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ANCIENS.

LIVRE PREMIER.

POÉSIE.

CHAPITRE V I.

De la Comédie ancienne.

IL

SECTION

PREMIER E.

De la Comédie grecque.

L faut avant tout distinguer trois époques dans la comédie grecque. La premiere, qui se rapprochait beaucoup de l'origine du spectacle dramatique, en avait conservé et même outré la licence. Ce qu'on appelle la vieille comédie n'était autre chose que la satyre en dialogue. Elle nommait les personnes et les immolait sans nulle pudeur à la risée publique.

Cours de littér. Tome II.

A

Ce

dans

genre de drame ne pouvait être toléré que une démocratie effrénée, comme celle d'Athenes. Il n'y a qu'une multitude sans principes, sans regle et sans éducation, qui soit portée à protéger et encourager publiquement la médisance et la calomnie, parce qu'elle ne les craint pas, et que rien ne trouble le plaisir malin qu'elle goûte à les voir se déchaîner contre tout ce qui est l'objet de sa haine ou de sa jalousie. C'est une espece de vengeance qu'elle exerce sur tout ce qui est au dessus d'elle; car l'égalité civile, qui ne fait que constater l'égalité des droits naturels, ne saurait détruire les inégalités morales, sociales et physiques établies par la nature même; et rien au monde ne peut faire que dans l'ordre social un fripon soit l'égal d'un honnête homme, ni un sot l'égal d'un homme d'esprit.

On ouvrit enfin les yeux sur ce scandale, qui fut réprimé par les lois : il fut défendu de nommer personne sur le théâtre. Mais les auteurs, ne voulant pas renoncer à l'avantage facile et certain de flatter la malignité publique, prirent le parti de jouer des aventures véritables sous des noms supposés. La satyre ne perdit rien sous un si faible déguisement ce fut le second âge du théâtre comique, et ce genre s'appela la moyenne comédie. De nouveaux édits la proscrivirent, et l'on fit défense aux poëtes comiques de mettre sur la scene, ni person

nages réels, ni actions vraies et connues. Alors il fallut inventer; et c'est à cette troisieme époque qu'il faut placer la naissance de la véritable comédie: ce qui l'avait précédée n'en méritait pas le nom. C'est dans celle-ci que se distingua Ménandre, qui en fut, chez les Grecs, le créateur et le modele, comme Epicharme le fut chez les Siciliens. La postérité a consacré la mémoire de Ménandre, mais le tems a dévoré ses écrits. Il ne nous est connu que par les imitations de Térence, qui lui emprunta plusieurs de ses pieces, dont il enrichit le théâtre de Rome.

Les onze pieces qui nous restent des cinquantequatre qu'on dit qu'Aristophane avait faites, appartiennent entiérement à la premiere époque, à celle de la vieille comédie. Eupolis, Cratinus et lui sont les trois auteurs les plus célebres qui aient travaillé dans ce genre. Leurs écrits furent connus des Romains, comme le prouve le témoignage d'Horace. Ils ne sont pas venus jusqu'à nous, non plus que ceux des auteurs qui s'exercerent dans les deux autres genres: on sait seulement qu'ils furent en très-grand nombre. Le seul Aristophane est échappé, du moins en partie, à ce naufrage général. On ne sait rien de sa personne, si ce n'est qu'il n'était pas né à Athenes; ce qui releve chez lui le mérite de cet atticisme que les Anciens lui

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accordent généralement, c'est-à-dire, de cette pureté de diction, de cette élégance qui était particuliere aux Athéniens, et qui faisait que Platon même, le disciple de Socrate, trouvait tant de plaisir à la lecture d'Aristophane. Sans doute il en faut croire les Grecs sur ce point, et surtout Platon, si bon juge en cette matiere, et si peu de partialité en faveur de l'ennemi de son suspect de partialité maître. Mais en mettant à part ce mérite à peu près perdu pour nous, parce que les grâces du langage familier sont les moins sensibles de toutes dans une langue morte, il est difficile d'ailleurs, en lisant cet auteur, de n'être pas de l'avis de Plutarque, qui s'exprime ainsi dans un parallele de Ménandre et d'Aristophane.

« Ménandre sait adapter son style et propor »tionner son ton à tous les rôles, sans négliger » le comique, mais sans l'outrer. Il ne perd jamais » de vue la nature, et la souplesse et la flexibilité de son expression ne saurait être surpassée. On » peut dire qu'elle est toujours égale à elle-même, » et toujours différente suivant le besoin ; semblable ; » à une eau limpide qui, courant entre des rives inégales et tortueuses, en prend toutes les formes » sans rien perdre de sa pureté. Il écrit en homme d'esprit, en homme de bonne société ; il est fair pour être lu, représenté, appris par cœur, pour

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