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125 Et dans tous ses ecrits la déclarant infâme, Par grace lui laissa l'entrée en l'Epigramme; Pourvu que sa finesse eclatant à propos,

Roulât sur la pensée, & non pas sur les mots; Ainsi de toutes parts les desordres cesserent. 130 Toutefois à la cour les Turlupins 15 resterent, Insipides plaisans, bouffons infortunés,

135

D'un jeu de mots grossiers partisans surannés.
Ce n'est pas quelquefois qu'une muse un peu fine
Sur un mot, en passant, ne joue & ne badine,
Et d'un sens détourné n'abuse avec succès:

Mais fuyez sur ce point un ridicule excès,
Et n'allez pas toujours d'une pointe frivole
Aiguiser par la queue une epigramme folle.

TOUT POEME est brillant de sa propre beauté. 140 Le Rondeau né Gaulois a la naïveté.

La Balade asservie à ses vieilles maximes

Souvent doit tout son lustre au caprice des rimes.

15 Farceur qui a donné son nom aux mauvaises poin

tes.

LE MADRIGAL plus simple & plus noble en son

tour,

Respire la douceur, la tendresse, & l'amour.

145 L'ARDEUR de se montrer, & non pas de médire, Arma la vérité du vers de la satire.

Lucile 16 le premier osa la faire voir:

Aux vices des Romains presenta le miroir: Vengea l'humble vertu de la richesse altiere, 150 Et l'honnête homme à pied, du faquin en litiere.

HORACE à cette aigreur mêla son enjoument.
On ne fut plus ni fat, ni sot impunément;
Et malheur à tout nom, qui propre à la censure,
Pût entrer dans un vers sans rompre la mesure.

155 PERSE en ses vers obscurs, mais serrés & pressans, Affecta d'enfermer moins de mots que de sens.

JUVENAL, elevé dans les cris de l'ecole,

Poussa jusqu'à l'excès sa mordante hyperbole.

16 Le plus ancien des Poëtes satiriques chez les Romains,

3es ouvrages tout pleins d'affreuses vérités 60 Etincellent pourtant de sublimes beautés: Soit que sur un ecrit arrivé de Caprée Il brise de Séjan la statue adorée :

Soit qu'il fasse au Conseil courir les Sénateurs D'un tyran soupçonneux pâles adulateurs: 165 Ou que, poussant à bout la luxure latine, Aux portefaix de Rome il vende Messaline : Ses ecrits pleins de feu par-tout brillent aux yeux

DE CES MAÎTRES savans disciple ingénieux

Regnier seul parmi nous, formé sur leurs modeles, 170 Dans son vieux style encore a des graces nouvelles.

Heureux! si ses discours craints du chaste lecteur,
Ne se sentoient des lieux où frequentoit l'Auteur;
Et si du son hardi de ses rimes cyniques,
Ils n'alarmoit souvent les oreilles pudiques.

175 LE LATIN dans les mots brave l'honnêteté:
Mais le lecteur françois veut être respecté :

Du moindre sens impur la liberté l'outrage, Si la pudeur des mots n'en adoucit l'image. Je veux dans la Satire un esprit de candeur, 180 Et fuis un effronté qui prêche la pudeur.

D'UN TRAIT de ce Poëme en bons mots si fertile, Le François né malin forma le Vaudeville, Agreable Indiscret, qui conduit par le chant, Passe de bouche en bouche, & s'accroît en marchant. 185 La liberté françoise en ses vers se déploie. Cet enfant de plaisir veut naître dans la joie. Toutefois n'allez pas, goguenard dangereux, Faire Dieu le sujet d'un badinage affreux. A la fin tous ces jeux, que l'Athéïsme eleve, 190 Conduisent tristement le plaisant à la Grêve. Il faut, même en chansons, du bon sens & de l'art. Mais pourtant on a vu le vin & le hasard Inspirer quelquefois une muse grossiere,

Et fournir, sans génie, un couplet à Liniere 17

17 Poëte qui n'est plus connu que par la satire qu'en a fait Despreaux.

195 Mais

195 Mais pour un vain bonheur qui vous a fait rimer;
Gardez qu'un sot orgueil ne vous vienne enfumer.
Souvent l'Auteur altier de quelque chansonnette
Au même instant prend droit de se croire poëte.
Il ne dormira plus qu'il n'ait fait un sonnet.
200 Il met tous les matins six impromptus au net.
Encore est-ce un miracle, en ses vagues furies,
Si, bientôt imprimant ses sottes rêveries,
Il ne se fait graver, au-devant du recueil,
Couronné de lauriers par la main de Nanteuil 18.

13 Fameux Graveur de portraits, mort en 1678.

Partie IV.

C

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