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CHAPITRE II.

LE ROMAN (suite). THACKERAY.

I. Abondance et excellence du roman de mœurs en Angleterre. - Supériorité de Dickens et de Thackeray. de Dickens et de Thackeray.

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Comparaison

II. Le satirique. Ses intentions morales. - Ses dissertations morales.

III. Comparaison de la moquerie en France et en Angleterre. — Différence des deux tempéraments, des deux goûts et des deux esprits.

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IV. Supériorité de Thackeray dans la satire amère et grave. L'ironie sérieuse. Les snobs littéraires; Miss Blanche Amory. La caricature sérieuse. Mistress Hoggarty.

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V. Solidité, et précision de cette conception satirique. Ressemblance de Thackeray et de Swift. Les devoirs d'un ambassadeur.

VI. Misanthropie de Thackeray.

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Niaiserie de l'amour. Vice intime des générosités et des exaltations humaines.

VII. Ses tendances égalitaires.

société en Angleterre.

Le snob et l'aristocrate.

Défaut des caractères et de la

Ses aversions et ses préférences.

- Portraits du roi, du grand seigneur

de cour, du gentilhomme de campagne, du bourgeois gen

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- En quoi elle fausse

En quoi elle diminue l'intérêt.

les personnages. Comparaison de Thackeray et Balzac. Valérie Marneffe, et Rebecca Sharp.

IX. Rencontre de l'art pur. Portrait de Henri Esmond.

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TaConception de l'homme

X. La littérature est une définition de l homme. Quelle est cette définition dans Thackeray. - En quoi elle diffère de la véritable.

Le roman de mœurs pullule en Angleterre, et il y a de cela plusieurs causes d'abord il y est né, et toute plante pousse bien dans sa patrie. En second lieu, c'est un débouché on n'y a pas la musique comme en Allemagne et la conversation comme en France; et les gens qui ont besoin de penser et de sentir y trouvent un moyen de sentir et de penser. D'autre part, les femmes s'en mêlent fort; dans la nullité de galanterie et dans la froideur de la religion, il ouvre une carrière à l'imagination et aux rêves. Enfin, par ses détails minutieux et ses conseils pratiques, il offre une matière à l'esprit précis et moraliste. Aussi le critique se trouve comme noyé dans cette abondance; il doit choisir pour saisir l'ensemble, et se réduire à quelques-uns pour les embrasser tous.

Dans cette foule, deux hommes ont paru, d'un talent supérieur, original et contraire, populaires au même titre, serviteurs de la même cause, moralistes dans la comédie et dans le drame, défenseurs des sentiments naturels contre les institutions sociales, et qui, par la précision de leurs peintures, par la profondeur de leurs observations, par la suite et l'â– preté de leurs attaques, ont ranimé, avec d'autres

vues et un autre style, l'ancien esprit militant de Swift et de Fielding.

L'un, plus ardent, plus expansif, tout livré à la verve, peintre passionné de tableaux crus et éblouissants, prosateur lyrique, tout-puissant sur le rire et sur les larmes, a été lancé dans l'invention fantasque, dans la sensibilité douloureuse, dans la bouffonnerie violente, et, par les témérités de son style, par l'excès de ses émotions, par la familiarité grotesque de ses caricatures, il a donné en spectacle toutes les forces et toutes les faiblesses d'un artiste, toutes les audaces, tous les succès et toutes les bizarreries de l'imagination.

L'autre, plus contenu, plus instruit et plus fort, amateur de dissertations morales, conseiller du public, sorte de prédicateur laïque, moins occupé à défendre les pauvres, plus occupé à censurer l'homme, a mis au service de la satire un bon sens soutenu, une grande connaissance du cœur, une habileté consommée, un raisonnement puissant, un trésor de haine méditée, et il a persécuté le vice avec toutes les armes de la réflexion. Par ce contraste, l'un complète l'autre, et l'on se fait une idée exacte du goût anglais en ajoutant le portrait de William Thackeray au portrait de Charles Dickens.

$ 1.

LE SATIRIQUE.

I

Rien d'étonnant si en Angleterre un romancier fait des satires. Un homme triste et réfléchi y est poussé par son naturel; il y est encore poussé par les mœurs environnantes. On ne lui permet pas de contempler les passions comme des puissances poétiques; on lui ordonne de les apprécier comme des qualités morales. Ses peintures deviennent des sentences; il est conseiller plutôt qu'observateur, et justicier plutôt qu'artiste. Vous voyez par quel mécanisme Thackeray a changé en satire le roman.

J'ouvre au hasard ses trois grands ouvrages : Pendennis, la Foire aux vanités, les Newcomes. Chaque scène met en relief une vérité morale; l'auteur veut qu'à chaque page nous portions un jugement sur le vice et sur la vertu; d'avance il a blâmé ou approuvé, et les dialogues ou les portraits, ne sont pour lui que des moyens par lesquels il ajoute notre approbation à son approbation, notre blâme à son' blâme. Ce sont des leçons qu'il nous donne, et, sous les sentiments qu'il decrit, comme sous les événements qu'il raconte, nous démêlons toujours des préceptes de conduite et des intentions de réformateur.

A la première page de Pendennis, vous voyez le portrait d'un vieux major, homme du monde, égoïste et vaniteux, confortablement assis à son club, auprès du feu et de la fenêtre, envié par le chirurgien Glowry que personne n'invite, cherchant dans les comptes rendus des fêtes aristocratiques son nom glorieusement placé entre ceux d'illustres convives. Une lettre de famille arrive. Naturellement il l'écarte, et la lit avec négligence après toutes les autres. Il pousse un cri d'horreur : son neveu veut épouser une actrice. Il fait arrêter des places à la diligence (aux frais de la famille), et court sauver le petit sot. S'il y avait une mésalliance, que deviendraient ses invitations? Conclusion évidente: ne soyons ni égoïstes, ni vaniteux, ni gourmands comme le major.

Chapitre deux : Pendennis, père du jeune homme, était de son temps apothicaire, mais d'une bonne famille, et désolé d'être descendu jusqu'à ce métier. L'argent lui vient; il se donne pour médecin, épouse la parente d'un noble, essaye de s'insinuer dans les grandes familles. Il se vante toute sa vie d'avoir été invité par lord Ribstone. Il achète un domaine, tâche d'enterrer l'apothicaire, et s'étale dans sa gloire nouvelle de propriétaire terrien Chacun de ces détails est un sarcasme dissimulé ou visible qui dit au lecteur « Mon bon ami, restez Gros-Jean comme vous l'êtes, et, pour l'amour de votre fils et de vousmême, gardez-vous de trancher du grand seigneur!

Le vieux Pendennis meurt. Son fils, noble héritier du domaine, «grand-duc de Pendennis, sultan de

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