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tinguent particulièrement.

Elle reflète, en quelque façon, le génie de Dante, nerveux, concis, ennemi de la phrase, abrégeant tout, faisant passer de son esprit dans les autres esprits, de son âme dans les autres âmes, idées, sentiments, images, par une sorte de directe communication presque indépendante des paroles.

Né dans une société toute formée, et artificiellement formée, il n'a ni le genre de simplicité, ni la naïveté des poëtes des premiers âges, mais, au contraire, quelque chose de combiné, de travaillé, et cependant, sous ce travail, an fond de naturel qui brille à travers ses singularités même. C'est qu'il ne cherche point l'effet, lequel naît de soimême par l'expression vraie de ce que le Poëte a pensé, senti. Jamais rien de vague: ce qu'il peint, il le voit, et son style plein de relief est moins encore de la peinture que de la plastique.

Lorsque parut son œuvre, ce fut parmi ses contemporains un cri unanime d'étonnement et d'admiration. Puis des siècles se passent, durant lesquels peu à peu s'obscurcit cette grande renommée. Le sens du poëme était perdu, le goût rétréci et dépravé par l'influence d'une littérature non moins vide que factice. Au milieu du dixhuitième siècle, Voltaire écrivait à Bettinelli: "Je fais grand cas du courage avec lequel vous avez osé dire que le Dante était un fou, et son ouvrage un monstre. J'aime encore mieux pourant, dans ce monstre, une cinquantaine le vers supérieurs à son siècle, que tout les vermisseaux appelés sonetti, qui naissent et qui meurent à milliers aujourd'hui dans l'Italie, de Milan jusqu'à Otrante."

Voltaire, qui ne savait guère mieux l'italien que le grec, a jugé Dante comme il a juge Homère, sans les entendre et sans les connaître. Il n'eut, d'ailleurs, jamais le sentiment ni de la haute antiquité, ni de tout ce qui sortait du cercle dans lequel les modernes avaient renfermé l'art. Avec un goût délicat et sûr, il discernait certaines beautés. D'autres lui échappaient. La nature l'avait doué d'une vue nette, mais cette vue n'embrassait qu'un horizon

borne.

L'enthousiasme pour Dante s'est re nouvelé depuis, et comme un excès en gendre un autre excès, on a voulu tout justifier, tout admirer dans son œuvre, faire de lui, non-seulement un des plus grands génies qui aient honoré l'humanité, mais encore un poëte sans défauts, infaillible, inspiré, un prophète. Ce n'est pas là servir sa gloire, c'est fournir des armes à ceux qui seraient tentés de la rabaisser.

Un des reproches qu'on a faits à son poëme est l'ennui, dit-on, qu'on éprouve à le lire. Ce reproche, qu'au reste on adresse également aux anciens, n'est pas de tout point injuste. Mais, pour en apprécier la valeur véritable, il faut distinguer les époques. Ce qui ennuie aujourd'hui, les détails d'une science fausse, les subtiles argu. mentations sur les doctrines théolo giques et philosophiques de l'École, rendent, sans aucun doute, cette partie du poëme fatigante et fastidieuse même. Mais elle était loin de produire le même effet au quatorzième siècle. Cette science était la science du temps, ces doctrines, fortement empreintes dans les esprits et dans la conscience, formaient l'élément principal de la vie de la société, et gouvernaient le monde. Voilà ce qu'il faudrait ne point oublier. Lucrèce en est-il moins un grand poëte, parce qu'il a rempli son poëme des arides doctrines d'une philosophie maintenant morte? Et cette philosophie, dans Lucrèce, c'est tout le poëme; tandis que celle de Dante et sa théologie, n'occupent, dans le sien, qu'une place incomparablement plus restreinte. Qui ne sait pas se transporter dans de sphères d'idées, de croyances, de mœurs, différentes de celles où le hasard l'a fait naître, ne vit que d'une vie imparfaite, perdue dans l'océan de la vie progressive, multiple, immense, de l'humanité.

Dante, au reste, a conçu son poëme comme ont été conçues toutes les épopées, et spécialement les plus anciennes. Celle de l'Inde, si riches en beautés de tout genre, ne sont-elles pas, au fond, des poemes théologiques? Que serait l'Iliade, si l'on en retranchait les dieux partout mêlés à la contexture de la fable? Seulement la Grèce, au temps d'Homère, avait déjà rompu ies

faiblesses. Et remarquez que les intervalles de son inspiration, que la sauvage dureté de son caractère, que l'aristocratie hautaine de son génie, sont des traits de plus qui le rattachent à son époque, et qui en même temps l'en séparent et l'isolent. Où que portiez vos pas dans les landes ingrates du moyen âge, cette figure, à la fois sombre et lumineuse, apparaît à vos côtés comme un guide inévitable.

