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traire, toutes les paroisses du marquisat plaident à Ruffec en première instance. Quant à la division par provinces, elle sert à déterminer l'empire des coutumes.

C'est seulement au regard du droit public et de l'administration que l'unité monarchique a superposé de nouvelles divisions aux anciennes. A ce point de vue, le Tussonnais se trouve complètement isolé il fait, en effet, partie de la généralité de Poitiers, élection de Niort, département de Chef-Boutonne. Au contraire, des paroisses circonvoisines, les unes, celles de l'Angoumois, se rattachent à l'intendance de Limoges, élection d'Angoulême; les autres, celles du Poitou, à l'intendance de La Rochelle, élection de Cognac. L'importance capitale attachée aux circonscriptions administratives fait méconnaître trop aisément l'ancienne division du pays; il semble que le droit public absorbe le droit privé. C'est ainsi que la carte de Cassini donne le territoire de Tusson comme une enclave du Poitou, et que la géographie de Dumoulin classe expressément Fouqueure, Villejésus et Aigre en Angoumois (1).

Les géographes peuvent s'y laisser prendre; il n'en est pas de même des jurisconsultes. Etienne Souchet, dans les différents tableaux des châtellenies et paroisses qui terminent son commentaire de la Coutume d'Angoumois, n'a garde de faire figurer Fouqueure, Aigre ou Villejėsus (2).

(1) La géographie ou description générale du royaume de France divisée en ses généralités, par M. Dumoulin, officier réformé. 1767. T. V, p. 129.

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Paris, 1783. T. II.

Paris,

Cou

(2) Pas plus qu'Oradour, Lupsault, Bonneville, Auge, etc. tume d'Angoumois. · On plaidait sur le point de savoir dans quelle province, c'est-à-dire sous quelle coutume se trouvait une paroisse. Nous voyons un procès en la cour conservatoire des privilèges royaux de l'université de Poitiers et au présidial de la même ville, entre l'évêque et les habi

Au surplus, la confusion qui résulte de ces divisions multiples est plus apparente que réelle. La procédure est la même devant la « cour» de Tusson en Poitou et devant la cour » de Bessé en Angoumois (1); bien plus, nous nous trouvons en face d'un même juge pour les deux juridictions (2). Quant aux coutumes, la ressemblance est grande entre les dispositions adoptées soit en Angoumois, soit en Poitou (3), et, ce qui est plus fort que les textes, la pratique est identique dans nos paroisses appartenant aux deux provinces.

C'est, nous l'avons dit, à peu près exclusivement aux notaires de Tusson que nous emprunterons nos renseignements, et spécialement à Me Derouffignac, « notaire royal pour les provinces de Poitou, Angoumois et Sain

tants de Villefagnan, au sujet de la dime des sainfoins, dont ceux-ci se prétendaient exempts, en alléguant qu'elle était insolite dans la province d'Angoumois, à laquelle, suivant leur dire, se rattachait Villefagnan; appel au parlement de Paris; arrêt qui maintient l'évêque de l'oitiers en possession du droit de percevoir cette dîme à raison de 12 sols par journal. (Inventaire des archives départementales de la Vienne, p. 19. Évêché de Poitiers, G. 128, 1701-1766.)

(1) Transaction sur procès, 3 septembre 1774 (Tusson) et 9 octobre 1774 (Bessé). Minutes de Me Derouffignac. (Archives départementales.) (2) 3 janvier 1747. (Minutes de Jacques Sallèle, notaire de la châtellenie de Tusson.)

Ces Minutes, 1742-1769, sont restées en l'étude du notaire de Tusson. Il en est de même de celles de Me Nivau, à partir de 1775.

On retrouve dans la même étude :

10 Minutes de Sauton, notaire royal à Charmé, de 1767 jusqu'à l'an VIII;

2o Minutes de Chastin, notaire royal à Ligné : 1776-1789;

3o Minutes de Chastin-Lanauvalle, notaire à Luxé : 1768–1788. Il est fâcheux qu'une mesure législative n'ait pas ordonné le dépôt aux Archives départementales de toutes les Minutes antérieures à 1789 qui se trouvent disséminées dans les études des notaires en exercice; ce serait une loi bien simple à faire et qui serait accueillie avec satisfaction par tous, car elle déchargerait les notaires d'une responsabilité et fournirait à l'histoire de précieux documents.

(3) Voir Souchet, op. cit., Coutume d'Angoumois commentée et conférée avec le droit commun du royaume de France.

tonge »; or, le praticien ne change rien à la rédaction de ses actes, qu'il les reçoive à Tusson, à Ébréon, Bessé, Fouqueure, ou même à Saint-Fraigne.

Note étude s'applique en réalité, non pas exclusivement à Tusson, mais à la région qui se trouve placée aux confins de l'Angoumois, de la Saintonge et du Poitou.

II.

Le bourg et ses habitants.

LA population de la châtellenie, qui compte 187 feux, est agglomérée au bourg; le hameau de La Forêt n'est lui-même distant que de trois cents pas.

