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La mort de Charlemagne n'améliora pas la situation. La piraterie sarrasine ne s'arrêtait pas, et vraisemblablement les côtes de l'Océan n'étaient pas à l'abri de leurs méfaits, bien que leurs postes d'armements fussent dans les ports de l'Espagne et de l'Afrique.

Il résulterait d'un récit quelque peu légendaire, mais néanmoins vraisemblable, que vers le premier quart du IXe siècle, un vaisseau sarrasin d'une grandeur telle qu'on l'aurait pris pour une muraille, fit une descente dans l'ile d'Oye, en Bretagne, vers l'embouchure de la Loire. Il n'en est pas toutefois fait mention dans les histoires particulières de ce pays 1.

Les Vandales indiqués par le récit légendaire du Traité de la révélation de Saint-Jean pourraient être les Normands ou les Sarrasins.

Nous opinons pour ces derniers et voici les raisons qui militent en faveur de cette assimilation.

Les envahisseurs étaient arrivés sur une flotte, surprise en mer par un vent impétueux. La bataille que Pépin vint leur livrer eut lieu à environ deux milles du rivage. Le mille romain équivalant à 1.472m5, le point visé se trouvait donc à environ trois kilomètres de la mer. C'est exactement la position d'une hauteur qui domine les marais au sud de la commune de Salles, et se trouve à l'est de celle de Saint-Vivien du Vergeroux.

Or il existe sur cette hauteur, admirablement disposée pour un campement, des noms absolument caractéristiques, et qui, sans trop de fantaisie, peuvent rappeler les événements visés.

Aux extrémités de ce plateau il y a deux localités qui portent le nom de Mortagne-la-Vieille et Mortagne-la-Jeune. La forme latine connue de ces noms de Mortagne qui se trouvent sur divers points de la France, est Mauritania. Au centre de ce plateau, un village et un lieu-dit s'appellent Barbaran et un autre village se nomme La Ragotterie.

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tione prohibuit. Astron., Vita Ludovici Pi, ad anno 807: « Præceperat tunc temporis fabricari naves contra nordmannicas incursiones in omnibus fluminibus quæ mari influebant; quam curam etiam filio injunxit super Rhodanum et Garonnam et Silidam. » Poetæ Saxon. Annal. de Vita Caroli M., lib. V, ad ann. 814 :

« Væ tibi, væ tali modo defensore carenti

<«< Francia, quam variis cladibus opprimeris! >>

1. Reinaud, loc. cit., p. 134, citant D. Bouquet, t. VI, p. 109.

Dans une situation à peu près semblable, figure au cadastre un lieu-dit La Motte qui rappellerait peut-être le lieu d'ensevelissement de ceux qui furent tués dans la lutte.

Peut-être même ce fait mémorable a-t-il fait conserver à un autre lieu-dit le nom de fief des Quatre-Chevaliers, quatre au lieu des dix chevaliers de Pépin qui avaient été tués, puis ressuscités, d'après la légende.

Serait-il fantaisiste d'ajouter que le lieu de Roncevaux qui est limitrophe du plateau viendrait d'une idée pieuse inspirée par cette bataille livrée à des Sarrasins?

Simple hypothèse que tout cela, mais il était intéressant, quand mėme, de rapprocher ces indications du récit légendaire, dans lequel, comme toujours, il doit y avoir un fond de vérité.

Une question intéressante serait de déterminer quel est le lieu où passa Pépin avec sa suite après avoir quitté Voutron et que les textes nomment Mathevallis ou Marevallis paludis. D'après les annotateurs du traité de la Révélation, ce serait Marencennes.

A cela, il y a d'abord une difficulté, celle de trouver le nom de Marencennes dans le mot de Mathevallis ou même de Marevallis. Cette transformation n'est guère possible.

A la rigueur pourrait-on dire que Marevallis rappelle la vallée du Maron, fleuve ou plutôt rivière, aujourd'hui La Gère, qui passe à Marencennes 1?

Mais une autre difficulté se présente. L'on n'aperçoit pas comment Pépin, désirant retourner à Angéri, avec son armée, aurait été faire un détour pour se rendre à Marencennes.