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lies qui entravaient le libre essor de de l'esprit humain; sa vie est un com T'esprit. Sa religion, dépourvue de bat: rien n'y manque, les larmes, la dogmes abstraits, ne commandait au- faim, l'exil, l'amour, les gloires, les cunes croyances, et, dans son culte vaguement symbolique, ne parlait guère qu'aux sens et à l'imagination. I en fut de même chez les Romains, à cet égard fils de la Grèce. Avec le christianisme, un changement profond s'opéra dans l'état religieux. La foi en des dogmes précis devint le fondement principal de la religion nouvelle d'où l'importance que Dante, poëte chrétien, dut attacher à ces dogmes rigoureux, à cette foi nécessaire. Aujourd'hui que les esprits, entrevoyant d'autres conceptions obscures encore, mais vers lesquelles un secret instinct les attire, se détachent d'un système qu'a usé le progrès de la pensée et de la science, il a cessé d'avoir pour eux l'intérêt qu'il avait pour les générations antérieures. Mais, quelles que puissent être les doctrines destinées à le remplacer, elles seront, durant la période qu'elles caractériseront à leur tour, la source élevée de la poésie, dont la vie est la vie de l'esprit, et qui meurt sitôt qu'elle s'absorbe dans le monde matériel.

DANTE, IMITATEUR ET
CRÉATEUR.

Labitte, La Divine Comédie avant Dante.

On est donc amené naturellement à se demander ce qu'est Dante, ce qu'est cette intelligence égarée et solitaire, sans lien presque, sans cohésion avec l'art grossier de son âge? d'où vient cette intervention subite du génie, cette dictature inattendue? Comment l'oeuvre d'Alighieri surgit-elle tout à coup dans les ténèbres de l'histoire, prolem sine matre creatam? Est-ce une exception unique à travers les siècles? C'est mieux que cela, c'est l'alliance puissante de l'esprit créateur et de l'esprit traditionnel; c'est la rencontre féconde de la poésie des temps accomplis et de la poésie des âges nouveaux. Ayant devant les yeux les idoles du paganisme et les chastes statues des saints, l'image de l'ascétisme et de la volupté, Dante garda le sentiment de l'antiquité sans perdre le sentiment chrétien; il resta fidèle au passé, il comprit le présent, il demanda aux plus terribles dogmes de la religion le secret de l'avenir. Jamais le mot d'Aristote: "la poésie est plus vraie que l'histoire," ne s'est mieux vérifié que chez Dante; mais ce ne fut pas du monde extérieur du moyen âge que se saisit le génie inventif d'Alighieri; ce fut au contraire du monde in

On ne dispute plus à Dante le rôle inattendu de conquérant intellectuel que son génie a su se créer tout à coup au milieu de la barbarie des temps. L'auteur de la Divine Comédie n'est pas pour rien le représentant poétique du moyen âge. Placé comme au carrefour de cette ère étrange, toutes les routes mènent à lui, et sans cesse on le retrouve à l'horizon. Société, interne, du monde des idées. De là telligence, religion, tout se reflète en lui. En philosophie, il complète saint Thomas; en histoire, il est le commentaire vivant de Villani: le secret des sentiments et des tristesses d'alors se lit dans son poëme. C'est un homme complet, à la manière des écrivains de l'antiquité il tient l'épée d'une main, la plume de l'autre; il est savant, il est diplomate, il est grand poëte. Son œuvre est un des plus vastes monuments

viennent la grandeur, les défauts aussi, de là la valeur immense, à quelque point de vue qu'on l'envisage, de ce livre où est semée à profusion une poésie éternellement jeune et brillante. L'intérêt philosophique vient encore ici s'ajouter à l'intérêt littéraire et historique. C'est la Bible, en effet, qui inspire Milton; c'est l'Evangile qui inspire Klopstock: dans la Divine Comédie, au contraire, c'est l'inconnu, ce

sont les mystères de l'autre vie auxquels I homme est initié. La question de l'immortalité est en jeu, et Dante a atteint la souveraine poésie.

chance de choquer personne dans ce temps d'égalité.

