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Oui, ce chêne est bien encore « le chêne chargé de glands» d'où prit jadis son essor

De Jupiter l'agile et brillant messager;

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et lorsque les saisons ou le temps l'auront miné, il y aura encore dans ce lieu le chêne de Marius. ATT. Je n'en doute pas; mais ce n'est plus à vous, Quintus, c'est au poète lui-même que je demande si ce sont ses vers qui ont fait naître le chêne, ou si ce qu'il a écrit de Marius est vrai. - MARCUS. Je vous répondrai, Atticus, mais quand vous-même m'aurez répondu. N'est-ce pas non loin de votre maison qu'après avoir quitté la terre, se promenait Romulus, lorsqu'il annonça à Julius Proculus qu'il était dieu, qu'il s'appelait Quirinus, et qu'il ordonna qu'on lui élevât un temple en ce lieu même? A Athènes, assez près même de votre antique demeure, Borée n'enleva-t-il pas Orithyie? c'est là la tradition. ATT. Où voulez-vous en venir avec vos questions? - MARC. Je veux seulement dire qu'il ne faut pas s'enquérir trop rigoureusement de tels récits. — ATT. Mais cependant on fait sur le Marius mille questions les faits sont-ils vrais ou faux? Dans des évènemens encore récens, et dans un poète d'Arpinum, on exige une exactitude presque minutieuse. MARC. Certes, je n'ai pas envie de passer pour menteur; mais n'est-ce pas une sévérité déplacée, d'exiger du poète, dans une telle œuvre, la véracité d'un témoin? Sans doute, les mêmes personnes croient que Numa s'est entretenu avec la Nymphe. Égérie, et que jadis un aigle plaça sur la tête de Tarquin un bonnet pointu. QUINT. Je vous comprends, mon frère autres sont les lois de l'histoire, autres les lois de la poésie.

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positum putent.-QUINT. Intelligo, te, frater, alias in historia leges observandas putare, alias in poemate. — MARC. Quippe quum in illa ad veritatem quæque referantur, in hoc ad delectationem pleraque. Quanquam et apud Herodotum, patrem historiæ, et apud Theopompum sunt innumerabiles fabulæ.

II. ATT. Teneo, quam optabam, occasionem, neque omittam. — MARC. Quam tandem, Tite?—ATT. Postulatur a te jam diu, vel flagitatur potius historia. Sic enim putant, te illam tractante, effici posse, ut in hoc etiam genere Græciæ nihil cedamus. Atque, ut audias quid ego ipse sentiam, non solum mihi videris eorum studiis, qui litteris delectantur, sed etiam patriæ debere hoc munus; ut ea, quæ salva per te est, per te eumdem sit ornata. Abest enim historia litteris nostris, ut et ipse intelligo, et ex te persæpe audio. Potes autem tu profecto satisfacere in ea, quippe quum sit opus, ut tibi quidem videri solet, unum hoc oratorium maxime. Quamobrem aggredere, quæsumus, et sume ad hanc rem tempus, quæ est a nostris hominibus adhuc aut ignorata, aut relicta. Nam post annales pontificum maximorum, quibus nihil potest esse jucundius, si aut ad Fabium, aut ad eum, qui tibi semper in ore est, Catonem, aut ad Pisonem, aut ad Fannium, aut ad Vennonium venias; quanquam ex his alius alio plus habet virium, tamen quid tam exile, quam isti omnes? Fannii

MARC. En effet, l'une a surtout pour but la vérité, l'autre l'amusement; bien que dans Hérodote, le père de l'histoire, et dans Théopompe, on trouve un grand nombre de fables.

