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éclairer sur ce mode d'expression qui s'est développé peu à peu comme type stylistique dans le langage littéraire européen. Le chapitre VII, qui traite de l'évolution du style indirect libre dans la littérature française, est d'un grand intérêt. Il est notamment très curieux de constater que les classiques du XVIIe siècle, à l'exception de La Fontaine, ne connaissent guère le style indirect libre, << asservis qu'ils sont à la phrase latine, à laquelle ce tour est étranger» (p. 117).

L'ouvrage se termine par un «historique des recherches sur le style indirect libre», où Mile Lips passe en revue, un peu trop rapidement peut-être, les différentes interprétations de ce type d'expression, à partir de l'article fameux de M. Bally, de l'année 1912. En somme, un ouvrage très digne d'être lu.

Voici, pour finir, quelques remarques de détail. P. 67, 1. 2-3. Le passage Son affreuse douleur se changea en un des plus est, par erreur, imprimé en italiques. - P. 119, note 1, 1. 2. Il faut traduire: maintenant il ira chercher le roi... P. 124, 1. 11. Il n'est pas historiquement correct de parler de «l'ellipse de que» en a. fr. après les verbes déclaratifs (cf. de même plus bas: «l'oubli de que»). L'a. fr. a conservé un usage primitif.

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A. Wallensköld.

II

Les recherches nouvelles sur le style indirect libre attirent l'attention des linguistes depuis quelques années. Ce moyen d'expression sert à reproduire la parole ou des états intérieurs et suppose un procédé sous-entendu qu'on appelle transposition ou changement d'attitude, c.-à-d., qu'en l'absence de tout signe linguistique, seulement l'état du sujet parlant ou du sujet entendant exprime le discours reproduit. Ainsi l'interprétation du style indirect libre peut varier selon la sensibilité imaginative du lecteur. C'est ce qu'on trouve aussi chez l'auteur du présent livre.

Mais il ne faut pas croire que l'interprète éprouve toujours de telles difficultés, souvent le style en question est bien caractérisé par des signes expressifs, tels que la transposition des temps verbaux et des pronoms personnels. Le mode d'introduction est en général le même que dans l'indirect ordinaire, mais la conjonction manque et l'énoncé ne dépend pas du verbe introducteur (les temps sont transposés, mais non pas subordonnés). Il y a encore d'autres particularités linguistiques qui révèlent le style indirect libre et qui ne sont pas possibles en style indirect ordi

1 Cf. le compte rendu de G. Schmidt, Neuphil. Mitt., XXIV, 109-112.

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naire, p. ex. les mots d'exclamation, l'intonation interrogative ou exclamative, etc. Tout ceci donne au style indirect libre un caractère plus subjectif et le rapproche du style direct. P. ex: << Frédéric allégua un long procès, la santé de sa mère, il insista beaucoup là-dessus, afin de se rendre intéressant! Bref, il se fixait à Paris, définitivement.»1 En style direct, le personnage parlant se serait résumé ainsi: «Bref, je me fixe à Paris définitivement. >>

D'après Mile L. le style indirect libre est né d'une interprétation fluctuant entre l'énonciation et la reproduction. Cette attitude hésitante de l'écrivain produit un effet impressionniste, qui donne au discours plus de réalité, comme O. Walzel dit dans "son étude Von «erlebter» Rede: «Gleich allem Impressionismus gestattet sie [die erlebte Rede] ein innigeres Miterleben. Sie darf erlebte Rede heissen, auch weil sie vor allem den Vorgang erleben lässt, ihn nicht durch blossen Bericht ins Begriffliche wendet. Nicht der Dichter sagt was vorgeht, sondern unmittelbar erfahren wir, was der Mensch in der Erzählung erlebt. >> 2

En analysant les différents usages du style indirect libre, soit dans la littérature française, soit en dehors de celle-ci, l'auteur se borne au point de vue statique et ne tend pas à la synthèse historique, quoique les rapports évolutifs soient quelquefois évidents. On regrette aussi l'absence d'une étude plus approfondie des textes anciens français, où l'emploi de ce procédé se trouve à l'état plus ou moins pur, p. ex.: «Et quant il ot ce, si est tant dolenz qu'il li est bien avis que il doie des sens issir. Car vilanie ne feroit il pas au vaslet; et s'il pert ainsi le Chevalier qui s'en vet, il n'avra ja més joie. >> 3 A partir de la constitution définitive du style indirect libre par La Fontaine, Mlle L. fournit plus d'exemples et des observations très fines sur l'emploi de ce procédé stylistique qui devient de plus en plus conventionnel chez les écrivains modernes. En général, l'ouvrage de Mlle Lips est dans son ensemble un bon guide pour les recherches futures. Gyula Weöres.