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Ce serait une folie de soutenir que Dante lut tous les visionnaires qui l'aLa préoccupation, l'insistance de la vaient précédé. Chez lui, heureusecritique sont donc légitimes: ce per- ment, le poëte effaçait l'érudit. Cepenpétuel retour vers le premier maitre de dant, comme l'a dit un écrivain digne la culture italienne s'explique et se jus- de sentir mieux que personne le génie tifie. Jusqu'ici les apologistes n'ont synthétique de Dante, il n'y a que la pas manqué à l'écrivain: investigations rhétorique qui puisse jamais supposer biographiques, jugements littéraires, in- que le plan d'un grand ouvrage apparterprétations de toute sorte, hypothèses tient à qui l'exécute." Ce mot même pédantes ou futiles, tout semble plique précisément ce qui est arrivé à véritablement épuisé. Peut-être n'y | l'auteur de la Divine Comédie. Dante a-t-il pas grand mal: il s'agit d'un poete, a résumé avec puissance une donnée et si le vrai poëte gagne toujours à être philosophique et littéraire qui avait lu, il perd souvent à être commenté. Un point curieux et moins exploré reste cependant, qui, si je ne m'abuse, demande à être particulièrement mis en lumière: je veux parler des antécédents de la Divine Comédie. Ce poeme, en effet, si original et si bizarre même qu'il semble, n'est pas une création subite, le sublime caprice d'un artiste divine- Quand je disais tout à l'heure que ment doué. Il se rattache au contraire Dante vint tard, il ne faudrait pas enà tout un cycle antérieur, à une pen- tendre qu'il vint trop tard; l'heure de sée permanente qu'on voit se repro- pareils hommes est désignée; seulement duire périodiquement dans les âges pré-il arriva le dernier, il ferma la marche, cédents; pensée informe d'abord, qui se dégage peu à peu, qui s'essaye diversement à travers les siècles, jusqu'à ce qu'un grand homme s'en empare et la fixe definitivement dans un chefd'œuvre.

Voyez la puissance du génie! Le monde oublie pour lui ses habitudes : d'ordinaire la noblesse se reçoit des pères; ici, au contraire, elle est ascendante. L'histoire recueille avec empressement le nom de je ne sais quel croisé obscur, parce qu'à lui remonte la famille de Dante; la critique analyse des légendes oubliées, parce que ces légendes sont la source première de la Divine Comédie. La foule ne connaîtra, n'acceptera que le nom du poëte, et la foule aura raison. C'est la destinée des hommes supérieurs de jeter ainsi l'ombre sur ce qui est derrière eux, et de ne briller que par eux mêmes. Mais pourquoi ne remonterions-nous point aux origines, pourquoi ne rétablirions-nous pas la généalogie intellectuelle des éminents écrivains? Aristocratie peu dangereuse, et qui n'a

cours de son temps; il a donné sa formule définitive à une poésie flottante et dispersée autour de lui, avant lui. Il en est de ces sortes de legs poétiques comme d'un patrimoine dont on hérite: sait-on seulement d'où il vient, comment il s'est formé, à qui il appartenait avant d'être au possesseur d'hier?..

pour ainsi dire. D'ailleurs, quoique la société religieuse d'alors commençât à être ébranlée dans ses fondements par le sourd et lent effort du doute, elle avait encore gardé intact l'héritage de la foi. La forme rigoureuse de la vieille constitution ecclésiastique demeurait sans échecs apparents, et l'on était encore à deux siècles de la Réforme; la papauté, en abusant des indulgences, n'apaisait pas les scrupules des consciences chré tiennes sur les châtiments de l'enfer.

Mais quel fut le résultat immédiat du relâchement qui commençait à se manifester çà et là dans les croyances ? C'est que les prédicateurs, pour parer à ce danger, évoquèrent plus qu'auparavant les idées de vengeance, et redemandèrent à la mort ces enseignements que leur permanence même rend plus terribles. De là, ces terreurs profondes de la fin de l'homme, ces inquiétudes, ces ébranlements en quelque sorte qu'on retrouve dans beaucoup d'imaginations d'alors, et qui furent si favorables à l'excitation du génie de Dante. Les anciens figuraient volontiers la mort sous

des formes aimables; dans les temps qui avoisinent l'Alighieri, on en fait, au contraire, des images repoussantes. Ce n'est plus cette maigre jeune femme des premiers temps du christianisme; c'est plus que jamais un hideux squelette, le squelette prochain des danses macabres. Le symptôme est significatif.

