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saints et les ornements de l'église, suivant l'usage adopté, à cette époque, par les protestants.

Cependant les Saint-Gelais auraient dû trouver grâce devant la rage des sectateurs de Calvin; car plusieurs membres de la famille avaient malheureusement donné trop de gages à la religion prétendue réformée. Jean de Saint-Gelais, évêque d'Uzès, après son oncle, en 1531, se fit calviniste et mourut, en 1574, après avoir aþjuré ses erreurs. François de Saint-Gelais, que l'on croit aussi fils de Jean, marquis de Montlieu, après avoir été doyen d'Angoulême, s'était fait protestant; il fut condamné à mort, en 1562, par le duc de Montpensier, pour avoir découvert et livré aux huguenots les vases d'or et d'argent et le trésor de l'église Saint-Pierre d'Angoulême.

La chapelle d'Uzès n'en fut pas moins ravagée et en partie démolie; il ne resta debout que les fragments mutilés que nous possédons encore.

La voûte ayant été écrasée, l'or et les peintures s'effacèrent peu à peu sous l'action incessante de l'air et des pluies, pendant plus de deux siècles.

Cependant un genre inouï de profanation manquait à la chapelle d'Uzès; les protestants n'ont point à se le reprocher, il était réservé à des catholiques de l'accomplir.

Il y a un peu plus d'un quart de siècle, pendant que l'évêché servait de préfecture, on imagina de construire, dans l'intérieur de la chapelle d'Uzès, le dirai-je, Messieurs, sans rougir..... une écurie ! précisément à l'endroit où avait été placé l'autel de Notre-Dame-du-Salut. On peut remarquer, dans la pierre, les divers encastrements pratiqués pour recevoir et supporter les chevrons

de la charpente, ainsi qu'une boucle de fer pour attacher les chevaux; mais ce qu'il y a de pire encore, c'est que, dans l'angle, de l'autre côté de la chapelle et adossé à la cathédrale même, s'élevait un toit destiné à loger des animaux dont le nom est trop immonde pour être prononcé dans cetté assemblée !

Cet état de choses dura jusqu'en 1833. A cette époque, l'autel de la préfecture de l'empire et de la restauration était redevenu le palais épiscopal, mais les ignobles constructions de la chapelle d'Uzès existaient toujours; elles étaient seulement dépourvues d'habitants. Ce fut dans une visite que je fis à ce monument, en compagnie de l'honorable abbé Coullet, que, saisis d'un pieux transport, je dirai même d'une sainte indignation, nous arrachâmes, de nos propres mains, les chevrons et les bois qui dégradaient ces nobles ruines; et le saint évêque de Poitiers, Mer Guitton, de si regrettable mémoire, attiré par le fracas de nos démolitions, vint admirer avec nous les riches et belles sculptures que notre œuvre de vengeance artistique faisait reparaître au grand jour.

Quelque temps après, les amis des arts s'émurent en présence des ruines de la chapelle d'Uzès, et le Conseil général de la Charente vota les fonds suffisants pour faire reconstruire le mur du côté du nord, qui était détruit presque jusqu'à sa base, ainsi que la couverture destinée à protéger l'édifice contre les intempéries des saisons.

Ces réparations furent faites avec goût et précision; on eut même le soin de laisser à la pierre un excédant d'épaisseur suffisant pour permettre au ciseau du sculpteur de faire revivre les arabesques et les dessins

qui existaient sur l'ancienne muraille, en les coordonnant avec ceux des trois autres côtés de l'édifice.

Hélas! ces pierres attendent depuis ce jour et attendront, sans doute, longtemps encore l'habile ouvrier qui doit leur donner la vie artistique.