3

Histoire littéraire de la France, tome XXXVI. Suite du quatorzième siècle. Fasc. 2. Paris, Imprimerie Nationale, 1927. P. I-XXI et 313-668, 4:0.

Les membres de la Commission de l'Histoire littéraire de la France, MM. Antoine Thomas (A. T.), Henri Omont (H. O.),

1 Flaubert, Éducation sentimentale, p. 130.

2 Zeitschr. f. Bücherfreunde, 1924, p. 24.

3

Queste del saint Graal, Class. franç. du m. â., XXXIII, 89.

Paul Fournier (P. F.) et Charles-Victor Langlois (C. L.), de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, viennent de publier la seconde partie du tome XXXVI, dont la première a paru à la fin de 1923. L'Avertissement rappelle le passé de cette entreprise de grande envergure, commencée par dom Rivet, de la Congrégation des Bénédictins de Saint-Maur, en 1733. L'œuvre de dom Rivet et ses collaborateurs et continuateurs immédiats va jusqu'au tome XII (1763). Après une interruption de plus de quarante ans, l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres reprit les travaux des Mauristes. La publication du volume suivant coïncidera sans doute avec le deuxième centenaire de l'œuvre et franchira l'étape de 1350. - Le fascicule qui vient de paraître est en majeure partie consacré à des auteurs théologiques et juridiques: François de Meyronnes, Hugues de Novo Castro, Jean de Bassoles, Nicolas de Lyre, Jacques de Padoue (C. L.), Gui Terré, Jean de Semur, Pierre Jame d'Aurillac (P. F.). Entre ces notices est intercalée celle que M. A. Thomas a consacrée à l'Anglais Nicole Bozon, de l'Ordre de Saint-François, auteur français d'une fécondité rare: son œuvre comprend une collection de contes moralisés, une dizaine de poèmes pieux ou allégoriques et une demi-douzaine de légendes hagiographiques mises en vers français. M. Thomas a l'occasion de rectifier et de compléter, dans sa notice, ce que l'on savait jusqu'à présent sur la personnalité de l'auteur. Ainsi, il faut localiser l'activité de Nicole Bozon dans la région de Derby, et non dans celle d'York, comme l'avait fait M. J. Vising. Pour la date, le début d'une de ses fables offre un point de repère. Il y est parlé de John d'Alderby, évêque de Lincoln, dans des termes qui indiquent qu'il était déjà mort à l'époque. Or on sait que ce personnage mourut en 1320. D'autre part, dans la Lettre de l'empereur Orgueil, il y a une allusion au décri des monnaies dites pollards et crokards à partir de Noël 1299. Ce poème ne peut donc pas être ni antérieur à 1300, ni postérieur de beaucoup à cette date. En tout cas, l'activité littéraire de frère Nicole Bozon s'est manifestée assez longtemps avant la date de 1320, fixée par le début du conte moral mentionné tout à l'heure.

Après l'article de M. P. Fournier sur le jurisconsulte Petrus Jacobi, viennent deux études d'ensemble: Harangues d'apparat des écoles de droit (P. F.) et Lettres missives, suppliques, pétitions, doléances (C. L.), cette dernière traitant aussi, cela va de soi, de textes rédigés en français, puis une notice sur les auteurs anonymes de la Très ancienne coutume de Bretagne (P. F.), enfin des notices succinctes: sur Jacques Fournier, Jacques de Pamiers (C. L.),

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244 Besprechungen. A. v. Kraemer, Hermann Urtel, Guy de Maupassant.