térieures au poëme. Évidemment Alghieri s'est inspiré de ce vivant spectacie, Les artistes ont donc leur part, à clé des légendaires, dans ces antécédents de l'épopée chrétienne, tandis que Dawe lui-même, par un glorieux retour, semble avoir été présent à la pensée de celui q peignit le Jugement dernier. Noble c touchante solidarité des arts! Qui n'aimerait à lire une page de la Di Comédie devant les fresques de la chapelle Sixtime? Qui n'aimerait à reconnaître dans Michel-Ange le seul commentateur légitime de Dante? A une certaine hauteur, tout ce qui est beac et vrai se rejoint et se confond...

De quelque côté qu'il jetât les yeux autour de lui, Dante voyait cette figure de la Mort qui lui montrait de son doigt décharné les mystérieux pays qu'il lui était enjoint de visiter. Je ne crois pas exagérer en affirmant que Dante a beaucoup emprunté aussi aux divers monuments des arts plastiques. Les légendes infernales, les visions célestes, avaient La question des épopées, si vivɑmer! été traduites sur la pierre et avaient et si fréquemment débattue par la cri trouvé chez les artistes du moyen âge tique moderne, ne peut-elle pas recevoir d'ardents commentateurs. Les peintures quelque profit du tableau que nous avoas sur mur ont disparu presque toutes; il vu se dérouler sous nos yeux? On sait n'en reste que des lambeaux. Ainsi, maintenant, par un exemple consider dans la crypte de la cathédrale d'Auxerre, able, (quel est le nom à côté duquel ne on voit un fragment où est figuré le pourrait être cité celui de Dante ?) o triomphe du Christ, tel précisément sait comment derrière chaque gran qu'Alighieri l'a représenté dans le Pur- poëte primitif il y a des générations gatoire. Les peintures sur verre où se oubilées, pour ainsi dire, qui ont prélude retrouvent l'enfer et le paradis abondent aux mêmes harmonies, qui ont prépar dans nos cathédrales, et la plupart le concert. Ces œuvres capitales, qu datent de la fin du douzième siècle et du apparaissent ça et là aux heures sole courant du treizième. Dante avait du nelles et chez les nations privilégiées encore en voir exécuter plus d'une dans sont comme ces moissons des champs de sa jeunesse. Entre les plus curieuses, on bataille qui croissent fécondées par les peut citer la rose occidentale de l'église morts. Dante explique Homère. A de Chartres. Quant aux sculptures, lieu de l'inspiration religieuse mettez elles sont également très-multipliées: le l'inspiration nationale, et vous saurez comtympan du portail occidental d'Autun, ment s'est faite l'Iliade; seulement la celui du grand portail de Conques, le trace des rapsodes a disparu, tandis que portail de Moissac, offrent, par exemple, celle des légendaires est encore accessible des détails très-bizarres et très-divers. à l'érudition. Ces deux poëtes ont eu e Toutes les formes du châtiment s'y quelque sorte pour soutiens les temps qui trouvent pour ainsi dire épuisées, de les ont précédés et leur siècle même; l'un même que dans l'Enfer du poëte; les a redit ce que les Grecs pensaient de la récompenses aussi, comme dans le Pa- vie publique, l'autre ce que les hommes radis, sont très-nombreuses, mais beau- du moyen âge pensaient de la vie future. coup moins variées. Est-ce parce que Sont-ils moins grands pour cela? Cette notre incomplète nature est plus faite collaboration de la foule, au contraire. pour sentir le mal que le bien? Lorsque est un privilége qui ne s'accorde qu'à de Dante fit son voyage de France, tout bien rares intervalles et à des génies to cela existait, même le portail occidental à fait exceptionnels. Pour s'emparer de Notre-Dame de Paris, où sont figurés leur profit de l'inspiration générale, po plusieurs degrés de peines et de rému- être les interprètes des sentiments et de nérations. Sans sortir de nos frontières, passions d'une grande époque, pour fair notre infatigable archéologue M. Didron ainsi de la littérature qui devienne & a pu compter plus de cinquante illustra- l'histoire, les poëtes doivent être marque tions de la Divine Comédie, toutes an-au front. Les pensées des temps ante

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rieurs éclatent tout à coup en eux et s'y résolvent avec une fécondité et une puissance inconnues. A eux de dire sous une forme meilleure, souveraine, à eux de fixer sous l'éternelle poésie ce qui se répète à l'entour!

la Divine Comédie, sinon pour le lecteur, au moins pour le critique: la part de l'imitation, la part de la créa tion. Dante est un génie double, à la fois éclectique et original. Il ne veut pas imposer au monde sa fantaisie et son rêve par le seul despotisme du génie. Loin de là, il va au-devant de son temps, tout en attirant son temps à lui. C'est ainsi que font les grands hommes: ils s'emparent sans dédain des forces d'alentour et y ajoutent la leur.

