cristal ruisselant coulait, — et qu'elle volait au loin le long des îles empourprées,-nue, comme une double lumière dans l'air et dans la vague'. » Voilà l'accent de la Renaissance, tel qu'il est sorti du cœur de Spenser et de Shakspeare; ils ont eu cette adoration voluptueuse de la forme et de l'âme, et ce divin sentiment de la beauté. V Il y a une autre chevalerie qui ouvre le moyen âge comme celle-ci le ferme, chantée par des enfants comme celle-ci par des jeunes gens, et retrouvée dans les Idylles du roi comme celle-ci dans la Princesse. C'est la légende d'Arthur, de Merlin et des chevaliers de la Table-Ronde. Avec un art admirable, Tennyson en a renouvelé les sentiments et le langage; cette âme flexible prend tous les tons pour se donner tous les plaisirs. Cette fois il s'est fait épique, an 1. She turn'd; she paused; She stoop'd; and with a great shock of the heart tique et naïf, comme Homère et comme les vieux trouvères des chansons de Geste. Il est doux de sortir de notre civilisation savante, de remonter vers l'âge et les mœurs primitives, d'écouter le paisible discours qui coule abondamment et lentement comme un fleuve sur une pente unie. Le propre de l'ancienne épopée est la clarté et le calme. Les idées viennent de naître; l'homme est heureux et encore enfant. Il n'a pas eu le temps de raffiner, de ciseler et d'enluminer sa pensée; il la montre toute nue. Il n'est point encore aiguillonné par des convoitises multipliées; il pense à loisir. Toute idée l'intéresse; il la développe curieusement; il l'explique. Son discours ne bondit jamais; il va pas à pas d'un objet à l'autre, et tout objet lui semble beau; il s'arrête, il regarde et se complaît à regarder. Cette simplicité et cette paix sont étranges et charmantes; on se laisse aller, on est bien, on ne désire pas aller plus vite; il semble que volontiers on resterait toujours ainsi. Car la pensée primitive est la pensée saine; nous n'avons fait que l'altérer par les greffes et la culture; nous y revenons comme dans notre fonds le plus intime pour y trouver le contentement et le repos. Mais entre toutes les épopées, ce qui distingue celle de la Table-Ronde, c'est la pureté. Arthur, « le roi irréprochable, » a assemblé « cette glorieuse compagnie, la fleur des hommes, pour servir de modèle au vaste monde, et pour être le beau commencement d'un âge. Il leur a fait mettre leurs mains dans les siennes, jurer de respecter leur roi comme s'il était leur conscience, et leur conscience comme si elle était leur roi; de ne point dire de calomnie et de n'en point écouter; de passer leur douce vie dans la plus pure chasteté; de n'aimer qu'une jeune fille, de s'attacher à elle; de lui offrir pour culte des années de nobles actions. » Il y a une sorte de plaisir raffiné à manier un pareil monde; car il n'y en a point où puissent naître de plus pures et de plus touchantes fleurs. Je n'en montrerai qu'une, Elaine, « le lis d'Astolat, » qui, ayant vu Lancelot une seule fois, l'aime à présent qu'il est parti, et pour toute sa vie. Elle garde dans la tourelle le bouclier qu'il a laissé, et tous les jours elle y monte pour le contempler, comptant les marques des coups de lance et vivant de ses rêves. Il est blessé, elle va le soigner et le guérit. Et cependant elle murmurait : « En vain, en vain; cela ne peut pas être. Il ne m'aimera pas. Quoi donc, faut-il que je meure? >>> << Puis, comme un pauvre petit oiseau innocent quelques notes, qui n'a qu'un simple chant de répète son simple chant et le répète toujours, pendant toute une matinée d'avril, jusqu'à ce que l'oreille se lasse de l'entendre, ainsi l'innocente enfant allait la moitié de la nuit répétant: « Faut-il que je meure'? » Elle se 1. « She murmur'd » a vain, in vain: il cannot be. Then as a little helpless innocent bird, For all an april morning, till the ear déclare enfin, avec quelle pudeur et de quel élan ! Mais il ne peut l'épouser, il est lié à une autre. Elle languit et s'affaisse; on veut la consoler, elle ne le veut pas; on lui dit que Lancelot est coupable avec la reine; elle ne le croit pas. Elle dit à ses frères : « Chers frères, vous aviez coutume, quand j'étais une petite fille, de me prendre avec vous dans le bateau du batelier, et de remonter avec la marée la grande rivière. Seulement vous ne vouliez pas passer au delà du cap où est le peuplier. Et je pleurais parce que vous ne vouliez pas aller au delà, et remonter bien loin la rivière luisante, jusqu'à ce que nous eussions trouvé le palais du roi. A présent, j'irai'. » Elle meurt, et, selon sa dernière prière, ils l'emportent <<< comme une ombre à travers les champs qui brillent dans leur pleine fleur d'été, » et la posent sur la barque toute tendue de velours noir. La barque remonte poussée par la marée, « et la morte avec elle, dans sa main droite un lis, dans sa main gauche 1. Wearies to hear it, so the simple maid Went half the night repeating, « must I die?»> As happy as when we dwelt among the woods, Now shall I have my will. »> une lettre qu'elle avait dictée, toute sa chevelure blonde ruisselant autour d'elle. Et tout le linceul était de ramené jusqu'à la ceinture; elle-même drap d'or traits si purs excepté son visage, et ce visage aux était aimable, car elle ne semblait mais profondément endormie, et reposait en souriant'. » Elle arrive ainsi dans un grand silence, et le roi Arthur lit la lettre devant tous les chevaliers et toutes les dames qui pleurent : « Très-noble seigneur, sir Lancelot du Lac, - moi qu'on appelait quelquefois la vierge d'Astolat, je viens ici, car vous m'avez quittée sans prendre congé de moi; je viens ici afin de prendre pour la dernière fois congé de vous. Je vous aimais, 1. But when the next sun brake from underground, Past like a shadow thro' the field, that shone « Sister, farewell for ever,» and again D Farewell, sweet sister, parted all in tears. Steer'd by the dumb went upward with the flood - The letter all her bright hair streaming down |