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cherche des renseignements qui peuvent, dans leur ensemble, constituer l'histoire générale de l'Architecture byzantine en France. Le seul travail qui soit proportionné à nos modestes prétentions ne va pas jusque-là; mais en prêtant une attention toute naturelle à quelques chapitres de l'important ouvrage qui fera époque dans les études archéologiques, nous avons remarqué, avec un intérêt que nos compatriotes partageront, qu'après avoir donné la description de la cathédrale de Saint-Front, digne objet des soins de la ville de Périgueux et du gouvernement lui-même, comme modèle des anciens édifices à coupoles, l'auteur a mis à profit les fréquentes excursions qu'il a pu faire sur nos terres, pour porter le coup d'œil du judicieux observateur de l'homme de science et de goût dans les églises à coupoles que possèdent l'Angoumois et la Saintonge.

Parcourir les provinces voisines du Périgord, à la suite d'une station devant la riche architecture et les ornements de Saint-Front, sans s'arrêter sous les arceaux non moins remarquables de Saint-Pierre d'Angoulême, c'eût été oublier, en effet, le but d'un voyage entrepris pour vérifier l'affiliation des édifices qui, dans nos contrées de l'Ouest, offrent un caractère semblable et des traces d'une commune origine. M. Félix de Verneilh n'avait garde d'omettre l'occasion de recueillir chez nous le plus précieux des renseignements sur les œuvres de l'école qu'il désigne sous le nom de byzantine.

Or, la Société archéologique de la Charente ne doit point faire une simple mention du travail qui met en relief, aux yeux de l'Europe savante, un monument

placé au centre même de son domaine; il semble qu'une attention particulière et les honneurs d'une analyse raisonnée ne sauraient être accordés en meilleure occasion.

Le plan tracé par M. Félix de Verneilh est simple, comme tout ce qui présente le résultat d'une étude bien dirigée et mûrie par une longue méditation.

Il prend acte, dans l'introduction, des progrès de la science archéologique et « de l'heureuse révolution survenue dans le goût national qui a remis en honneur les arts du moyen-âge. » Toutefois une croyance de longue date s'est établie parmi nous pour accréditer, peutétre sans motifs, que la France, en fait d'art, n'avait à revendiquer aucune initiative, « qu'elle avait toujours imité et jamais créé. Lors donc qu'il fallut nommer les styles qui se partagent nos monuments et leur assigner une origine, celui que caractérise le plein cintre, signalé comme venant de l'Orient, s'appela tout naturellement byzantin. »

Cette dénomination prend son origine dans une analogie, plutôt apparente que réelle, qui a pu être signalée entre les églises de l'ancien empire grec et celles qui s'élevaient en France aux XIe et XIIe siècles, et qui avaient pour principe générateur la coupole systématiquement employée dans les monuments religieux dont la série, commencée sous Justinien, au VIe siècle, se perpétue aujourd'hui même dans tout l'Orient.

Dès l'instant où l'auteur a reconnu qu'au fond de nos ⚫ provinces centrales il existe de semblables édifices isolés dans l'art national, révélant, par des coupoles qui forment la base des combinaisons architecturales, une

origine orientale, il a pensé « qu'un fait sans analogue et d'une haute importance pour l'histoire de lart, devait être étudié dans tous ses détails, dans toutes ses conséquences.

« C'est à l'aide d'une recherche poursuivie pendant dix ans qu'il est parvenu à constater l'existence de plus de quarante monuments tous empreints, à des degrés différents, du même style, tous de la même famille.