La voie qu'il prit, fut vraisemblablement la suivante: de Voutron, il se rendit par Thairé, La Fondelaye, Ballon, Ciré, Ardillières, sur une voie secondaire bien connue, jusqu'au GuéCharreau, le gué le plus pratiqué de l'Aunis. De là, il atteignit Muron, et, par une voie probable indiquée par Lacurie, il fit forcément le tour de la forêt d'Essouvert, en passant par Bernay et Saint-Martin de la Coudre. C'est près du chef-lieu de cette commune qu'il rencontra l'infirme dont il est question dans le traité de la Révélation, dans la prairie d'eau douce (La Palue) de Malveau.

Ce lieu était assez important pour être indiqué dans le cartu

1. Voir ch. X et CLXXXV du Cartulaire.

laire comme l'une des limites de la forêt d'Essouvert, sous la forme Malevallis, Mallevallis, Malavallis 1.

Rien de plus naturel, au point de vue philologique, que la substitution de l à l'r, dans la vieille langue française, l'un et l'autre ayant d'ailleurs encore la même consonnance dans le patois saintongeais. On trouve même dans le Cartulaire un moulin situé à Marevallum 2. Il existe encore un moulin dans ce lieu sur la rivière de Tournay, affluent de la Boutonne. Nous croyons donc logique de traduire Mathevallis, Marevallis par Malveau et non par Marencennes. Qui sait même si le nom du lieu de Saint-Félix, situé tout proche de ces endroits, n'avait pas été inspiré par le souvenir du moine Félix, qui accompagnait le roi Pépin ?

LA DESTRUCTION DE L'ABBAYE PAR LES NORMANDS

SA RESTAURATION.

SON HISTOIRE PENDANT LE MOYEN AGE

Après la fondation de l'abbaye d'Angéri, qui prit le nom de Saint-Jean d'Angély, le silence se fait tant sur l'abbaye que sur la ville même et le palais qui s'y trouvait, et cela jusqu'à l'année 928, sous le règne de Charles le Simple 3. Il est bien question, dans une notice de l'abbaye, d'un diplôme de Pépin, antérieur, par conséquent, à 838, année de la mort de ce prince, qui autorise l'abbaye à envoyer ses navires sur les fleuves du royaume, avec exemption de tous droits de péages en quelques lieux que ce soit. Mais ce diplôme est introuvable, et nous n'avons aucun autre document qui ait trait à cette époque à notre monastère.

La cause de ce silence est due notamment aux Normands qui renversèrent tout de fond en comble dans cette contrée.

A quelle date cette destruction aurait-elle eu lieu? Ce serait

1. Voir ch. II, V et VII de la fin du Xe siècle.

2. Il est aussi question d'un moulin nommé Molival, dans la charte CCCCL, placée entre une charte qui a trait à Pourçay-Garnaud et une autre à Marencennes. Il n'existe pas de moulin de ce nom dans cette dernière localité ni dans les environs.

3. Cart. ch. CLXII.

4. Bibl. nat., fas. lat. no 12.676, fol. 106, verso.

en 850, d'après Méchain 1, en 860, d'après Duret 2, sous le règne de Charles le Chauve, mort en 876, et plus spécialement en 876, après la mort de Pépin, le fondateur du monastère, d'après la tradition et les notes des bénédictins.

Les annales de Saint-Bertin parlent en effet d'une invasion des Normands, sur la Charente, en l'année 876 3. Mais assurément, il y en avait eu de nombreuses qui avaient bien pu atteindre le monastère. Depping rapporte qu'en 840 ou 845 les Normands vinrent jusqu'à Saintes 5. M. Richard, dans son histoire des comtes de Poitiers, donne des détails très circonstanciés sur ces invasions normandes et les ruines des monastères qui en furent la conséquence au cours des années 843, 848, 855, 857, 863, 865, 868 et 930 6.

