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Ici convivia est pour convivas. Juvénal a dit (satire II, vers 119) ingens cœna sedet, pour désigner un grand nombre de convives d'ailleurs on voit qu'il s'agit plutôt ici de la satire des hommes que de celle des plats.

(17) Offrande usitée pour les morts. [v. 85.] L'usage de mettre la nourriture sur les sépulcres des morts est de la plus haute antiquité: il avait lieu chez les Grecs, chez les Romains, et dans presque tout l'Orient. On le voit encore aujourd'hui pratiqué dans la Syrie, la Babylonie et la Chine. Chez les anciens, on distinguait deux sortes de repas en l'honneur des défunts: les uns se faisaient dans la maison du mort, au retour du convoi, entre ses parents et ses amis; les autres étaient servis sur les tombeaux pour les ames errantes.

(18) Le patron arrose son poisson avec de l'huile de Vénafre. [v. 86.] Vénafre, ville d'Italie sur le Vulturne : on la nomme aujourd'hui Venafro. Elle était anciennement célèbre par la bonté de son huile d'olives. Horace en parle (liv. I, ode vi); Pline (liv. XV, chap. 2), après avoir dit que l'Italie l'emporte sur tout le reste du monde, ajoute que l'huile de Vénafre l'emporte sur celle du reste de l'Italie. Les Romains, pour dire de l'huile excellente, disaient simplement Venafrum.

(19) Viennent ensuite pour lui les truffes soigneusement raclées, etc. [v. 116.] On lit dans toutes les éditions: Post hunc raduntur tubera. J'ai suivi la correction de N. Heinsius, qui me parait plus latine et plus satirique :.Post huic radentur, etc.; c'est-à-dire à Virron; car les affranchis s'en passeront.

(20) Libye, dételle tes bœufs, etc. v. 119.] Les Romains tirèrent presque tous leurs blés d'Afrique quand ils eurent fait la conquête des principaux royaumes qui la composent : c'est pourquoi elle fut appelée la mère nourrice de Rome et de l'Italie.

(21) Comme si tu avais trois noms. [v. 127.] Les Romains de distinction avaient plusieurs noms, ordinairement trois, et quelquefois quatre. Le premier était le prénom, qui

servait à distinguer chaque personne; le second était le nom propre, qui désignait la race d'où l'on sortait; le troisième était le surnom, qui marquait la famille dont on était; enfin le quatrième était un autre surnom qui se donnait, ou à canse de l'adoption, ou pour quelque grande action, ou même pour quelque défaut.

Dans ce vers:

Tanquam habeas tria nomina,

Rigault et Grævius soutiennent qu'il faut dire quanquam au lieu de tanquam. Je ne vois pas qu'il y ait rien à changer. Les noms en imposaient beaucoup à Rome, même après l'extinction de la république ; et Juvénal le fait sentir dans plusieurs autres circonstances.

(22) FRÈRE, voulez-vous de cette andouille ? [v. 135.] Vis, FRATER, ab ipsis ilibus ? Servius cite ainsi ce vers dans son commentaire sur l'Énéide, page 475 de l'édition de R. Estienne. Saumaise, dans ses notes sur l'Histoire d'Auguste, page 237, cite ab imis ilibus. Je ne sais où il a pris cette leçon : l'une et l'autre ne valent rien. Il faut ici un pronom démonstratif : Voulez-vous de ceci? en le montrant. L'édition de Junte porte ab illis; celles de Cambridge et de Baskerville, ab istis, ce qui est la véritable leçon. Ilia étaient des intestins farcis, et répondaient à ce que nous appelons des saucisses, ou à quelque chose de semblable. Servius dit que ce mets était fort recherché.

(23) C'est toi qui es son FRÈRE, etc. [v. 137.] Markland a prouvé qu'il était plus élégant d'écrire ici frater que fratres. (24) Qu'on ne voie point folâtrer dans ta cour un petit Énée, etc. [v. 138:] Ce vers en parodie un autre de l'Énéide, liv. IV, v. 328.

(25) Mais de tels qu'en mangeait Claude, etc. [v. 147.] Claude, cinquième empereur romain, aimait beaucoup les champignons. Agrippine lui en servit un qu'elle avait empoisonné.

(26) Lorsqu'il apprend, d'un farouche centurion, à lancer le javelot. [v. 155.] Ceux qui écrivent ab hirsuta capella prétendent qu'il s'agit ici d'une chèvre; ceux qui écrivent ab hirsuto l'entendent, comme moi, d'un centurion appelé Capella. Pour se conformer à la première leçon, voici comment il faudrait traduire : « Pour toi, tu n'auras que de méchantes pommes, telles qu'en ronge ce singe que l'on promène sur le rempart, monté sur une chèvre, couvert d'un casque et d'un bouclier, et à qui l'on enseigne, à coups de fouet, à lancer le javelot. » Voyez les commentaires cités par Henninius, et surtout la note de Clavérius, page 912.