II. ATT. Je la tiens enfin, cette occasion que je cherchais, et je ne la laisserai point échapper. — MARC. Quelle occasion, Titus? - ATT. Depuis long-temps on vous demande, ou plutôt on vous somme d'écrire l'histoire. On pense que, grâce à votre plume, Rome n'aura plus rien à envier à la Grèce; et, s'il vous faut dire mon sentiment, c'est pour vous une dette, non-seulement envers ceux qui aiment la littérature, mais encore envers la patrie : elle vous a dû son salut, elle vous devrait sa gloire. L'histoire, en effet, vous l'avez dit, et je le sens, l'histoire manque à notre littérature. Or, mieux que tout autre, vous pourrez y réussir, puisque, de votre propre c'est de tous les genres celui qui demande le plus la forme oratoire. Commencez donc, je vous prie; consacrez votre temps à un travail que, jusqu'à ce jour, nos concitoyens ont ou ignoré ou négligé. En effet, si, laissant de côté les annales des grands pontifes, lecture des plus agréables assurément, nous arrivons à Fabius ou à Caton, dont l'éloge est sans cesse dans votre bouche, ou même à Pison, à Fannius, à Vennonius, en admettant que l'un vaille mieux que l'autre, se peut-il trouver quelque chose de plus chétif que tous ces auteurs ensemble? Le contemporain de Fannius, Célius Antipater, a bien un peu élevé le ton; il a déployé une vigueur

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autem ætate conjunctus Antipater paullo inflavit vehementius, habuitque vires agrestes ille quidem atque horridas, sine nitore ac palæstra, sed tamen admonere reliquos potuit, ut accuratius scriberent. Ecce autem successere huic Gellii, Clodius, Asellio, nihil ad Cœlium, sed potius ad antiquorum languorem atque inscitiam. Nam quid Macrum numerem? cujus loquacitas habet aliquid argutiarum; nec id tamen ex illa erudita Græcorum copia, sed ex librariolis latinis; in orationibus autem multus et ineptus, ad summam impudentiam. Sisenna, ejus amicus, omnes adhuc nostros scriptores, nisi qui forte nondum ediderunt, de quibus existimare non possumus, facile superavit. Is tamen neque orator in numero vestro unquam est habitus, et in historia puerile quiddam consectatur: ut unum Clitarchum, neque præterea quemquam, de Græcis legisse videatur; eum tamen velle duntaxat imitari, quem si assequi posset, aliquantum ab optimo tamen abesset. Quare tuum est munus; hoc a te exspectatur: nisi quid Quinto videtur secus.

III. QUINT. Mihi vero nihil; et sæpe de isto collocuti sumus. Sed est quædam inter nos parva dissensio. ATT. Quæ tandem? —QUINT. A quibus temporibus scribendi capiat exordium. Ego enim ab ultimis censeo, quoniam illa sic scripta sunt, ut ne legantur quidem; ipse autem æqualem ætatis suæ memoriam deposcit, ut

rude et sauvage, sans éclat et sans couleur; toutefois, il a montré à ceux qui viendraient après lui qu'il fallait soigner davantage son style. Mais ses successeurs, les Gellius, un Clodius, un Asellion, n'ont point marché sur ses traces, ils n'ont fait que reproduire la faiblesse et l'ignorance de leurs devanciers. Parlerai-je de Macer, bavard subtil, compilateur d'anecdotes, et d'anecdotes puisées non dans les riches recueils des Grecs, mais dans nos chétifs documens latins: diffus dans ses discours, ses sottises vont jusqu'à l'impudence. Sisenna, son ami, est de beaucoup supérieur à tous nos historiens; je ne parle point de ceux qui n'ont pas encore publié leurs écrits: ceux-là, nous ne saurions en juger. Cependant, il n'a point encore pris place parmi vous autres orateurs, et, dans ses ouvrages, il court trop après les minuties. On voit que, de tous les Grecs, Clitarque est le seul qu'il ait lu, le seul du moins qu'il cherche à imiter; et pourtant, l'eût-il égalé, il serait loin encore de la perfection. C'est donc votre tâche; on l'attend de vous : Quintus serait-il d'un autre avis?

III. QUINT. Moi? point du tout; et nous nous en sommes souvent entretenus; mais il y a entre nous une légère dissidence. — ATT. En quoi?— QUINT. Par quelle époque commencera mon frère? Selon moi, par les temps les plus reculés; les histoires que nous en possédons étant si mal écrites, qu'elles ne se lisent même pas. Lui, il préfèrerait des évènemens contemporains,

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