De tout ceci il semble bien résulter que la ville et l'abbaye de Saint-Jean d'Angély durent subir, non pas une seule fois, mais à maintes reprises les dévastations de ces peuples barbares. Dans le manuscrit publié par Peigné-Delacourt, il est dit: « A l'église Saint-Jean-d'Angérée fu seveliz le trésorz entra l'outer saint Joan e le saint Luc. >>

Puis on y voit qu'après avoir parcouru diverses contrées de la France, les Normands avaient été pourchassés par Taillefer, fils du duc de Bourgogne, qui les avait également expulsés de l'île d'Oléron. Taillefer retourna ensuite à Saint-Jean dont les moines avaient fui à Angoulême, et fit porter dans l'église de ce lieu les corps des barons qui avaient été tués à Champdolent. Aymard, fils d'Emenon, comte d'Angoulême, aurait même donné à ce moment-là la terre de Néré à l'abbaye. Les Normands seraient ensuite revenus à nouveau en Poitou.

Par le fait de ces désordres et de ces violences, le monastère

1. Méchain, Hist. de Saintonge, Poitou, Aunis et Angoumois. SaintJean-d'Angély, 1671, in-folio, p. 125.

2. Recueil de la commission des arts et monuments de la Charente-Inférieure, 1893, p. 102.

3. Hist. de France, VII, թ. 92.

4. Massiou, Hist. de la Saint., t. I, p. 359 et références.

5. Depping, Hist. des expéditions des Normands. Paris, Didier, 1844,

p. 68.

6. T. I, p. 17 à 30 et p. 67.

7. Peigné-Delacourt, Les Normans dans le Noyonnais, 1868, p. 93 et suivantes.

8. Emenon fut comte d'Angoulême de 863 à 866.

avait perdu la majeure partie des revenus et des biens dont il avait été enrichi, et si l'on en juge par de nombreux textes du cartulaire, il devait être complètement désorganisé. Quelques moines y séjournaient sans doute, mais vraisemblablement plutôt à titre de cénobites, de prêtres libres que de religieux affiliés et soumis à la règle de saint Benoit. La congrégation existait néanmoins puisque des donations lui sont faites vers le premier quart du Xe siècle et en juin 941 1.

Le roi lui-même s'émut de cette situation fâcheuse, sur les instances du comte Ragaire ou Roger, à qui il venait de donner le comté de Laon, et d'Eble, évêque de Limoges, frère 2 de Guillaume Tête d'Etoupe. Sollicité par eux, et usant de son pouvoir royal, Louis d'Outremer restaura le monastère en l'année 940, puis un an après, en 941, mit à la tête de l'abbaye de Saint-Jean, un serviteur de Dieu, nommé Martin. Ce religieux, qui est le premier abbé connu, avait pour mission de gouverner l'abbaye, avec toutes ses dépendances, pendant sa vie, et de diriger les moines qui y vivaient régulièrement. Il était convenu que les religieux après son décès, auraient le droit d'élire, en tout temps, son successeur, en se conformant aux règles de l'ordre de saint Benoît. Le roi accordait en plus l'immunité au monastère et promettait d'en être le protecteur.

Si l'on en croit les chroniqueurs, Martin aurait été précédemment abbé de Saint-Cyprien de Poitiers. Il est fait mention de lui dans le Nécrologe à la date du 12 avril, alias le XIIe jour des calendes d'avril 3. Ce serait en 943 qu'il serait mort abbé de Jumièges où il serait arrivé en 940 4.

II abbé. Aymon, après la mort de l'abbé Martin, fut chargé de la direction du monastère, d'après la chronique de Maillezais. Ce serait lui qui de concert avec le moine Raynaud, son familier, aurait fait transporter le corps de saint Révérend du monastère de Nouastres à Sainte-Radégonde de Poitiers, Plus tard l'abbé Aymon, sur les conseils du duc d'Aquitaine, aurait apporté à Saint Jean une partie tout au moins des reliques de ce saint 5. Dès le milieu du Xe siècle, il est souvent question de

1. Cartulaire, ch. 162 et 189.

2. Cart., ch. 1 (7 janvier 942).

3. Chronique de Maillezais, ap., Labbe, loc. cit., tome II, p. 197, etc. 4. Richard, loc. cit., p. 85, et note 1.

5. Gallia, t. II, col. 1097.- Voir plus loin un chapitre consacré à saint Révérend.

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