(27) Les contorsions d'un mime, etc. [v. 157.] Mime vient d'un mot grec qui signifie imiter; c'est un nom commun à une certaine poésie dramatique, aux auteurs qui la composaient et aux acteurs qui la jouaient. Les Grecs eurent des mimes décentes et des mimes obscènes. Les mimes des Romains formaient la quatrième espèce de leurs comédies. Les acteurs s'y distinguaient par une imitation licencieuse des mœurs du temps, comme on le voit par ce vers d'Ovide:

Scribere si fas est imitantes turpia mimos.

Ils y jouaient sans chaussure, ce qui faisait quelquefois nommer cette comédie déchaussée; au lieu que, dans les trois autres, les acteurs chaussaient le brodequin. Aux funérailles il y avait un archimime qui devançait le cercueil, et peignait par ses gestes les actions et les mœurs du défunt.

(28) S'il naquit dans une classe honnête, ne fût-ce que le fils d'un affranchi, etc. [v. 164.] Par etruscum aurum, Juvénal entend la bulle d'or que Tullus Hostilius fit porter aux enfants de condition libre, après qu'il eut vaincu les Étrusques. Les fils d'affranchis se distinguaient par un nœud en cuir, ce que signifie nodus, signum de loro.

SATIRE SIXIÈME.

LES FEMMES (1).

Je veux croire que, sous le règne de Saturne, la Pudeur habita sur la terre (2), et qu'on la vit encore assez longtemps lorsque de froides cavernes renfermaient, sous un abri commun, le foyer, les dieux Lares, les troupeaux et les pasteurs; quand l'épouse, errante sur la montagne, ne composait son lit que de feuillages, de joncs, et de peaux des animaux d'alentour. Bien différente de vous, Cynthie, et de celle (3) dont les doux yeux versèrent tant de larmes sur la mort d'un moineau, elle abreuvait de sa mamelle des enfants robustes: souvent plus sauvage

VI. -MULIERES.

Credo Pudicitiam, Saturno rege, moratam
In terris, visamque diu, quum frigida parvas
Præberet spelunca domos, ignemque Laremque,
Et pecus et dominos communi clauderet umbra;
5 Sylvestrem montana torum quum sterneret uxor
Frondibus et culmo, vicinarumque ferarum

Pellibus haud similis tibi, Cynthia, nec tibi, cujus
Turbavit nitidos exstinctus passer ocellos;

Sed potanda ferens infantibus ubera magnis,
10 Et sæpe horridior glandem ructante marito.

que son mari gorgé de gland; car les premiers humains, nés sans pères, sortis des chênes éclatés, ou pétris de limon, vivaient bien autrement que nous dans cette enfance du monde, sous un ciel aussi jeune que lui. Peut-être restait-il quelques traces de l'antique pudeur sous Jupiter, mais sous Jupiter sans barbe, mais avant que le Grec eût appris à se parjurer (4), lorsqu'on ne craignait le voleur ni pour ses légumes ni pour ses fruits, et qu'on vivait sans enclore son jardin. Bientôt après, Astrée, suivie de la Pudeur, se rapprocha insensiblement des cieux, et les deux sœurs s'envolèrent en même temps.

Пy a longtemps et très longtemps, Postumus, qu'on a souillé le lit d'autrui, et méprisé le génie de la couche nuptiale (5). Le siècle de fer amena bientôt tous les autres crimes; mais le siècle d'argent vit les premiers adultères. Malgré nos mœurs, néanmoins, ta parole est donnée, le contrat est prêt (6); déja tu as passé par les mains du barbier; peut-être

Quippe aliter tunc orbe novo, cœloque recenti
Vivebant homines, qui, rupto robore nati,
Compositive luto, nullos habuere parentes.
Multa Pudicitiæ veteris vestigia forsan,

15 Aut aliqua exstiterint et sub Jove, sed Jove nondum
Barbato, nondum Græcis jurare paratis

Per caput alterius; quum furem nemo timeret
Caulibus et pomis, et aperto viveret horto.
Paulatim deinde ad superos Astræa recessit
20 Hac comite, atque duæ pariter fugere sorores.

Antiquum et vetus est alienum, Postume, lectum
Concutere, atque sacri genium contemnere fulcri.
Omne aliud crimen mox ferrea protulit ætas :
Viderunt primos argentea secula mochos.
25 Conventum tamen et pactum, et sponsalia nostra
Tempestate paras, jamque a tonsore magistro
Pecteris, et digito pignus fortasse dedisti.

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