« Mais le plus ancien, le plus complet de tous serait, selon l'opinion de M. de Verneilh, l'ancienne abbaye de Saint-Front, aujourd'hui cathédrale de Périgueux. Il semble dominer et expliquer les nombreux édifices élevés, à son imitation, dans les limites de l'antique Aquitaine. >>

Aussi plusieurs chapitres se trouvent-ils consacrés à la monographie de ce monument; le premier fait ressortir l'analogie de Saint-Front de Périgueux et de Saint-Marc de Venise; car, à son grand étonnement, l'auteur a reconnu que l'on aurait reproduit sur le territoire de l'ancienne Vésone le plan, la forme, les proportions et presque les dimensions de la célèbre basilique de Venise. Cependant l'apparence des deux édifices n'est pas la même, « et leur ressemblance n'est pas de celles qui saisissent; elle est intime, et l'analyse peut seule en faire apprécier toute l'étendue.»>

Or, s'il s'agit de retrouver le modèle proposé aux architectes de Venise, c'est dans le vaste édifice de Sainte-Sophie de Constantinople que l'on doit porter ses regards; c'est devant la coupole immense qui distingue l'œuvre du VIe siècle qu'il faut s'arrêter, en remarquant, dès cet instant, que les artistes formés à

l'école byzantine « donnèrent la monnaie » de ce qu'ils ne pouvaient reproduire dans l'ensemble presque idéal proposé pour modèle. « Saint-Marc eut donc cinq coupoles, copies réduites de celle de Constantinople, » consacrée, ainsi que son nom l'indique, à la sagesse éternelle, en 557.

Le caractère distinctif de cette coupole, non moins hardie que majestueuse, résultait de son établissement dans un carré qui avait donné faculté d'en évider les supports, des encorbellements triangulaires se projetant sur le vide à chaque angle du carré, et prenant de leur position elle-même le nom énergique de pendentifs. On remarquait aussi que les pendentifs de Sainte-Sophie étaient découpés par les grands arcs d'une part, et de l'autre par la coupole formée d'une moitié de sphère d'un diamètre pareil à la diagonale des piliers, et de plus qu'une rangée circulaire de petites fenêtres se trouvait ménagée à la base de cette calotte très surbaissée.

Tel était le modèle transmis à l'Italie par suite des relations qui n'ont jamais cessé d'exister entre les Grecs du Bas-Empire et les états formés dans les contrées abandonnées par la puissance romaine, frappée ellemême de décadence.

La distribution de cinq coupoles dans l'église de SaintMarc, qui présentait la figure d'une croix grecque, était tout naturellement indiquée. En plaçant au centre la plus grande coupole, les quatre autres couvrirent les quatre branches de la croix. Par là deux des piliers et un des grands arcs de chaque petite coupole durent se confondre avec les piliers et les grands arcs de la coupole centrale.

Or, cet ensemble, ainsi que la distribution des piliers, les distances qui les séparent, les ouvertures pratiquées dans diverses parties de l'église de Saint-Marc, se retrouvent à Saint-Front; mais ce n'est pas assez pour l'auteur d'établir cette analogie, il veut aussi l'expliquer et montrer qu'il y a dans l'un des deux édifices imitation directe, immédiate de l'autre ; qu'enfin SaintMarc est un monument original dont Saint-Front n'est que la copie.

Cette proposition est le résumé du premier chapitre. La description de Saint-Front, contenue dans un second chapitre, fournit une des preuves les plus frappantes et un développement digne de remarque, alors même qu'il ne serait pas permis de vérifier sur les lieux la vérité du tableau, parce que là se retrouvent de judicieuses observations dont la science peut tirer parti.

M. de Verneilh n'oublie pas, dans sa description, de mettre en regard les deux édifices de Venise et de Périgueux, en prenant de là occasion de faire ressortir ce qui dans la copie appartient au modèle et certaines modifications résultant soit d'impossibilités matérielles, soit de besoins locaux, soit d'innovations purement volontaires de l'architecte de Saint-Front.

Dès l'année 1826, M. le comte Wulgrin de Taillefer, en publiant le second volume des Antiquités de Vésone, avait inséré dans le cinquième livre, intitulé Monuments élevés depuis le Christianisme, la description détaillée de la basilique de Saint-Front, et l'on sait que ce travail est le résultat des études de M. de Mourcin, savant amateur d'antiquités, dont la ville de Périgueux a honoré les talents et la modestie. Mais dans le temps. où le collaborateur de M. de Taillefer apportait un soin

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