forme présumée ti'n était commune à tous les Sémites, c'est-à-dire si elle est antérieure aux formes historiques, ou si elle faisait primitivement défaut aux Araméens et peut-être aussi aux Arabes, qui l'auraient tous deux reçue des Israélites. Dans le premier cas, le figuier aurait appartenu à l'habitat primitif des Sémites; dans le second, il aurait été originairement restreint à la flore d'une seule région sémitique et se serait répandu de là chez les autres peuples de la même race.

La philologie pourra peut-être dissiper ce doute. Le vocable en question montre dans les trois langues susmentionnées un t initial; cela semblerait un peu étrange en présence de la règle de transformation (Lautverschiebung) avérée, d'après laquelle le t araméen répond au th arabe et au sch hébreu, si l'on n'admettait que ce t constitue une lettre préformative, laquelle se soustrait naturellement à la loi de transformation. Il s'ensuit que le mot ti'n vient d'une racine any, de même que, par exemple, tibn (= héb. teben) « paille » vient de bany « construire. Les textes hébreux n'offrent de cette racine any que les voix secondaires. Le futur du qal malgré l'analogie de yé'eté (r. aty), ne peut guère avoir été ré'ené, puisque cette forme paraît propre à une autre racine any et peut-être aussi à la racine yny, qui est souvent confondue en hébreu avec les deux premières; le futur a sans doute été ya'né et plus tard yồné, comme le prouve d'une manière incontestable (unumstæsslich) la vocalisation traditionnelle du mot to'anâ qui appartient très certainement (ganz sicher) à la racine any. Cette considération fait voir que la forme te'ên ti'n est déplacée sur le domaine de l'hébreu, dans lequel le vocable t'n, dérivé de any, aurait sans doute été prononcé tổn.

Si la forme ti'n exclut l'origine hébraïque, le fond exclut l'origine araméenne, car la racine any manque de dérivé en araméen : tout au plus en reste-t-il une faible trace dans la langue parlée jadis dans le pays occupé plus tard par les Araméens, dans la langue assy

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