Jean de Bourbon, Les deux Maucreux, l'auteur anonyme des Styles de la Chambre des Enquêtes (P. F.), Jean de Prouville (A. T.), Jean Josse de Marville, Géraud du Buis (H. O.), Géraud du Pescher, Seguin et Siger, frères mineurs, Élie de Ferrières (C. L.), Godefroi Le Coispelier (A. T.) (auteur d'un ouvrage religieux en prose française intitulé La Violette, dont on trouve une mention au XVIIIe siècle, mais dont aucune copie n'est actuellement connue), sur l'auteur anonyme d'une Voie de Paradis en prose française (C. L. et A. T.), Gui de Châtres, l'auteur anonyme d'une Chronique universelle en français (H. O.), l'auteur également anonyme d'une pièce en vers anglo-normands sous le nom d'Édouard II (c'est une pièce en huitains, récemment retrouvée dans un manuscrit appartenant au marquis de Bath, à Longleat, et publiée par feu Paul Studer en 1921; c'est probablement la traduction d'une pièce latine dont un érudit anglais a cité, en 1811, les six premiers vers; il y a grande apparence que l'opuscule est d'un clerc qui fait parler le roi et non, comme le voulait Studer, du roi Édouard lui-même); sur l'auteur anonyme d'un Livre de Fortune (C. L.) contenant une énigme insoluble que j'ai signalée dans la Romania XLV, 265; l'auteur de l'Arbre d'Amour (A. T.), qui donne son nom, Raimont Badaut, en acrostiche (ce poème n'a que le titre de commun avec deux courts poèmes du XIIIe siècle que je publierai prochainement); sur l'auteur anonyme du dit le Songe vert (C. L.). Arthur Långfors.

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Hermann Urtel, Guy de Maupassant. Studien zu seiner künstlerischen Persönlichkeit. Max Hueber, München, 1926.

Ce livre se compose d'une suite de chapitres, dans lesquels l'auteur étudie méthodiquement et en se basant sur une documentation soignée les divers aspects de Guy de Maupassant comme artiste: réceptivité sensorielle, lyrisme et romantisme, Maupassant et les beaux-arts idées philosophiques psychologie humour la forme artistique le théoricien le voyageur

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le dramaturge, rapports avec le passé et les contemporains Bouilhet et Taine, Flaubert le naturalisme nel, Balzac Tourguénief Swinburne.

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le style person

Selon M. Urtel, il faut voir en Guy de Maupassant surtout un grand artiste littéraire, un coloriste, un sensitif, d'un tempérament surabondant de vie, une âme ardente. Sa froideur n'est qu'apparente. Le Maupassant, observateur insensible, que nous retrouvons dans presque tous les manuels d'histoire littéraire, n'est qu'un cliché reproduit pour ainsi dire mécaniquement et un

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mauvais cliché. M. Urtel explique le grand succès de Maupassant par le fait qu'on sent vibrer dans toutes ses œuvres une note personnelle. Jamais Maupassant ne paraît plus grand que lorsqu'il décrit la souffrance, toujours sobrement, mais avec une profonde et sincère compassion. Dans la plupart des cas, M. Urtel me semble avoir raison. Toutefois, quand il déclare que BrillatSavarin a fortement influencé Maupassant, je me demande sur quoi se fonde une pareille assertion.

Des fautes d'impression déparent quelques-unes des citations.
A. v. Kraemer.

Anthologie des troubadours (XIIe-XIIIe siècles). Introduction, traductions et notes par Alfred Jeanroy, de l'Institut, Professeur à la Sorbonne (Les Cent Chefs-d'œuvre étrangers). Paris, La Renaissance du Livre, 1927. 160 p. petit in-8°. Prix: broché, 5 fr.

Cette anthologie comprend soixante-dix pièces, traduites et annotées, représentant les principaux genres cultivés par les poètes lyriques du midi de la France: poésies amoureuses, poésies plaisantes ou humoristiques, tensons et jeux-partis, poésies politiques, chansons de croisade, poésies satiriques, poésies morales et religieuses, chansons de danse, romances, aubes, pastourelles. Elle est destinée au grand public lettré, qui trouve dans une introduction substantielle les notions indispensables concernant la société médiévale et les théories courtoises, les centres poétiques et l'histoire externe des troubadours. Mais même les spécialistes y trouvent leur profit: de plusieurs pièces traduites ici avec autant de précision que d'élégance il n'existe que des éditions anciennes et elles n'avaient jamais été interprétées intégralement. Ce recueil constituera un supplément précieux à l'Histoire générale des troubadours que M. Jeanroy prépare depuis de longues années et qui, il est permis de l'espérer, ne tardera pas à paraître.1

Arthur Långfors.

Methode Gaspey-Otto-Sauer. Spanische KonversationsGrammatik zum Schul- und Privatunterricht von Carl Marquard Sauer und Heinrich Ruppert. Sechzehnte

1 P. 30 (notice sur la comtesse de Die), au lieu de Guigne, lire Guigue. P. 89, couplet III, au lieu de à chose, lire à cause. P. 95, au premier couplet du planh sur la mort du vicomte de Béziers, le qualificatif juste se trouve deux fois.

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