A cette époque, on avait conçu l'heureuse idée de convertir l'ancienne chapelle en un Musée Charentais, dans lequel on eût rassemblé tous les fragments de sculpture et tous les objets d'art antiques recueillis dans le pays. C'était dans ce but que les réparations avaient été exécutées à la chapelle Saint-Gelais, et c'était une noble destination à donner à cet antique sanctuaire, privé de ses pieuses cérémonies; car l'archéologie est aussi un culte, et il faut convenir que nul monument dans notre ville ne pouvait disputer cet honneur à la chapelle d'Uzès. Quelques difficultés avec l'administration épiscopale empêchèrent la réalisation de cet ingénieux projet, qui eût assuré pour longtemps la conservation de l'édifice.

Depuis lors, les choses sont restées dans le même. état; la chapelle de Notre-Dame-du-Salut est devenue le vestibule du palais épiscopal, du côté de l'église SaintPierre, et tout ce qu'on peut dire de ce petit monument, c'est qu'il n'y pleut plus.

Quelque temps après, les vrais amis de l'antiquité ont été presque réduits à regretter les réparations faites à la chapelle d'Uzès; car on eut l'idée de la changer en un atelier pour les facteurs chargés de réparer l'orgue de la cathédrale. Ils la remplirent de pièces de bois, l'encombrèrent de madriers et brisèrent les fines découpures des murailles; il est vrai de dire que l'incessante fumée produite par les bois résineux que les

ouvriers y brûlaient chaque jour, noircit tellement les murailles, qu'il serait difficile maintenant de constater les dégradations nouvelles qui ont revêtu une teinte égale à celles des anciennes, et fait de tout le mónument une véritable tannière.

On dira peut-être que, dans cette œuvre malheureuse, il s'agissait encore d'art, et que la musique remplaçait la sculpture : à la bonne heure ; mais à cela nous répondrons qu'on devait s'arranger de manière à ce que l'une des muses ne vînt pas faire la guerre à l'autre.

Tel est le petit travail que j'ai entrepris sur la chapelle d'Uzès. Il puise une raison d'actualité dans cette circonstance qu'il est question d'entreprendre bientôt de grandes réparations à la cathédrale, et que les archéologues tremblent que les restes de la renaissance ne soient sacrifiés à la restauration toute romane que l'on médite.

Qu'il nous soit permis cependant de faire des vœux ardents pour sa conservation..

N'oublions pas que la chapelle d'Uzès est au milieu de nous le seul fragment d'architecture de son époque qui nous reste; qu'elle nous rappelle le nom d'hommes dont nous devons être fiers; faisons donc tous nos efforts pour protéger ces beaux débris contre les dangers qui les menacent. Nous avons le bonheur de posséder un prélat éclairé, ami des arts, qui s'associe à nos travaux et compte la chapelle de Saint-Gelais dans son domaine. Faisons un appel à son zèle scientifique et religieux, et soyons sûrs qu'il fera droit à notre juste demande ; car il n'ignore pas que si l'archéologie a la mission de conserver pour la terre, la religion, elle, doit conserver pour le ciel. Angoulême, le 2 juin 1853.

J.-A. BOLLE, Ay1..

NOTICE

SUR

LES SEIGNEURS DE MONTBRON.

L'histoire du moyen-âge, au lieu de l'unité qui constitue la physionomie des temps modernes et qui ramène les idées de nationalité au même centre d'action politique, ne présente qu'un ensemble souvent confus d'individualités dispersées çà et là avec plus ou moins d'intérêt et difficiles à expliquer dans leurs origines. Dans cette société, mélange de tant d'éléments, qui se transforme sans comprendre si elle s'éloigne de la barbarie ou si elle s'en rapproche, on ne peut souvent raconter que le passé de quelques familles, dont l'influence commença avec la conquête, grandit avec la féodalité et s'affaiblit à mesure que le temps amène des idées nouvelles. De pareils récits ne sont alors que quelques pages des annales d'un pays; mais tout en renonçant à saisir l'ensemble, on n'en comprend pas moins comment la grande nation s'est formée, comment des temps anciens sont venus les temps modernes, comment les races féodales ont été forcées de laisser des populations longtemps déshéritées entrer avec elles en participation de droits politiques, de civilisation, de liberté et de bien-être. Sous ce point de vue, l'his

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