Ce spectacle a sa moralité : n'y a-t-il pas là, en effet, en dehors des noms propres, quelque chose de vraiment grandiose par la simplicité même ? Dans l'ordre esthétique, la poésie est la première de toutes les puissances données à l'homme. Elle est à l'éter- Dirai-je ce que Dante a imité, ou nel beau ce qu'est la vertu à l'éter- plutôt ce qu'il a conquis sur les autres, nel bien, ce qu'est la sagesse à l'éternel ce qu'il a incorporé à son œuvre? II vrai, c'est-à-dire un rayon échappé d'en faudrait en rechercher les traces parhaut; elle nous rapproche de Dieu. tout, dans la forme, dans le fond, dans Eh bien ! Dieu, qui partout est le la langue même de son admirable livre. dispensateur du génie, et qui l'aime, L'antiquité s'y trahirait vite: Platon n'a pas voulu que les faibles, que les par ses idéales théories, Virgile par la petits fussent tout à fait déshérités de mélopée de ses vers. Le moyen âge, ce don sublime. Aussi, dans ces à son tour, s'y rencontrerait en entier : grandes œuvres poétiques qui ouvrent mystiques élans de la foi, rêveries cheles èies littéraires, toute une foule ano- valeresques, violences théologiques, féonyme semble avoir sa part. C'est pour dales, municipales, tout jusqu'aux boufces inconnus, éclaireurs prédestinés à fonneries; c'est un tableau complet de l'oubli, qu'est la plus rude tâche; ils l'époque : le génie disputeur de la scotracent instinctivement les voies à une lastique y donne la main à la muse sorte de conquérant au profit de qui ils étrange des légendaires. Si la chevalen'auront qu'à abdiquer un jour; ils rie introduit dans les mœurs le dévouepréparent à grand'-peine le métal qui ment à la femme, si les troubadours sera marqué plus tard à une autre et abdiquent leur cynisme pour chanter définitive empreinte; car, une fois les une héroïne imaginaire, si Gauthier de tentatives épuisées, arrive l'homme de Coinsy et les pieux trouvères redougénie. Aussitôt il s'empare de tous blent le lis virginal sur le front de ces éléments dispersés et leur imprime Marie, si les sculpteurs enfin taillent cette unité imposante qui équivaut à la ces chastes et sveltes statues dont les création. Et alors, qu'on me passe yeux sont baissés, dont les mains sont l'expression, on ne distingue plus rien jointes, dont les traits respirent je ne dans ce faisceau, naguère épars, main-sais quelle angélique candeur, ce sont tenant relié avec tant de puissance, autant de modèles pour Dante, qui condans cet imposant faisceau du dictateur centre ces traits épars, les idéalise, et poétique, qu'il s'appelle Homère ou les réunit dans l'adorable création de Dante. Il y a donc là une loi de l'his-Béatrice. Cet habile et souverain toire littéraire qui rend un peu à tous, éclectisme, Alighieri le poursuit dans qui prête quelque chose à l'humanité, les plus petits détails. Ainsi, par un qui donne leur part aux humbles, et admirable procédé d'élimination et de cela sans rien ôter au poëte; car, je le choix, son rhythme il l'emprunte aux répète, les plus grands hommes évidem- cantilènes des Provençaux; sa langue ment sont seuls appelés ainsi à formuler splendide, cette langue aulique et carune pensée collective, à concentrer, dinalesque, comme il l'appelle, il la à absorber, à ranger sous la discipline prend à tous les patois italiens, qu'il de leur génie tout ce qui s'est produit émonde et qu'il transforme. On dirait d'idées autour d'eux, avant eux. C'est même qu'il sut mettre à profit jusqu'à le miroir d'Archimède. ses liaisons, jusqu'aux amitiés de sa Il y a donc deux parts à faire dans jeunesse. Au musicien Casella ne put

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