Le bourg est étagé sur le versant du plateau de la ville. Au centre s'élève l'église paroissiale, dédiée à saint Jacques; son clocher domine les paroisses environnantes. Nous connaissons la date de sa fondation, 1227; elle a été reconstruite à la fin du XVe siècle. Sur la place qui se trouve à côté de l'église sont des halles spacieuses, composées d'une toiture peu élevée que supportent des piliers de bois. Il y a marché à Tusson le mardi de chaque semaine; les foires sont fixées au second mardi du mois (1).

Des halles part la grande rue qui, vers l'est, se dirige sur Luxẻ (2), et, du nord, va sur Ruffec, avec bifurcation à l'ouest sur Ébréon. A cette rue, qui

(1) Voir de Rencogne, Documents pour servir à l'histoire du commerce et de l'industrie en Angoumois. (Bulletin, 1876, p. 444-446.) Voir Appendice A.

(2) Les actes portent : « la grande rue qui va des halles à la fontaine de la Truie». (Foucauld, 5 novembre 1691, Archives départementales.)

enveloppe à demi le bourg d'une ceinture, il en aboutit sept autres qui, descendant du plateau, en découpent le versant. Mais, le long de toutes ces rues assez régulièrement dessinées, les maisons se pressent les unes contre les autres, avec des cours étroites, souvent communes à plusieurs ménages; de là des ruelles tortueuses, qui parfois se terminent en impasses. On distingue, toutefois, un certain nombre d'habitations plus spacieuses, avec fenêtres à meneaux, ornées de moulures; la porte de l'une, quoique modeste, est surmontée de machicoulis; une autre est flanquée d'échauguettes; toutes sont assorties d'une large cour, avec portail cintré, suivant l'usage du pays.

Le pli du terrain est occupé par le couvent, dont l'enclos s'étend sur le versant opposé au bourg et joignant la forêt.

Cet enclos, qui comprend environ quarante-deux journaux (1), est entouré de murailles de quinze pieds; il est divisé en deux parties, séparées par des murs d'égale hauteur.

Dans la partie exposée à l'est réside messire Cherbonnel, prêtre, religieux de l'ordre de Fontevrault, prieur, premier confesseur des religieuses, curé de Tusson; à côté demeurent messire Aigrefeuille, leur second confesseur, aussi de l'ordre de Fontevrault, et M. Poirier, vicaire (2). Ils représentent le couvent d'hommes, qui, autrefois, constituait à Tusson une maison dont la chapelle, placée sous l'invocation de saint Jean, est près de tomber en ruines (3). Dans le mur séparatif, un guichet s'ouvre pour laisser passer les aliments préparés par les religieuses.

(1) Quatorze hectares. (Voir Appendice B.)

(2) Puis M. Pommier, à partir de 1780. (Registres de l'état civil de Tusson. Voir ci-dessous : Derouffignac, 21 avril 1778.)

(3) Procès-verbal de 1791. - Voir ci-dessous.

La maison des religieuses, à l'ouest, forme un ensemble de constructions assez considérable, entouré d'une préclôture défendue par des tours et des meurtrières. La chapelle, magnifique église romane à coupole, a été flanquée, du côté joignant la maison conventuelle, d'une massive tour carrée dans laquelle se développe l'escalier de pierre du clocher (1).

L'étroit vallon dans lequel s'abrite le couvent commence au pied du hameau de La Forêt; là s'amasse l'égout des terres et des bois. L'eau ainsi recueillie était sans doute la seule dont Tusson disposât à l'ori

(1) Nous donnons en appendice deux descriptions détaillées des clos et couvent de Tusson, rédigées l'une en 1791, et l'autre en l'an IV: la première commence par le clos, la seconde par le couvent; elles s'éclairent mutuellement et permettent d'avoir une idée assez nette de la maison de Tusson. (Voir Appendice C et D.) `

Les religieuses possédaient en outre :

A Tusson:

1o Le pré du Four, renfermé de murs de toutes parts, dans lequel il y a un fossé qui écoule l'eau du réservoir de la communauté dans le pré du Fraigne, tenant d'orient à l'ancien four banal, jardin du sieur Charles Nivau et autres, d'occident au jardin et clôture de la communauté, du midi à la cour et maison de ladite communauté, du septentrion au chemin qui conduit de Tusson à Aigre;

Seize journaux et demi, estimés 10,791 fr.;

2o Le pré du Fraigne, à droite du chemin de Tusson à Aigre, renfermé de murs de toutes parts;

Vingt-neuf journaux, estimés 12,017 fr. 10 c.;

3o Les halles de Tusson, confrontant d'orient et septentrion à la place et champ de foire de ladite halle, d'occident à la rue qui séladite halle d'avec la maison des sieurs Lhoumeaux et Langoumois, du midi à la rue qui part de la place publique de l'Église et conduit au champ de foire des chevaux et mulasses; estimées 1,584 fr.

pare

Procès-verbal d'adjudication, 6 mai 1791. (Archives départementales, liasse Charmé.)

Les halles furent achetées par Georget de la Prée, maire, adjudicataire pour la commune.

A Charme:

Terre et seigneurie de Puybonnet, avec la métairie de Bellicoust. Le revenu de la seigneurie de Puybonnet comprenait la grande dimerie, portant sur les blés, c'est-à-dire froment, mesture, baillarge,

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